Domenico Ghirlandaio, “Annuncio della morte”

Domenico Ghirlandaio (Florence, 1448 – 1494)

Annuncio della morte (Annonce de la mort), 1477-1478.

Fresque.

Inscriptions :

  • (dans un cadre accroché au mur de la chambre de Fina): “PARATA ESTO, FILIA, QUIA DIE SOLEMNITATIS MEAE AD NOSTRUM ES VENTURA CONSORTIUM, CUM SPONSO TUO PERENNITER IN GLORIA PERMANSURA” [1]

Provenance : In situ.

San Gimignano, Collégiale, Chapelle de Santa Fina.

À l’âge de dix ans, Fina est tombée malade. Cette maladie étrange eut pour effet, outre une paralysie complète, de couvrir son corps d’ulcères douloureuses et inguérissables. Elle demeura, dès lors, dans un état misérable qu’elle endura pendant les cinq dernière années de sa vie. Sa mort survint prématurément, à l’âge de 15 ans, le jour de la fête de saint Grégoire, en 1253. La légende raconte qu’avant de mourir, Grégoire le Grand lui serait apparu pour lui annoncer sa mort imminente. C’est là le sujet de la scène représentée. Nous allons voir que Ghirlandaio fait preuve d’une exactitude sourcilleuse par rapport à la légende dont il s’inspire.

Fina est allongée sur la planche de chêne qu’elle a choisie pour lui faire office de lit depuis le début de sa maladie, et regarde saint Grégoire qui lui apparaît flottant dans une mandorle entourée d’angelots. Malgré la paralysie provoquée par sa maladie, Fina joint les mains pour prier et rendre grâce à Grégoire qui vient lui-même de la bénir.

Il n’est pas un détail visible dans la fresque qui ne fasse allusion à la légende. C’est ainsi que deux rats se cachent dans la pièce où gît la jeune fille malade. On distingue le premier dans un angle sous la banquette. Le second s’est glissé sous la planche qui lui fait office de lit. Tous deux rappellent que ces petits animaux auraient rongé la chair de la jeune fille, littéralement clouée sur sa couche de fortune alors qu’elle était malade. A même cette planche, apparaissent déjà les violettes qui auraient miraculeusement fleuri sous le corps de la malheureuse au moment de sa mort.

Deux femmes sont présentes, également témoins de l’apparition miraculeuse du pape Grégoire venu annoncer à Fina sa mort prochaine ; toutes deux l’ont assistée dans les derniers jours de son épouvantable maladie. L’une d’elles, assise sur une chaise à haut dossier, est Bonaventura, qui a pris soin de Fina depuis la mort de sa mère ; l’autre, Beldia, est celle qui aura soutenu la tête de la jeune fille pendant les huit jours d’agonie qui ont suivi l’apparition de Grégoire, au prix d’une paralysie de ses mains liée à l’effort durablement accompli. [2]

Sur la banquette qui longe le mur du fond de la pièce où a lieu l’événement, plusieurs objets domestiques composent une nature morte. Derrière cette apparence anodine, le caractère symbolique de chacun d’eux ajoute à la scène une portée religieuse déjà induite par l’apparition miraculeuse mais encore soulignée par l’austérité monastique de la chambre où tout se déroule : la carafe emplie de vin évoque l’eucharistie, les fruits, une pomme et une grenade sont les symboles respectifs du péché originel et de l’incarnation. La signification du plat d’orfèvrerie est plus complexe : il pourrait s’agir à la fois d’une allusion aux offices religieux au cours desquels ce type d’ustensiles est utilisé, et à l’histoire personnelle de Ghirlandaio dont le père était orfèvre.

Suspendu au fond de la pièce, une inscription gravée dans la pierre en lettres d’or rapporte les paroles prononcées par le pape dont l’apparition demeure en cours. Agissant à la manière d’un phylactère du fait de son emplacement à proximité de la figure miraculeuse, ces paroles s’inscrivent dans le présent de la scène figurée, à l’instant même où elles sont prononcées.

La peinture, on le voit une nouvelle fois, se joue de la temporalité. Dans cette logique, elle ajoute au présent de l’histoire un épisode dont l’hagiographie de la sainte nous apprend qu’il aurait eu lieu huit jours plus tard. C’est ainsi que l’on voit s’élever au ciel l’âme de Fina. Emportée par deux anges, elle quitte maintenant la maison comme elle a déjà, l’instant d’avant, abandonné le corps de la jeune vierge qui vient, selon l’annonce qui lui a été faite par le saint pape, d’accéder à la vie éternelle.

[1] « Prépare-toi, ma fille, car au jour de ma fête, tu monteras au ciel où tu vivras éternellement auprès de ton époux ». Paroles prononcées par saint Grégoire.

[2] Beldia ne tardera pas à être miraculeusement guérie, comme nous le verrons dans la fresque peinte sur le mur en face.