Ambrogio Lorenzetti, “Annunciazione”

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Ambrogio Lorenzetti (Sienne, actif de 1319 à 1348)

Annonciation, 1344.

Tempéra et or sur panneau, 130 x 150 cm. (avec la prédelle).

Inscriptions :

  • (sur la prédelle) : “(A DI) XVII DI DICE(M)BRE MCCCXLIIII FECE AMBRUOGIO LORE(N)ÇI QVESTA / TAVOLA ERA CAMARLE(N)GO DO(N) FRA[N]CESCO MO(N)ACO DI SA(N) GALGANO / E ASSECUTORI BI(N)DO PETRVCCI GIOVAN[N]I DI MEO BALDO / (VIN)ETTI MINO D’A(AN)DREOCCIO SCRITTORE A(N)GNOLO LOCTI” [1]“Le dix-septième jour de décembre 1344, Ambrogio Lorenzetti fit ce tableau. Don Francesco, Moine de San Galgano, était camerlingue (trésorier), et les esecutori (intendants), Bindo Petrucci, Giovanni di Meo Baldovinetti, Mino d’Andreoccio ; le secrétaire, Angelo Locci.”
  • (entre l’ange et Marie, paroles de l’ange) : “NON EST I(N)POSSIBILE APVD DEU(M O)MN]EM V(ER)BVM” [2]“[…] quia non erit inpossibile apud Deum omne verbum” ([…] car rien n’est impossible à Dieu).” Dans cette inscription, le Titulus paléographique placé sur le “I” de “I(N)POSSIBILE” signale l’omission de la lettre suivante, un ‘N’ et non ‘M’, le mot s’écrivant inpossibile en latin.
  • (dans l’auréole de la Vierge) : “AVE MARIA GRATIA PLENA DOMINU(S) TECU(M)” [3](Lc 1, 28) : “Je te salue Marie, toi comblée de grâce, le Seigneur est avec toi.”
  • (réponse de la Vierge, en direction de Dieu) : “ECCE A(N)CILLA D(OMI)NI” [4](Lc 1, 38) : “Je suis la servante du Seigneur.”

Provenance : Palazzo Pubblico, Sienne.

Sienne, Pinacoteca Nazionale.

La parole que profère l’ange n’est pas celle attendue dans la configuration très précise, à défaut d’être encore codifiée, d’une Annonciation peinte, ni même selon la tradition chrétienne qui veut que Gabriel salue la Vierge dans les termes exacts rapportés par Luc : “Ave Maria gratia plena […]” (Lc 1, 28). Ce n’est pas le cas ici, et cette caractéristique inhabituelle n’est pas la seule que nous serons amenés à observer lors de notre cheminement à travers cet incomparable chef-d’œuvre.

Commençons par le début. Le panneau est une commande de l’Office de la Gabelle de Sienne, institution administrative et financière des plus importantes au XIVe siècle. Cette commande est passée en 1344 à Ambrogio Lorenzetti, l’un des plus grands peintres actifs en cette veille du passage de la première à la seconde moitié du siècle. Il s’agit précisément d’une biccherna. Et il se trouve que cette biccherna est exceptionnelle à tous égards.

En premier lieu, elle est exceptionnelle par ses dimensions. C’est l’une des premières “tablettes de biccherna” à changer de nature : cessant d’être un élément de reliure destinée à un livre de comptes, elle devient un tableau autonome. L’Annonciation a été commandée à Ambrogio pour être exposée contre un mur du Palazzo Pubblico : c’est donc selon un principe expressément défini par la commande que nous admirons cette peinture en tant que tableau.

Pour peindre le panneau principal, Ambrogio choisit un format carré ; la prédelle, qui augmente la hauteur de l’ensemble et permet de mentionner les informations habituellement inscrites dans la partie inférieure d’une biccherna (celles-ci sont systématiquement relatives à l’année en cours et aux noms des responsables en fonction durant le semestre concerné : nous n’y reviendrons pas). Le carré, forme parfaite, outre sa beauté intrinsèque, n’est pas sans rapport avec le thème de l’Incarnation qui est le sujet même de l’épisode représenté : emblème du monde créé, il caractérise la terre. [5]Dans l’architecture sacrée, il est fréquemment associé au cercle pour exprimer la dualité ciel-terre. Ce caractère est particulièrement signifié dans les églises à plan centré dont le volume cubique est coiffé d’une coupole, le bâtiment manifestant ainsi par sa structure le vœu d’instituer entre les sphères célestes et terrestres une harmonie idéale. L’un des … Poursuivre

