Annonce à Joachim

« C’est l’ystoire coment li angles aparut a joachim et li annuncia que sainte anne sa moulhier devoit concevoir et li comanda que il deust retourner a li a tiel seignal qu’il la trouvera a la porte de la cite », peut-on lire dans le commentaire figurant au bas de l’enluminure reproduite ci-dessous. [1]Annonce à Joachim, Naples, XVe s. Paris, Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits, Français 9561, f.116v. De fait, l’image raconte « comment l’ange apparut à Joachim et lui annonça que sainte Anne, sa femme, devait concevoir, et lui commanda de s’en retourner vers elle à ce signal, et qu’il la trouverait à la porte de la ville [Jérusalem]. » Il y a peu à ajouter à la concision aride de ce texte encore médiéval, sinon que, retiré au désert pendant quarante jours après le refus de son offrande au Temple, alors que Joachim attend un miracle qui lui accorderait une postérité, un ange lui apparaît et lui annonce qu’Anne a conçu un enfant de lui, que l’enfant qu’elle attend sera une fille appelée Marie, et même, que cette fille enfantera à son tour « le Fils du Très-Haut [qui] naîtra d’elle par un prodige merveilleux, ]…] aura nom Jésus, et sera le salut de toutes les nations. » Ainsi la stérilité d’Anne était-elle nécessaire pour annoncer l’origine nécessairement miraculeuse de la Vierge Marie.

Cet épisode, qui est absent du Nouveau Testament, apparaît dans les récits de la nativité de Marie : le Protévangile de Jacques [2]« En effet, un ange du Seigneur était descendu vers Joachim, disant : “Joachim, Joachim, le seigneur Dieu a exaucé ta prière. Descends d’ici. Voici que ta femme Anne a conçu en son sein. Et aussitôt Joachim se mit à descendre et appela les bergers, leur disant : “Apportez-moi ici, dix agneaux sans tâche et sans défaut, et les dix agneaux seront pour le Seigneur Dieu ; … Poursuivre, l’Évangile de l’enfance du Pseudo-Matthieu [3]« Or, au même moment, un jeune homme apparu dans les montagnes ou Joachim faisait paître ses troupeaux et lui dit : Pourquoi ne retournes-tu vas chez ta femme ?” Et Joachim répondit : “Pendant vingt ans, elle a été ma femme ; mais maintenant, parce que Dieu n’a pas voulu m’accorder d’enfants d’elle, je suis sorti du temple de Dieu, accablé d’injures. Pourquoi … Poursuivre et Livre de la nativité de Marie [4]« Mais, alors qu’il séjournait depuis un certain temps, un jour où il était seul, un ange du seigneur, lui apparu dans une immense lumière. Comme il était troublé devant cette vision, l’ange qui lui était apparu, apaisa sa peur en disant : “Ne crains pas, Joachim, ne sois pas troublé par ma vue. Je suis en effet un ange que le Seigneur t’envoie pour t’annoncer que tes … Poursuivre, tous trois repris dans la Légende dorée de Jacques de Voragine [5]« Joachim, se voyant humilié à ce point, fut tout couvert de honte, et il n’osa pas rentrer chez lui, ne voulant pas affronter les mêmes reproches de la part ceux de sa tribu, qui avaient entendu les paroles du prêtre. Il se retira donc auprès de ses berger, et quand il eut passé un certain temps là-bas, un jour qu’il était seul, un ange lui apparu dans une grande lumière. Il … Poursuivre.

Joachim, après avoir rendu grâce à Dieu, décide donc de retourner à Jérusalem où il sait pouvoir retrouver son épouse à la porte Dorée.

Iconographie

La diffusion des différents récits de l’Annonce à Joachim n’a pas seulement contribué au développement de la piété mariale et constitué un élément non négligeable en faveur de l’Immaculée conception de la Vierge, mais encore, il a incité de nombreux artistes et leur commanditaires à s’approprier les différents moments du récit de ce miracle. L’Annonce à Joachim est l’un de ces moments que les artistes illustrent, mettant face à face l’ange et le futur père de Marie, seul ou entouré de son troupeau, gardé par ses bergers. 

L’échange oral entre l’ange et Joachim s’exprime par une gestuelle qui pallie à l’absence des mots. Dans un paysage de campagne, des animaux paissent sous la garde des bergers, apparemment peu soucieux, comme l’indique leurs attitude, du miracle qui s’opère.

