Ambrogio Lorenzetti, « Madonna col Bambino e i santi Cecilia, Pietro, Paolo e Michele arcangelo »

Ambrogio Lorenzetti (Sienne, actif de 1319 à 1348)

  1. Madonna col Bambino e i santi Cecilia, Pietro, Paolo e Michele Arcangelo, v. 1340.
    • Tempéra et or sur panneau, 79,5 x 50,5 cm (Madonna col Bambino) ; 108,3 x 32,5 cm (Cecilia) ; 107,4 x 35,5 cm (Pietro) ; 107 x 34,5 cm (Paolo) ; 108 x 36 cm (Michele arcangelo)
    • Provenance : In situ.
  2. Redentore benedicente (Rédempteur bénissant), v. 1340.
    • Tempéra et or sur panneau, 55 x 20 cm.
    • Provenance : Sienne, Museo diocesano (auparavant, église de San Pietro in Castelvecchio, Sienne.)

Sienne, Église de San Pietro in Castelvecchio.

Le beau polyptyque de San Pietro in Castelvecchio revient de loin puisqu’il y a quelques années encore, il figurait parmi les œuvres les plus méconnues d’Ambrogio Lorenzetti. Plusieurs facteurs, malheureusement habituels dans le cas des peintures à fond d’or, ont contribué à faire perdurer un épais silence autour de ce polyptyque : son retrait, de longue date, du maître autel où il était encore attesté au début du Cinquecento ; sa mise en pièce, qui en est fréquemment la conséquence ; sa relégation dans un endroit peu accessible ; la précarité de l’état de conservation de ses cinq panneaux principaux, privés de leur fond d’or [1]Le grattage du fond d’or, visant à récupérer une once infime du précieux métal, était pratique courante sur les œuvres passées de mode. avant d’être grossièrement découpés et repeints ; et pour finir, sa recomposition de manière plus ou moins arbitraire (fig. ci-dessous), dans les années soixante du XXe s., afin d’être exposé sur une paroi de l’église. [2]Sigismondo Tizio (1506-1528) avait été le premier à noter la présence du polyptyque encore sur le maître-autel au début du XVIe s. À la fin du Settecento, le père franciscain Guglielmo della Valle indique, en 1785, que « quelques morceaux […] auxquels l’or du fond a été arraché, ont été déplacés dans la maison du curé. » (« Alcuni pezzi […] a cui è stato … Poursuivre

Ambrogio Lorenzetti, « Madonna col Bambino tra San Pietro, San Paolo, una Santa martire e San Michele ». Configuration du polyptyque après sa restauration en 1965 (Photographie Marcello Formichi, Soprintendenza Belle Arti e Paesaggio di Siena, Grosseto e Arezzo, 2015).

​Reconnu au début du XXe s. [3]William Heywood, Lucy Olcott, Guide to Siena, History and Art. Sienne, Enrico Torrini Publisher, 1903, pp. 270-271., le caractère autographe du polyptyque de San Pietro in Castelvecchio a été confirmé dans la plupart des études réalisées depuis. La découverte [4]Luciano Cateni, « Un polittico ‘too remote from Ambrogio Lorenzetti’, firmato da Ambrogio Lorenzetti », dans Prospettiva, 40, 1985, pp. 62-67. d’une précieuse description de l’œuvre rédigée par l’érudit Uberto Benvoglienti (première moitié du XVIIIe s.), a permis d‘éliminer tout soupçon quant à son auteur [5]L’œuvre est décrite de la manière suivante : « une Madonne droit debout avec l’Enfant au cou, assez bien exécutée [avec] à ses pieds […] un homme agenouillé portant une capuche et des vêtements sombres, et l’on croit qu’il s’agit du portrait d’Ambrogio Lorenzetti, ou de Lorenzo, étant donné qu’il y a son nom au-dessus » (« una Madonna ritta col … Poursuivre.

