
Bernardino di Betto dit ‘Il Pinturricchio’ (Pérouse, 1454 – Sienne, 1513)
Allegoria del monte della Sapienza (Allégorie de la montagne de la Sagesse), 1505.
Marqueterie de marbres.
Inscriptions :
- dans le cartouche gauche : “SOCRATES” [1]Socrate (vers -470/469 av. J.-C. – 399 av. J.-C.) : philosophe.
- dans le cartouche central : « HUC PROPERATE VIRI / SALEBROSUM SCANDITE / MONTEM / PULCHRA LABORIS ERUNT / PREMIA PALMA QUIES » [2]« Ô hommes ! Hâtez-vous de monter jusqu’au sommet, gravissez la montagne accidentée, la palme qui donne la sérénité sera le prix de vos efforts ».
- dans le cartouche droit : “CRATES” [3]Cratès de Thèbes (365 av. J.-C. – 285 av. J.-C.) : philosophe cynique, disciple de Diogène de Sinope (Sinope, v. 413 – Corinthe, v. 327 av. J.-C.). « Il est possible de retracer les principales caractéristiques de la philosophie de Cratès grâce à une série d’anecdotes, d’apophtegmes et de fragments d’œuvres littéraires. De ce corpus, il ressort … Poursuivre
Provenance : In situ.
Sienne, Cathédrale de Santa Maria Assunta, pavement.
Une nouvelle fois, « à travers les images et les inscriptions qui les commentent, le spectateur est guidé le long d’un parcours idéal qui, depuis l’entrée du temple, conduit vers le maître-autel [4]Marilena Caciorgna, « La navata centrale », dans Marilena Caciorgna, Roberto Guerrini, Il pavimento del duomo di Siena. L’arte della tarsia dal XIV al XIX secolo, fonti e simbologia. Sienne, Monte dei Paschi di Siena, 2004, p. 65. ».
L’œuvre se présente comme une allégorie complexe de la Fortune et de la Sagesse. Le dessin du modèle, dû au Pintoricchio, a été commandé par Alberto Arringhieri, Recteur de la cathédrale, et réalisé alors que le peintre travaillait à la Libreria Piccolomini ; ce dessin a été transposé dans le marbre par Paolo Mannucci. Comme l’ensemble des marqueteries de la cathédrale, le tableau de marbre a été restauré au XIXe s. par Leopoldo Maccari, sous la direction de Luigi Mussini.
En bas à droite, Fortuna est personnifiée sous les traits d’une jeune femme qui n’est pas sans évoquer une lointaine Vénus de Botticelli. Elle se tient debout dans un équilibre précaire, un pied posé sur une sphère instable, l’autre sur un fragile esquif dont le mât est cassé, tandis que de la main gauche elle tient une voile tendue par les vents. Cesare Ripa [5]Cesare Ripa, Iconologie où les principales choses qui peuvent tomber dans la pensée touchant les vices et les vertus sont représentées sous diverses figures. Paris, Baudoin, 1643. décrit ainsi l’allégorie de la Mauvaise Fortune : « Elle paraît ici sous la figure d’une femme exposée dans un navire qui n’a ni mât ni timon, et dont les voiles ont été toutes rompues par la violence des vents. Par le navire se doit entendre [comme étant] la vie humaine, durant laquelle il n’est point d’homme qui ne tâche d’aborder à quelques port assuré. La voile et le mât rompu sont les symboles du peu de repos qu’il y a dans le monde, où les hommes sont toujours battus de quelques orages […] ». Dans sa version italienne, le texte précise que ces différents symboles « mostrano la privazione delle cose necessarie per arrivare in luogo di salute [6]« […] illustrent la privation des choses nécessaires pour parvenir à bon port ». ». On remarque qu’elle porte dans sa main droite une corne d’abondance sur laquelle il faudra revenir.
Finalement, après un voyage sur une mer dangereuse et grise, Fortune, au hasard des vents, a conduit dix hommes, des sages, jusqu’à un gros rocher accidenté aux couleurs roses. À peine débarqués, les voici qui s’apprêtent à gravir un étroit sentier escarpé, empli de pierres, d’insectes et de reptiles, preuve que la fin du voyage présente encore des écueils [7]. « Parmi ceux qui ont déjà entrepris de gravir le sentier accidenté, il nous faut reconnaître, dans le personnage enveloppé dans un ample manteau bordé de jaune, Zénon de Kition [7]Zénon de Kition (336-264) : philosophe grec, fondateur en 301 av. J.-C. du stoïcisme, avec l’école du Portique créée à Athènes (dans un lieu appelé le Portique). dont plusieurs sources racontent l’heureux naufrage [8]Marilena Caciorgna, « Virtù e Fortuna. Icone simboliche nell’arte senese tra Rinascimento e Barocco », dans Marilena Caciorgna, Roberto Guerrini, Alma Sena. Percorsi iconografici nell’arte e nella cultura senese. Sienne, Fondazione Monte dei Paschi di Siena, 2007. Marilena Caciorgna raconte ainsi l’histoire : « le sort conduit le marchand Ginon à naufragés à proximité … Poursuivre ».