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Dans ce format carré, Ambrogio installe méticuleusement les deux protagonistes de la scène. À cet effet, il divise la surface disponible en deux parties grâce à un axe central figuré ici par une colonne gravée dans le support, délimitant ainsi deux espaces spécifiques reliés au sol par le biais d’un pavement géométrique. On a beaucoup écrit sur la représentation de ce pavement, première tentative réussie, bien qu’essentiellement empirique, de transposer sur une surface bidimensionnelle, au moyen de la perspective, une réalité en trois dimensions. Erwin Panofsky, admiratif de la prouesse et de sa nouveauté, a souligné la rigueur (qui n’est qu’apparente) d’une construction géométrique grâce à laquelle “pour la première fois l’artiste force les perpendiculaires visibles du plan de base à converger en un seul et même point” ; il s’est aussi enthousiasmé de “la signification totalement nouvelle que [… l’artiste] accorde [dans l’œuvre] au plan de base en tant que tel [… lequel] devient la surface de base d’une bande d’espace certes encore limitée à l’arrière plan du tableau mais néanmoins extensible sur les côtés au gré de notre imagination. Et innovation plus importante encore, le plan de base y a désormais pour fonction explicite de nous permettre de lire les dimensions des différents corps dont il est le support, ainsi que leurs distances. […] Il n’est pas excessif d’affirmer qu’utilisé de cette manière, un tel motif […] représente en quelque sorte le premier exemple d’un système de coordonnées qui […] rend l’ ‘espace systématique’ moderne matériellement visible […] [6]PANOFSKY 1925, p. 125. ».

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Gabriel, qui vient d’entrer dans l’espace de la Vierge, est à genoux devant elle, selon une invention due à Simone Martini qui, pour la première fois, dans l’Annonciation de 1333 destinée à la Cathédrale de Sienne, à représenté l’Archange agenouillé. Vêtu d’une aube admirablement belle, d’un rose mordoré aux accents de lie de vin et cousue de brocards, il porte une couronne d’olivier sur la tête, et deux paires d’ailes ; l’une est déployée, l’autre non. Il s’agit là d’une curiosité iconographique qui a amené certains historiens de l’art à envisager l’une de ces paires d’ailes comme étant le résultat d’une intégration réalisée plus tardivement. Une inspection rapprochée de l’œuvre ne confirme pas cette hypothèse. [7]BAGNOLI – BARTALINI – SEIDEL 2017, p. 348. D’un geste du pouce pointé dans sa propre direction, Gabriel s’auto-désigne comme celui qui parle à voix haute, d’une manière qui n’est pas exceptionnelle dans un visibile parlare où le geste correspond également à une façon de s’exprimer. Enfin, il porte dans sa main gauche une palme, symbole inhabituel dans une représentation de l’Annonciation, et qui a donné lieu à malentendu. C’est ainsi que Péter [8]PÉTER 1931, p. 37. a vu dans cette scène, de manière erronée, une Annonce de la mort de Marie, épisode où, en effet, la palme, portée par l’archange venu rencontrer une nouvelle fois la Vierge, évoque celle du martyre. Pourtant, c’est probablement parce que la palme symbolise le martyre qu’Ambrogio la place dans la main de Gabriel. Non pas pour annoncer à Marie sa propre mort, mais par anticipation de la mort de celui dont il est venu annoncer l’Incarnation mystérieuse en cet instant précis.

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Il est possible, grâce aux paroles “gravées en lettres d’or dans le fond d’or” [9]ARASSE 1999, p. 75., d’identifier précisément l’instant du colloque angélique représenté (fig. 3). Celles-ci sont inhabituelles dans une Annonciation, les peintres représentant de manière quasi systématique l’instant initial de la salutation angélique (“Je te salue […]”). Chez Ambrogio, la salutation a déjà eu lieu ; la formule demeure présente, mais reléguée, déjà, dans le domaine du souvenir : elle figure encore à la surface de l’œuvre, à un emplacement inattendu, dans l’auréole qui ceint le visage de la Vierge et la signale au regard, dorénavant, comme l’élue de Dieu. Gabriel énonce maintenant les dernières paroles du message divin, telles qu’elles sont rapportées par Luc (“Car rien n’est impossible à Dieu”), avant de quitter Marie dès qu’elle aura achevé de donner sa réponse (“Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole.”). Après quoi, le mystère de l’Incarnation sera consommé. Paradoxalement, l’instantanéité du Mystère possède une durée, bien que celle-ci ne soit pas mesurable : si le Mystère est réputé se produire au moment même où le Verbe est prononcé, ce dernier, néanmoins, ne peut, comme tout propos, être énoncé que dans la durée (c’est l’un des éléments du Mystère …). C’est aussi l’un des aspects invisibles de l’événement qu’il revient pourtant au peintre de représenter. Vaste programme ! Ambrogio, d’une manière somme toute très rationnelle, fait le choix de situer cette fraction temporelle à la fin du dialogue. Il n’est donc pas illogique qu’apparaisse simultanément la colombe de l’Esprit saint.

