Stefano di Giovanni detto , ‘Il Sassetta’, « Madonna delle ciliegie »

Stefano di Giovanni ditIl Sassetta’ (Sienne ou Cortone, 1392 [?], documenté à Sienne à partir de 1426 – 1450 ou 1451)

Madonna delle ciliegie (Madone dite  « aux cerises »), v. 1435,

Tempéra et or sur panneau, 96,4 x 79,5 cm.

Provenance : Collection du cardinal Antonio Casini.

Grosseto, Museo Archeologico e d’Arte della Maremma – Museo d’Arte Sacra della Diocesi.

La Madone de Grosseto, œuvre de la pleine maturité de l’artiste, a probablement été achevée l’année de la mort de Sassetta. Le panneau a subi des réductions brutales (il a été raccourci et mutilé en hauteur et probablement aussi sur les côtés). Selon une hypothèse de John Pope-Hennessy reprise par Enzo Carli [1]Enzo Carli, Sassetta et le Maître de l’Observance. Milano, Aldo Martello, 1958, p. 40., il est possible que le panneau de Grosseto ait constitué, à l’origine, la partie centrale d’un polyptyque signé « Stephanus Joannis me pinxit [2]« Stefano di Giovanni m’a peinte ». », « que les anciens guides de Sienne (1625 et 1697) plaçaient dans la chapelle Petroni, à San Francesco ».

La Madone assise, dans une attitude qui peut rappeler celle de la Madonna della neve, également peinte par Sassetta [3]Il est probable que le cardinal Casini, commanditaire de la Madonna delle ciliegie ait « demandé un bis » de l’œuvre peinte pour une chapelle de la cathédrale de Sienne., contemple mélancoliquement son fils. Assis sur un précieux coussin, l’Enfant aux joues roses, dont le corps nu a déjà, visiblement, la force d’un gaillard malgré des formes rondes, encore potelées, s’agrippe au manteau de sa Mère comme si la main de celle-ci, en effleurant son dos, ne garantissait pas suffisamment un équilibre encore instable. Il porte l’autre à sa bouche : tout en manifestant un plaisir évident, il mange ! La minuscule cerise qu’il s’apprête à avaler est de la même couleur vermillon que celle de ses lèvres, et il faut une vigilance particulière pour percevoir dans ce contexte le contour du petit volume charnu. La Vierge tient à la main une poignée de cerises rouges à peine entamée qu’elle destine à son enfant. Quoi de plus naturel, dira-t-on, que cette scène intime de tendresse maternelle, n’était la tristesse dont Marie semble frappée, et la couleur rouge de ces petits fruits, probable évocation de la Passion ?

En dépit d’une réputation imméritée, qui frappe tous les peintres siennois du fait de leur fidélité aux formes de l’art développées au Trecento, « l’attention de Sassetta aux conquêtes du début de la Renaissance florentine pour la domination de la perspective et des formes plastiques se manifeste dans la tendance à synthétiser des formes géométriques pures en trois dimensions, indépendamment des suggestions fournies par la réalité », écrit Enzo Carli dans sa monographie de 1958 [4]Enzo Carli, op. cit., p. 40. alors qu’il évoque ce panneau. Ici, selon une belle formule d’Antonio Paolucci, le corps de l’Enfant « argumente l’espace » en traduisant le volume, ainsi que la profondeur de l’espace qui en est la condition impérieuse, par le biais des formes stylisées, presque cylindriques, de son corps. Dans une peinture extrêmement sophistiquée, la maîtrise raffinée des formes anatomiques et de leurs volumes, se conjugue avec la subtilité des sentiments rendus visibles. C’est cela qui rend inoubliable la Vierge de Grosseto.

Il n’est pas étonnant que l’œuvre, objet de dévotion personnelle, ait été peinte à la demande du même commanditaire, le cardinal Antonio Casini, que la Madonna del solletico de Masaccio, digne précédent du chef d’œuvre de Sassetta, aujourd’hui conservée aux Offices (Florence). Dans les deux cas, mais avec, chez Masaccio, un certain grincement qui est absent de la Madone toute en douceur du siennois, la tendresse d’une mère à l’endroit de son enfant est la véritable protagoniste de l’image peinte. Cela représente une grande nouveauté en ce début du XVe siècle.

Notes

Notes
1 Enzo Carli, Sassetta et le Maître de l’Observance. Milano, Aldo Martello, 1958, p. 40.
2 « Stefano di Giovanni m’a peinte ».
3 Il est probable que le cardinal Casini, commanditaire de la Madonna delle ciliegie ait « demandé un bis » de l’œuvre peinte pour une chapelle de la cathédrale de Sienne.
4 Enzo Carli, op. cit., p. 40.

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