Notes

Notes
1 Annonce à Joachim, Naples, XVe s. Paris, Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits, Français 9561, f.116v.
2 « En effet, un ange du Seigneur était descendu vers Joachim, disant : “Joachim, Joachim, le seigneur Dieu a exaucé ta prière. Descends d’ici. Voici que ta femme Anne a conçu en son sein. Et aussitôt Joachim se mit à descendre et appela les bergers, leur disant : “Apportez-moi ici, dix agneaux sans tâche et sans défaut, et les dix agneaux seront pour le Seigneur Dieu ; et apportez-moi, douze veaux bien tendres, et les douze veaux seront pour les prêtres et pour le conseil des Anciens ; et cent chevreaux, et les cent chevreaux seront pour tout le peuple.” » Protévangile de Jacques (4, 2-3),
3 « Or, au même moment, un jeune homme apparu dans les montagnes ou Joachim faisait paître ses troupeaux et lui dit : Pourquoi ne retournes-tu vas chez ta femme ?” Et Joachim répondit : “Pendant vingt ans, elle a été ma femme ; mais maintenant, parce que Dieu n’a pas voulu m’accorder d’enfants d’elle, je suis sorti du temple de Dieu, accablé d’injures. Pourquoi retournerais-je vers elle, une fois jeté dehors ? Désormais, je resterai ici avec mes brebis, aussi longtemps que Dieu me laissera en vie. Mais, par les mains de mes serviteur, je rendrai leur part au pauvres, aux veuves, aux orphelins, et aux serviteurs de Dieu.” A ces mots, le jeune homme lui répondit : “Je suis un ange de Dieu, apparu aujourd’hui à ta femme, au milieu de ses larmes et de ses prières, et je l’ai consolée. Sache qu’elle a conçu une fille de ta semence. Celle-ci sera le Temple de Dieu et l’esprit saint reposera en elle et elle sera bienheureuse, plus que toutes les autres saintes femmes, de telle sorte que personne ne puisse dire qu’il y eut une telle femme avant elle ; mais aussi, après elle, il n’y en aura pas de semblable à elle. Descends donc de la montagne et retourne auprès de ton épouse, et tu le trouveras enceinte, car Dieu a suscité en elle une postérité et l’a rendue mère de l’éternelle bénédiction.” Joachim, l’adorant, lui dit : “Si j’ai trouvé grâce devant toi, assieds-toi un instant dans ma tente et bénit ton serviteur.” Et l’ange lui dit : “Ne t’appelles pas serviteur, mais mon compagnon dans le même service, car nous sommes serviteurs d’un seul maître. D’ailleurs, ma nourriture est invisible, et ma boisson ne peut être vue par les mortels. Et, par conséquent, tu ne dois pas me demander d’entrer dans ta tente. Mais, ce que tu avais l’intention de me donner, fais-en une offrande à Dieu.” Alors, Joachim prit un agneau sans tache, et dit à l’ange : “Je n’aurais pas osé faire une telle offrande à Dieu si ton commandement ne m’avez pas confirmé le pouvoir officiel de sacrifier.” Et l’ange lui dit : “Et moi non plus, je ne t’aurais pas invité à faire cette offrande si je n’avais connu la volonté du Seigneur. Et tandis qu’il faisait son offrande, l’<ange,> accompagné par l’odeur du sacrifice, comme avec la fumée remonta au ciel. » Évangile de l’enfance du Pseudo-Matthieu (3, 1-3), dans Écrits apocryphes chrétiens (index établis par Jean-Michel Roessli et Sever J. Voicu), 2 vol, Paris, Gallimard (Coll. de la Pléiade), 2005, p.
4 « Mais, alors qu’il séjournait depuis un certain temps, un jour où il était seul, un ange du seigneur, lui apparu dans une immense lumière. Comme il était troublé devant cette vision, l’ange qui lui était apparu, apaisa sa peur en disant : “Ne crains pas, Joachim, ne sois pas troublé par ma vue. Je suis en effet un ange que le Seigneur t’envoie pour t’annoncer que tes prières sont exaucées et que tes aumônes sont montées jusqu’à lui. Il a regardé et vu ta pudeur, et il a entendu le reproche de stérilité qui te fut adressé injustement. Car Dieu et le vengeur du péché, non pas de la nature. Aussi, lorsqu’il ferme un sein, il le fait pour l’ouvrir plus miraculeusement ensuite, et pour que l’on sache que ce qui naît n’est pas le fruit de la concupiscence, mais un don divin.” » Livre de la nativité de Marie (3, 1-4), dans Écrits apocryphes chrétiens (index établis par Jean-Michel Roessli et Sever J. Voicu), 2 vol, Paris, Gallimard (Coll. de la Pléiade), 2005, p.
5 « Joachim, se voyant humilié à ce point, fut tout couvert de honte, et il n’osa pas rentrer chez lui, ne voulant pas affronter les mêmes reproches de la part ceux de sa tribu, qui avaient entendu les paroles du prêtre. Il se retira donc auprès de ses berger, et quand il eut passé un certain temps là-bas, un jour qu’il était seul, un ange lui apparu dans une grande lumière. Il fut troublé par cette vision, mais l’ange lui dis de ne pas avoir peur : Je suis l’ange du seigneur, dit-il, j’ai été envoyé pour t’annoncer que tes prières ont été entendues, et que tes aumône sont montées en présence du Seigneur. J’ai vu ta honte, j’ai entendu les reproches de stérilité qui t’ont été adressé à tort. Dieu punit le péché, non la nature, et lorsqu’il ferme le ventre d’une femme, il le fait pour le rouvrir de façon plus merveilleuse, et pour que l’on sache que ce qui naît alors n’est pas le fruit du plaisir mais un don de Dieu. La première mère de votre race, Sara, n’a-t-elle pas enduré la honte de la stérilité jusqu’à sa quatre-vingt-dixième année, pour enfanter Isaac, à qui était promise la bénédiction de toutes les nations ? Rachel ne fut-t-elle pas longtemps stérile avant de mettre au monde, Joseph, dont la domination s’étendit à toute l’Égypte ? […] En vérité, Anne, ta femme, te donneras une fille, que tu appelleras Marie, ainsi que tu en as fait le vœu, elle sera consacrée au Seigneur dès l’enfance, et dès le sein de sa mère, elle sera rempli du Saint Esprit. Elle ne demeurera pas au dehors, parmi le peuple, mais toujours dans le Temple du Seigneur, afin qu’on ne puisse concevoir aucun mauvais soupçon à son égard. Et de même qu’elle naîtra d’une mère stérile, demain aussi le Fils du Très-Haut naîtra d’elle par un prodige merveilleux ; il aura nom Jésus, et sera le salut de toutes les nations. Et reçois ce signe de confirmation : quand tu seras parvenu à Jérusalem, à la porte Dorée, tu seras accueilli par ton épouse, Anne, aujourd’hui, encore inquiète de ton retard, mais alors toute joyeuse de te voir. A ces mots, l’ange se retira. » Jacques de VORAGINE, La Légende dorée, Paris, Gallimard (Coll. de la Pléiade) 2004, pp. 731-732.