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Marie est assise sur un siège de marbre aux incrustations à l’allure cosmatesque qui évoque déjà le trône qui l’attend. Les courbes enveloppantes de ce trône le font presque paraître comme une extension du propre corps de la Vierge. Le corps de Marie est puissant et massif. Comme une pyramide, il pèse de tout son poids, non pas lourdement mais solidement, soulignant la force de celle qui s’apprête à accueillir en son sein l’enfant divin. Elle est peut-être “plus bourgeoise, plus matrone, moins raffinée que les Vierges de Bruxelles et d’Aix” [10]Joris-Karl HUYSMANS, L’Oblat, 1903, t.1, p. 306. mais dans son humanité totalement vraie et émouvante, elle est si belle !

Elle vient juste de s’interrompre dans sa lecture ; le livre, omniprésent dans les Annonciations  peintes, est encore ouvert sur ses genoux. Les mains croisées sur la poitrine (fig. 3), portant son regard vers le haut, elle prononce maintenant les paroles qui vont mettre un terme au colloque et faire advenir l’impensable. Ces paroles, “Ecce ancilla domini”, noyées dans le fond doré, sont écrites (et donc également dites) dans la direction vers laquelle son regard est tendu. Cette ultime réponse autorise l’Incarnation. L’oblique de la ligne d’écriture qui en est la traduction croise en chemin la colombe de l’Esprit saint qui descend vers Marie en glissant sur l’axe des paroles d’acceptation prononcées. Dans le même fragment de temps, la colombe pénétrera dans le corps humain de Marie, par l’oreille, ainsi que l’exégèse, qui s’est interrogée sur ce point comme sur tant d’autres, l’a affirmé. Cela nous conduit à observer celle des deux oreilles de Marie qui est visible dans l’œuvre, et à remarquer la présence inattendue d’une boucle d’oreille. Que vient faire ici cet accessoire de mode si ostensiblement montré, “détail rarement observé et, pourtant, bien visible et hautement significatif” ?

“La présence d’un tel bijou à l’oreille virginale est exceptionnelle et, de fait, sa vanité s’accorde mal à la modestie et à l’humilité de la Vierge. Mais c’est qu’il n’a pas pour fonction d’orner futilement et mondainement la beauté de Marie. […] pratiquement inconnu dans le milieu chrétien, en Italie du Centre et du Nord depuis le Xe siècle, le port des boucles d’oreilles est le propre des femmes juives et, depuis le quatrième concile du Latran en 1215, l’église catholique tente (sans grand succès) d’en faire une obligation légale et un signe distinctif. Dans le tableau, cette boucle d’oreille juive souligne le fait que Marie demeure, en particulier, soumise à la loi mosaïque de la purification au temple quarante jours après la naissance, loi dont la venue du Christ libère précisément les femmes chrétiennes. Il est logique, dans ce contexte, que Marie porte également une boucle d’oreille dans la Présentation au Temple peinte par Ambrogio Lorenzetti en 1342, puisque à la suite de saint Luc (II, 22-39), la scène représente simultanément la Purification de la Vierge et la Présentation de Jésus au Temple, c’est-à-dire aussi le passage de l’Ancienne à la Nouvelle Loi. Introduite dans l’Annonciation, la boucle d’oreille constitue donc une allusion à l’avènement (invisible) de cette Nouvelle Loi par l’Incarnation divine, au passage de l’ère sub lege à l’ère sub gratia qui s’accomplit dans l’instant de l’acceptation de Marie. Le choix du moment et l’articulation du récit qu’il implique sont donc très médités et ne correspondent pas à un simple souci anecdotique ni même seulement narratif. [11]ARASSE 1999, p. 76. »