​Grâce à l’exposition qui a eu lieu à Sienne en 2017-2018 [6]Ambrogio Lorenzetti (a cura di Alessandro Bagnoli, Roberto Bartalini, Max Seidel), 22 octobre 2017-21 janvier 2018, Sienne, Santa Maria della Scala., le polyptyque restauré a retrouvé la séquence originaire de ses différents compartiments, de part et d’autre de la Madonne à l’Enfant qui en occupe le panneau central, conformément à la description donnée par Uberto Benvoglienti [7]Selon cette description, à partir de la gauche, « il y a sainte Hélène, figurée avec la croix, saint Pierre, et de l’autre côté, saint Paul et l’archange saint Michel, et tous ceux-ci sont sous des arcs pointus, ou gothiques » (« v’è Santa Elena figurata colla croce, San Pietro, e dall’altra parte San Paolo, e Santo Michele Archangiolo, e tutti questi sono … Poursuivre. Mis à part le panneau central, comportant « le nom de l’Artefice (l’artiste) » et l’effigie probable de son commanditaire, chacun des compartiments latéraux du polyptyque était accompagné d’inscriptions aux noms des saints représentés. Pour compléter l’ensemble, le Christ bénissant du Musée diocésain de Sienne (restauré en 1985) est dorénavant venu rejoindre l’ornementation du couronnement qui, à l’origine, devait être complété de part et d’autre par une théorie d’anges, selon un schéma devenu habituel dans la tradition siennoise depuis les polyptyques de Duccio. S’agissant de la chronologie de l’œuvre, les études les plus astucieuses tendent à la situer dans la période la plus féconde de la carrière d’Ambroise, la seconde moitié de années trente du XIVe siècle (CATENI 1985).

L’un des traitements les plus barbares subis par le polyptyque a été la découpe de son panneau central dont la base comportait l’image du commanditaire caractérisé par son vêtement (« cappuccio e veste negra »). « Bien que les éléments d’information dont nous disposons soient minimes, écrit Federico Carlini [8]Federico Carlini, dans BAGNOLI, Alessandro, BARTALINI, Roberto, SEIDEL, Max (a cura di), Ambrogio Lorenzetti (cat. d’exp.). Cinisello Balsamo (Milano), Silvana Editoriale, 2017, p, 308., il est possible de formuler de prudentes hypothèses quant à son identité […] à travers la personne de son recteur […] Cenni di Domenico [qui occupa cette charge] jusqu’en 1345. Le commanditaire était peint sur la droite de la Vierge, sous le manteau que celle-ci, représentée en pieds, ouvrait en signe de protection. »

Les figures des saints qui encadrent la Vierge et l’Enfant sont Pierre, revêtu de la pourpre et du pallium, Paul, portant une épitre adressée aux Romains, une autre à Tit[us], l’archange Michel, « représenté comme un général romain de l’Antiquité [9]Federico Carlini, dans BAGNOLI, Alessandro, BARTALINI, Roberto, SEIDEL, Max (a cura di), Ambrogio Lorenzetti, p. 310. », et, à gauche, une sainte qui n’a pas toujours été convenablement identifiée [10]« v’è Santa Elena figurata colla croce ».. La jeune vierge martyre représentée ici s’apparente difficilement avec « la vieille mère de Constantin ». En l’absence de signes autres que « la petite croix et le diadème redécouverts grâce à la restauration » du panneau, et à une inscription « encore présente dans l’église » [11]Cette inscription atteste que depuis le milieu du XIIIe s., l’église de San Pietro conservait, parmi d’autres, des reliques de trois jeunes vierges saintes : Lucie, Catherine d’Alexandrie et Cécile., il est possible de formuler une hypothèse relative à l’identité de la sainte. L’une des trois figures de jeunes martyres dont l’église conservait les reliques, Cécile, est représentée avec le même diadème dans le polyptyque de Santa Cecilia a Crevole peint par Pietro Lorenzetti (Sienne, Pinacoteca Nazionale).

« Les ailes de l’archange, avant la transformation du vernis, étaient d’un rose ténu et contribuaient à alimenter la grande richesse chromatique de l’ensemble dans lequel, encore aujourd’hui, on peut observer la première apparition de ce type particulier de tons qui caractérisent la production tardive du maître. [12]Idem, p. 310. » On notera comme un point remarquable l’émouvante (et relative) maladresse avec laquelle Ambrogio tente de camper au sol avec fermeté ses personnages. À cet effet, exploitant la cambrure du pied observée avec une précision anatomique, il tente d’éviter l’effet, alors fréquent [13]Cet effet visuel résulte de l’absence de solutions liées à la perspective., selon lequel les personnages vus debout de face semblent se tenir sur la pointe des orteils, faute des savoir-faire nécessaires à la représentation des raccourcis.

