
Niccolò di Segna (documenté à Sienne entre 1331 et 1345)
Madonna col Bambino (Vierge à l’Enfant), 1336.
Tempera et or sur panneau, 101 x 73 cm.
Inscriptions :
- (au bas du cadre) : « : AVE . MARIA . GRATIA . PLENA . DOMINVS . TECVM : » [1]La formule de l’inscription dérive de la salutation angélique rapportée dans l’Évangile selon Luc : « Ave, gratia plena, dominus tecum » (« L’ange entra chez elle et dit : ‘Je te salue, toi comblée de grâce, le Seigneur est avec toi.’ » (Lc 1, 28).
Provenance : Chapelle auxiliaire de San Galgano, Montesiepi.
Chiusdino, Museo civico e diocesano d’arte sacra di San Galgano.
Comme on l’apprend grâce au témoignage de Libanori [2]Le père Antonio Libanori a été abbé de la communauté cistercienne de San Galgano d’avril 1641 à septembre 1642., l’œuvre se trouvait dans la « Sagrestia » de la rotonde de San Galgano, c’est-à-dire précisément dans le lieu, aujourd’hui considéré comme une chapelle, dans lequel Ambrogio Lorenzetti a peint les scènes de la vie du saint ainsi que l’Annonciation et la Maestà. [3]Voir : « La chapelle de Montesiepi ».
Dans son autonomie apparente, la configuration actuelle du panneau conserve encore la trace de son appartenance à un polyptyque dont il constituait la partie centrale. De fait, il s’agit d’un fragment de la façade d’une sorte d’armoire de bois en forme de triptyque, décrite par Antonio Libanori [4]Le précieux témoignage de Libanori rapporte les choses suivantes : « Anche nella Sagrestia della Cappella sul Monte Siepi vi è un Altare, nella cui tauola a oro vi è dipinto un Crocifisso, l’Angelo Michele, e San Galgano, e nel gradino di lei alcuni apostoli. Serue questa Tavola al di dietro per Armario da riporui i paramenti dell’Altare, e Messa, e ‘l Quadro di mezzo si apre verso la … Poursuivre, abbé de San Galgano au XVIIe s. Le triptyque à fond d’or se composait d’un panneau central représentant la Crucifixion et de deux compartiments latéraux avec saint Michel Archange et saint Galgano. Mobile, ce panneau constituait de fait le vantail d’une porte, et comportait, au revers, la représentation de la Madone à l’Enfant ; sur la prédelle, on pouvait lire la signature de Niccolò rapportée, de manière partiellement incorrecte, par Libanori : “Nicolaus Segre [Segne] me pinxit”. Peleo Bacci (1935) a identifié avec certitude le panneau de Montesiepi comme étant celui mentionné par Libanori, faisant de cette œuvre, par la même occasion, un point de référence fondamental pour la reconstitution du corpus du peintre.
Nous sommes donc devant le revers d’un volet amovible qui, au centre du triptyque, permettait d’accéder, selon ce témoignage, au réduit où l’on mettait à l’abri « les parements de l’autel, et de la messe ». La Vierge « avec Jésus dans les bras » était peinte sur le revers du volet et n’était donc visible que lorsque le portillon était maintenu ouvert. Lorsque celui-ci était fermé, c’était l’image d’une Crucifixion qui pouvait être observée sur la face antérieure. Une restauration très poussée a été réalisée dans la première moitié du XXe s. L’œuvre a ainsi pu être sauvée. Cependant, la réfection de l’encadrement visant à créer l’illusion d’une œuvre autonome a gommé ce qu’était sa fonction initiale telle que documentée par le témoignage de Libanori. Une certaine maladresse a conduit, en voulant dissimuler les traces des charnières, à négliger le fait que l’arrondi du format repose directement sur d’épais piliers, sans qu’aucun intermédiaire tel que des chapiteaux ne viennent assurer la liaison indispensable.
Selon Alessandro Bagnoli [5]BAGNOLI, Alessandro, BARTALINI, Roberto, SEIDEL, Max (a cura di), Ambrogio Lorenzetti. Cinisello Balsamo (Milano), Silvana Editoriale, 2017, p. 230., Niccolò « reprend les formules plus archaïsantes de son père, telles qu’elles avaient caractérisé des œuvres de la première décennie du siècle, comme la Madonna col Bambino d’Ancaino (aujourd’hui au Musée de Colle di Val d’Elsa) [ou] la Madonna col Bambino du Musée du Palazzo Corboli à Asciano […] d’où dérivent la position des figures et en particulier, la pose de l’Enfant ».

Les carnations des deux personnages sont d’une grande délicatesse tout en témoignant d’un sens aigu du volume, « au point, ajoute Bagnoli, de faire penser à un fructueux reflet des expériences de Pietro et d’Ambrogio Lorenzetti. Même les choix chromatiques du rouge vif pour le vêtement de Jésus et du vert lumineux du revers du manteau de la Vierge se révèlent comme des éléments d’une grande finesse, de telle manière que, dans la production de Niccolò, cette œuvre constitue l’amorce de la peinture plus tendre et fondue du triptyque de San Giovanni d’Asso, des figurations peintes à fresque dans l’église de Montichiello » et d’autres œuvres encore, visibles à Sienne et dans sa province.