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La colombe, dans une sorte de chassé-croisé, descend vers Marie en même temps que ses paroles d’acceptation, qui viennent d’être prononcées, montent en oblique vers la gauche. Il est temps de remarquer la présence de la figure à laquelle s’adressent ces paroles. Elle apparaît dans l’écoinçon formé par la moulure du cadre, faisant ainsi participer la structure sculptée de l’œuvre à la machine à signifier qu’est décidément cette peinture. Dessinée selon la technique du graffito [12]Le graffito (plur. graffiti) est un dessin tracé rapidement, qui, en art, n’a de rapport avec le gribouillis que sa rapidité d’exécution. plusieurs fois utilisée par Lorenzetti, la figure de Dieu le père (fig. 5) adresse un geste de bénédiction à Marie, qui accompagne, en la redoublant, la descente de l’Esprit saint sur elle.

La construction générale de l’Annonciation est d’une grande rigueur. Le sol aux carreaux vus en perspective, cela a été noté, définit le lieu des figures en tant qu’elles sont en volume et occupent donc un espace tridimensionnel. La chose est confirmée, par exemple, par la forme du trône de Marie, ou encore par le fait que sa robe, en bas de l’image (fig. 6) passe derrière la colonne du premier plan qui en cache une partie, toutes deux créant l’illusion de la profondeur. Grâce à la présence du sol délimité dans la partie basse, il est possible d’interpréter le fond comme “un mur d’or devant lequel sont placées les figures. [13]Jorgen PETERSEN, “Ambrogio Lorenzetti and pictorial space”, Analecta Romani Insituti Danici, VIII, 1977, p.” En revanche, bien que ces figures soient clairement posées au sol, “si l’on observe la partie supérieure de leur corps isolément de la moitié basse de la peinture [voir fig. 3 et 4], on voit qu’elles sont placées, à la façon byzantine traditionnelle, directement sur le fond d’or et non devant lui.”

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Cette remarque nous conduit au plus près de ce qui constitue la plus éblouissante invention de Lorenzetti, qui la distingue de toutes les Annonciations peintes avant lui, et qui, d’une certaine manière, anticipe certaines des recherches sur la spatialité qui seront conduites au cours de l’époque située dans les années soixante du XXe siècle. L’incroyable modernité de la structure visuelle imaginée par Lorenzetti pour donner à voir le Mystère de l’Incarnation, qui tient aussi de la rencontre de l’infini et du fini, ou encore, de la venue du divin, par principe infini, dans l’humain, par nature fini, trouve son expression ultime dans la figure de la colonne (fig. 6). Cette colonne est dessinée et non pas sculptée. Contrairement aux autres éléments du cadre, y compris quand ceux-ci participent à la représentation, elle est gravée à même la surface picturale. Ce choix décisif a pour effet que la colonne, qui appartient au fond d’or dans lequel elle est noyée, dont elle n’est, tout comme les lettres gravées, qu’un élément constitutif, devient dans sa partie basse, “sans changer de configuration”, un corps opaque “qui occulte ce qu’il recouvre visuellement.” Ainsi du petit pan de la robe de la Vierge. La chose ne doit rien au hasard. Elle est mûrement méditée. Il n’est que de regarder attentivement la façon dont la phrase prononcée par Gabriel, elle aussi inscrite “dans” le fond d’or, est traitée quant à elle lorsqu’elle rencontre des obstacles : elle s’interrompt purement et simplement. À deux reprises (d’abord du fait de la palme et une seconde fois, précisément, à cause de la colonne) elle s’interrompt avant de reprendre son cours sans qu’aucun des deux obstacles n’en ait masqué ni même altéré la moindre partie. Comme elle s’interrompt, elle demeure lisible de bout en bout. Lorenzetti est parfaitement conscient du fait que les lettres d’or ciselées dans le fond d’or constituent bien un tout avec celui-ci. Gravée dans le fond d’or, la colonne ne peut pas davantage être devant ce fond. Et pourtant, elle passe bel et bien au premier plan lorsqu’elle traverse le carrelage avant de venir se poser sur sa base qui est si avancée qu’elle en frôle le bord du tableau ; remontant jusqu’au cadre, sa section la plus haute revient à nouveau vers l’avant pour soutenir l’écoinçon en relief dans lequel figure Dieu. Le chapiteau qui la coiffe vient confirmer son rôle porteur des deux arcades sommitales. Ainsi, la colonne ondule dans un espace indéfinissable, à la fois vers l’avant et vers l’arrière, comme flottant dans cet espace. D’une manière indéterminée, elle envahit littéralement l’espace. Cette colonne, nous le savons, est aussi la symbole du Christ. C’est donc bien, la présence invisible du Christ qui, a travers cette colonne qui le symbolise, envahit, au moment même de l’Incarnation, l’espace feint que nous contemplons.