Reconstitution du polyptyque
Ambrogio Lorenzetti, « Madonna col Bambino tra San Pietro, San Paolo, una Santa martire e San Michele Arcangelo », tempera su tavola, Sienne, Église de San Pietro in Castelvecchio. Reconstruction complète (foto Marcello Formichi, Soprintendenza Belle Arti e Paesaggio di Siena, Grosseto e Arezzo, 2015).
  • Ambrogio Lorenzetti, Redentore benedicente. Sienne, Museo Diocesano d’Arte Sacra (en dépôt dans l’église de San Pietro in Castelvecchio).

Notes

Notes
1 Le grattage du fond d’or, visant à récupérer une once infime du précieux métal, était pratique courante sur les œuvres passées de mode.
2 Sigismondo Tizio (1506-1528) avait été le premier à noter la présence du polyptyque encore sur le maître-autel au début du XVIe s. À la fin du Settecento, le père franciscain Guglielmo della Valle indique, en 1785, que « quelques morceaux […] auxquels l’or du fond a été arraché, ont été déplacés dans la maison du curé. » (« Alcuni pezzi […] a cui è stato raschiato l’oro di fondo, sono stati spostati in casa del curato »). Plus tard, un malencontreux malentendu conduisit l’érudit siennois Ettore Romagnoli à attribuer le polyptyque de Castelvecchio à un fantomatique “Lorenzo Lorenzetti” (ou “Laurenti”), présenté comme le père des deux peintres Pietro e Ambrogio Lorenzetti.
3 William Heywood, Lucy Olcott, Guide to Siena, History and Art. Sienne, Enrico Torrini Publisher, 1903, pp. 270-271.
4 Luciano Cateni, « Un polittico ‘too remote from Ambrogio Lorenzetti’, firmato da Ambrogio Lorenzetti », dans Prospettiva, 40, 1985, pp. 62-67.
5 L’œuvre est décrite de la manière suivante : « une Madonne droit debout avec l’Enfant au cou, assez bien exécutée [avec] à ses pieds […] un homme agenouillé portant une capuche et des vêtements sombres, et l’on croit qu’il s’agit du portrait d’Ambrogio Lorenzetti, ou de Lorenzo, étant donné qu’il y a son nom au-dessus » (« una Madonna ritta col Bambino in collo assai ben fatta” avec “a’ piè […] uno ginocchioni con un cappuccio e veste negra, e si crede che sia il ritratto di Ambrogio Lorenzetti, o di Lorenzo, già che è sopra il suo nome ».
6 Ambrogio Lorenzetti (a cura di Alessandro Bagnoli, Roberto Bartalini, Max Seidel), 22 octobre 2017-21 janvier 2018, Sienne, Santa Maria della Scala.
7 Selon cette description, à partir de la gauche, « il y a sainte Hélène, figurée avec la croix, saint Pierre, et de l’autre côté, saint Paul et l’archange saint Michel, et tous ceux-ci sont sous des arcs pointus, ou gothiques » (« v’è Santa Elena figurata colla croce, San Pietro, e dall’altra parte San Paolo, e Santo Michele Archangiolo, e tutti questi sono sotto arco acuto, o gotico »).
8 Federico Carlini, dans BAGNOLI, Alessandro, BARTALINI, Roberto, SEIDEL, Max (a cura di), Ambrogio Lorenzetti (cat. d’exp.). Cinisello Balsamo (Milano), Silvana Editoriale, 2017, p, 308.
9 Federico Carlini, dans BAGNOLI, Alessandro, BARTALINI, Roberto, SEIDEL, Max (a cura di), Ambrogio Lorenzetti, p. 310.
10 « v’è Santa Elena figurata colla croce ».
11 Cette inscription atteste que depuis le milieu du XIIIe s., l’église de San Pietro conservait, parmi d’autres, des reliques de trois jeunes vierges saintes : Lucie, Catherine d’Alexandrie et Cécile.
12 Idem, p. 310.
13 Cet effet visuel résulte de l’absence de solutions liées à la perspective.