Edouard Manet, « Le déjeuner sur l’herbe »

Edouard Manet (Paris, 1832 – 1883)

Le déjeuner sur l’herbe (Le Bain [1]D’une manière parfaitement explicite, qui est aussi une forme de réponse à l’hypocrisie générale ayant abouti au refus initial de son œuvre par le Salon des … Refusés, Manet appelait lui-même familièrement sa toile La partie carrée.), 1862-1863.

Huile sur toile, 208 x 264 cm.

Provenance : Entré dans les Collections nationales en 1906, grâce à la donation du collectionneur Étienne Moreau-Nélaton.

Paris, Musée d’Orsay.

Sur le plan de la petite histoire, tous les personnages représentés appartiennent au cercle restreint des proches de Manet. Au premier plan, la femme que l’on voit assise nue sur l’herbe parmi les hommes habillés, qui fixe scandaleusement le spectateur du regard, cette femme est Victorine Meurent, modèle favori du peintre. Au centre, apparaît, derrière Victorine, le sculpteur hollandais Ferdinand Leenhoff, beau-frère du peintre [2]Ferdinand Leenhoff est le frère de Suzanne Manet (née Suzanne Leenhoff) que Manet épousa sur le tard.. L’homme accoudé à demi étendu sur l’herbe est Eugène Manet [3]Manet avait deux frères, Gustave et Eugène. Eugène, peintre sans notoriété, est aussi l’époux de Berthe Morisot, qui réalisa son portrait à diverses reprises.. Enfin, la femme qui se baigne dans l’étang à l’arrière-plan est un modèle bien connu des peintres amis de Manet. Elle s’appelle Alexandrine-Gabrielle Meley, fut d’abord lingère et deviendra plus tard Alexandrine Zola.

Sur les plans de l’histoire de l’art et de l’histoire tout court, tout a déjà été dit et écrit, y compris par Zola qui n’a pas, à ce propos, été des plus éloquents ni des plus sincères. C’est ainsi que l’on sait la double intention du peintre d’actualiser la représentation du nu féminin dans la nature, tout en faisant indirectement référence à un tableau célèbre de Giorgione vu au Louvre [4]Giorgione, Le Concert champêtre. Paris, Musée du Louvre. et en se servant directement d’une partie d’une gravure, elle aussi célèbre, de Marcantonio Raimondi d’après un dessin de Raphaël [5]Marcantonio Raimondi, Le Jugement de Pâris.. Le résultat donna lieu à un scandale tout aussi célèbre et il ne se passa pas dix ans avant qu’un autre peintre, James Tissot [6]James Tissot (1836-1902), Partie Carrée, 1870. Huile sur toile, 120 x 145,8 x 2 cm. Achat en 2018. Ottawa, Musée des Beaux-arts du Canada). Les personnages y étant tous représentés vêtus, le sujet de l’œuvre ne donnerait lieu à aucune équivoque sans l’éclairage donné par son titre., ne s’empare à son tour du sujet qui est à l’origine de ce scandale.

La seconde moitié du XXe siècle et le début du XXIe ont également généré en abondance copies, variations, interprétations, pastiches, détournements plus ou moins pertinents de l’œuvre de Manet à travers des peintures, installations, performances, photographies, reproductions mécaniques, vidéos, publicités, objets usuels de toute sorte et de toute nature dont la longue liste ci-après n’est pas exhaustive… : Pablo Picasso, Déjeuner sur l’herbe (1960), Alain Jacquet, Le déjeuner sur l’herbe (1964), Untel (Jean-Paul Albinet, Philippe Cazal, Alain Snyers), Le déjeuner sur l’herbe (1975), Gilbert Shelton, Les fabuleux Freaks brothers (1982), Daniel Spoerri, Déjeuner sous l’herbe (1983), Jeff Wall, The Storyteller (1986), Anthony Caro, Déjeuner sur l’herbe II (1989), Tacita Dean, The story of beard (1992), Seward Johnson, Déjà vu (1994), François Boisrond, Le Déjeuner sur l’herbe (1995), Mario Sorrenti, Yves Saint Laurent Rive Gauche (1998), Herman Braun-Vega, Le Déjeuner in Central Park [Manet] (1999), George Pusenkoff, Breakfast on the Grass Nr. 11 [Head Green on Green] (1999), Julie Rrap, Untitled, after Manet’s Le Dejeuner sur l’herbe (2002), Yona Friedman, Série Licornes (2003), Markus Muntean et Adi Rosenblum, The Day Doesn’t Promise… (2003), Zhao Bandi, Journey to the West N°1 (2003), Marcin Maciejowski, What do People see in It ? (2014), Pat Ralph, Breakfast on the grass (?). L’œuvre du photographe Rip Hopkins, Cyrille and Le Déjeuner sur l’herbe (2006), a la particularité remarquable d’avoir été commandée par le Musée d’Orsay à l’occasion de la célébration de son vingtième anniversaire, et refusée par ce même Musée.