L’intelligence avec laquelle un simple phénomène visuel est exploité dans le contexte d’une œuvre d’art afin de signifier des principes d’une nature qui, quelle qu’elle soit, nous dépasse, rend impossible de ne pas évoquer la figure de Barnett Newman. C’est avec des intentions comparables, et tout aussi ambitieuses, que celui-ci a exploité ce même type de phénomène visuel, dans des œuvres si dépouillées et abstraites qu’elles ont pu être considérées comme les modèles d’un art qualifié un peu trop rapidement de minimaliste parce que ses moyens plastiques le sont. Ainsi, dans l’œuvre (fig. 7) intitulée Station of the Cross I, joue-t-il sur une intervention infime, elle-même effectuée sur une toile non peinte. Une bande verticale préalablement protégée par un ruban adhésif, a été couverte de traces de peinture incandescentes. Ainsi mises en réserve, elle est demeurée non peinte et est réapparue immaculée après le retrait du ruban adhésif. Restée de même nature que le reste de la toile qui n’a pas été peint, elle constitue une partie du fond ; considérée par rapport aux traces sombres, elle se détache pourtant et vient vers l’avant. De ce fait, elle se trouve elle aussi visuellement, et pour des raisons comparables à celles concernant la colonne de l’Annonciation, à la fois au fond et à l’avant, dans un flottement indécidable.

Il n’est pas exactement fortuit que le titre de l’œuvre de Newman [14]Barnett Newman, The Stations of the Cross, First Station, 1958. Acrylique sur toile non préparée, 197,8 x 183,7 cm. Washington, The National Gallery of Arts. induise une référence à un univers qui est aussi celui de l’immense majorité des œuvres d’art visibles dans le territoire de la Province de Sienne.

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Notes

Notes
1 “Le dix-septième jour de décembre 1344, Ambrogio Lorenzetti fit ce tableau. Don Francesco, Moine de San Galgano, était camerlingue (trésorier), et les esecutori (intendants), Bindo Petrucci, Giovanni di Meo Baldovinetti, Mino d’Andreoccio ; le secrétaire, Angelo Locci.”
2 “[…] quia non erit inpossibile apud Deum omne verbum” ([…] car rien n’est impossible à Dieu).” Dans cette inscription, le Titulus paléographique placé sur le “I” de “I(N)POSSIBILE” signale l’omission de la lettre suivante, un ‘N’ et non ‘M’, le mot s’écrivant inpossibile en latin.
3 (Lc 1, 28) : “Je te salue Marie, toi comblée de grâce, le Seigneur est avec toi.”
4 (Lc 1, 38) : “Je suis la servante du Seigneur.”
5 Dans l’architecture sacrée, il est fréquemment associé au cercle pour exprimer la dualité ciel-terre. Ce caractère est particulièrement signifié dans les églises à plan centré dont le volume cubique est coiffé d’une coupole, le bâtiment manifestant ainsi par sa structure le vœu d’instituer entre les sphères célestes et terrestres une harmonie idéale. L’un des plus beaux exemples illustrant ce principe se trouve à Montepulciano, où l’on peut voir le temple de San Biagio construit par l’architecte Antonio da Sangallo le Vieux.
6 PANOFSKY 1925, p. 125.
7 BAGNOLI – BARTALINI – SEIDEL 2017, p. 348.
8 PÉTER 1931, p. 37.
9 ARASSE 1999, p. 75.
10 Joris-Karl HUYSMANS, L’Oblat, 1903, t.1, p. 306.
11 ARASSE 1999, p. 76.
12 Le graffito (plur. graffiti) est un dessin tracé rapidement, qui, en art, n’a de rapport avec le gribouillis que sa rapidité d’exécution.
13 Jorgen PETERSEN, “Ambrogio Lorenzetti and pictorial space”, Analecta Romani Insituti Danici, VIII, 1977, p.
14 Barnett Newman, The Stations of the Cross, First Station, 1958. Acrylique sur toile non préparée, 197,8 x 183,7 cm. Washington, The National Gallery of Arts.