Il importe d’insister sur deux points, l’un relatif à la cohérence intrinsèque du « reliquaire » dont provient cette Vierge à l’Enfant, l’autre sur la cohérence, une fois encore, qui liait celui-ci à la « chapelle » dont il ornait l’autel. Sur le second point, la description laissée par Libanori fait apparaître une iconographie parfaitement adaptée à un lieu consacré à la célébration du saint local, de son « mentor » l’archange Michel, et de la Vierge elle-même, personnages qu’Ambrogio figure sur des formats beaucoup plus importants sur les parois de la chapelle. Sur le premier point, l’organisation de cette même iconographie au sein du “retable-reliquaire” jouait très subtilement, outre l’effet, qui peut sembler anecdotique, d’apparition de la figure de la Vierge peinte, de manière inattendue, au revers du volet, sur l’évocation d’une autre apparition advenue, celle-ci, devant le saint cavalier au sommet du Monte Siepi, ou cours de laquelle il se vit ordonner de construire une « maison ronde » pour la « gloire de Dieu tout-puissant, et de la bienheureuse Marie, et de saint Michel Archange et des douze apôtres [6]« […] ad laudem et gloriam Omnipotentis Dei et beate Virginis santique Michaelis arcangeli et duodecim apostorum » (tiré d’une Vita sancti Galgani [Vie de San Galgano] datant des années 1260 ; voir BARTALINI 2015, p. 7). ».
Notes
1↑ | La formule de l’inscription dérive de la salutation angélique rapportée dans l’Évangile selon Luc : « Ave, gratia plena, dominus tecum » (« L’ange entra chez elle et dit : ‘Je te salue, toi comblée de grâce, le Seigneur est avec toi.’ » (Lc 1, 28). |
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2↑ | Le père Antonio Libanori a été abbé de la communauté cistercienne de San Galgano d’avril 1641 à septembre 1642. |
3↑ | Voir : « La chapelle de Montesiepi ». |
4↑ | Le précieux témoignage de Libanori rapporte les choses suivantes : « Anche nella Sagrestia della Cappella sul Monte Siepi vi è un Altare, nella cui tauola a oro vi è dipinto un Crocifisso, l’Angelo Michele, e San Galgano, e nel gradino di lei alcuni apostoli. Serue questa Tavola al di dietro per Armario da riporui i paramenti dell’Altare, e Messa, e ‘l Quadro di mezzo si apre verso la porta, e vi è dipinto l’Immagine della Regina del Cielo con Gesù nelle braccia, pittura molto bella, antica, e diuota. Questa Tauola, e Sagrestia a spese proprie fece fare un tal da Seluatella, come dimostrano le seguenti parole a oro poste nella Cornice del Crocifisso di mezzo. Questa Tavola, con la Cappella, fece fare Ristoro da Selvatella. MCCCXXXVI. La pittura, che è assai bella, e molto artificiosa, fu d’vn tale, che vi posé suo nome nel gradino della Tauola. Nicolaus de Segre me pinxit » (« Également dans la sacristie de la Chapelle sur le Mont Siepi, il y a un autel sur le panneau doré duquel est peint une Crucifixion, l’ange Michel, et saint Galgano, et sur le « gradin » [la « prédelle »] quelques-uns des apôtres. Ce panneau, en arrière, sert d’armoire où ranger les parements de l’autel, et de la messe, et le tableau du milieu s’ouvre comme une porte, et l’on y voit peinte l’image de la Reine des Cieux avec Jésus dans les bras, peinture très belle, très ancienne et dévote. Ce panneau, ainsi que la sacristie, a été fait au frais d’un certain Selvatella, comme le démontrent les paroles suivantes, en or, placées sur le cadre de la Crucifixion du milieu : Ristoro da Selvatella a fait faire ce panneau, avec la chapelle, en 1336. La peinture, qui est assez belle, et très artificieuse, fut peinte par quelqu’un qui écrivit son nom sur le support du panneau : Nicolas de Segre m’a peinte »). La mention « Nicolaus da Segre » correspond à une mauvaise transcription de « Nicolaus da Segna » (ou Niccolò di Segna). |
5↑ | BAGNOLI, Alessandro, BARTALINI, Roberto, SEIDEL, Max (a cura di), Ambrogio Lorenzetti. Cinisello Balsamo (Milano), Silvana Editoriale, 2017, p. 230. |
6↑ | « […] ad laudem et gloriam Omnipotentis Dei et beate Virginis santique Michaelis arcangeli et duodecim apostorum » (tiré d’une Vita sancti Galgani [Vie de San Galgano] datant des années 1260 ; voir BARTALINI 2015, p. 7). |
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