Au sommet du chemin est assise sur un trône de pierre, une figure féminine solennelle. Sagesse tendant un livre à Cratès que l’on voit sur le côté droit du plateau fleuri ; le sage jette à la mer des pierreries et de précieux bijoux, c’est-à-dire l’ensemble de ses biens matériels devenus superflus. Sur le côté gauche, en revanche, Socrate est représenté recevant une palme que lui offre la Sagesse.
Le cartouche situé au-dessus de la tête de la sagesse se lit comme suit : HUC PROPERATE VIRI / SALEBROSUM SCANDITE / MONTEM / PULCHRA LABORIS ERUNT / PREMIA PALMA QUIES ».
Notes
1↑ | Socrate (vers -470/469 av. J.-C. – 399 av. J.-C.) : philosophe. |
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2↑ | « Ô hommes ! Hâtez-vous de monter jusqu’au sommet, gravissez la montagne accidentée, la palme qui donne la sérénité sera le prix de vos efforts ». |
3↑ | Cratès de Thèbes (365 av. J.-C. – 285 av. J.-C.) : philosophe cynique, disciple de Diogène de Sinope (Sinope, v. 413 – Corinthe, v. 327 av. J.-C.). « Il est possible de retracer les principales caractéristiques de la philosophie de Cratès grâce à une série d’anecdotes, d’apophtegmes et de fragments d’œuvres littéraires. De ce corpus, il ressort que la liberté constitue le τέλος [le télos, la finalité] de sa philosophie, comme le montre ce fragment tiré de son poème Πήρα : ‘Domine tout cela en te glorifiant des dispositions de ton âme ; ne te laisse pas asservir par les richesses, ni par les amours aux désirs brûlants : d’ailleurs, celui qui est enclin aux excès ne trouve personne pour l’accompagner. […] Qui ne se laisse pas asservir, mais résiste au plaisir servile / Jouira d’une liberté souveraine et impérissable […]’. La liberté ainsi conçue ne peut être atteinte que par un mode de vie ascétique. Il ne fait aucun doute que Cratès a mis en pratique ce mode de vie consistant à réduire ses besoins au minimum et à se soumettre à différentes épreuves […] pour s’affranchir des contraintes que son corps et la société lui imposent. […] Nous possédons une série de témoignages sur son dépouillement originel qui le montrent abandonner ses richesses au moment de se convertir à la philosophie. La pauvreté est alors perçue comme une condition essentielle à la pratique philosophique authentique ». Isabelle Chouinard, « Les maîtres de Cratès », dans Revue de philosophie ancienne, 2015/1 (Tome XXXIII), pp. 63-94. |
4↑ | Marilena Caciorgna, « La navata centrale », dans Marilena Caciorgna, Roberto Guerrini, Il pavimento del duomo di Siena. L’arte della tarsia dal XIV al XIX secolo, fonti e simbologia. Sienne, Monte dei Paschi di Siena, 2004, p. 65. |
5↑ | Cesare Ripa, Iconologie où les principales choses qui peuvent tomber dans la pensée touchant les vices et les vertus sont représentées sous diverses figures. Paris, Baudoin, 1643. |
6↑ | « […] illustrent la privation des choses nécessaires pour parvenir à bon port ». |
7↑ | Zénon de Kition (336-264) : philosophe grec, fondateur en 301 av. J.-C. du stoïcisme, avec l’école du Portique créée à Athènes (dans un lieu appelé le Portique). |
8↑ | Marilena Caciorgna, « Virtù e Fortuna. Icone simboliche nell’arte senese tra Rinascimento e Barocco », dans Marilena Caciorgna, Roberto Guerrini, Alma Sena. Percorsi iconografici nell’arte e nella cultura senese. Sienne, Fondazione Monte dei Paschi di Siena, 2007. Marilena Caciorgna raconte ainsi l’histoire : « le sort conduit le marchand Ginon à naufragés à proximité du Pirée, après avoir perdu le précieux chargement de pourpre phénicienne. Il rejoint l’acropole, ça se voit dans la boutique d’un libraire il commence la lecture des Memorabili de Sénophonte. Surpris par cette révélation inattendue, le marchand demande ou pouvoir trouver des hommes pareil à Socrate. Le libraire lui propose de suivre Cratès de Thèbes, philosophe cynique, fameux pour avoir refusé les richesses. Le naufragé accepte promptement un changement radical d’existence. C’est ainsi que, par l’intervention de la Fortune, s’opère la métamorphose du marchand en philosophe : ce qui conduit pertinente l’attribution à Zénon de l’apophtegme : ’j’ai donc fait un bon voyage lorsque j’ai fait naufrage’, ou sa variante : ‘bienheureux que je suis, que le hasard a conduit à la philosophie’. » |
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