Andrea Vanni, « Redentore benedicente »

Andrea Vanni (Sienne, documenté de 1353 à 1414)

Redentore benedicente (Rédempteur bénissant), v. 1390 (?) [1]La date 1390 est proposée par Alberto Cornice, qui précise : « Une proposition de datation pour [cette œuvre], comme pour d’autres œuvres d’Andrea, est très difficile à la fois en raison de la rareté objective de repères sûrs et en raison du développement plutôt monotone d’une grande partie de sa production. Nous sommes certes avant ces œuvres tardives … Poursuivre

Tempéra sur panneau, 58 x 53 cm.

Provenance : compartiment d’un polyptyque autrefois dans l’église du couvent de Sant’Eugenio a Monistero [2]Le monastère de Sant’Eugenio a Monistero, le plus ancien de Toscane, appartenait à l’origine aux bénédictins de Monte Cassino (il leur avaient été donné par l’intendant Warnifredo en 731). Le 29 octobre 1446, par une bulle du pape Eugène IV, les moines de Santo Spirito de Sienne et ceux de San Salvatore all’Isola (l’abbaye des Santi Salvatore e Cirino se trouve … Poursuivre, Sienne.

Sienne, Museo della Società di Esecutori di Pie Disposizioni.

Les fentes finement tracées des deux yeux un peu trop proches l’un de l’autre, s’alignent symétriquement sur un axe horizontal qui forme un angle droit avec la verticale d’un long nez mince et rectiligne, dont le contour linéaire provenant de l’arcade sourcilière s’achève sur une bouche minuscule et rouge comme une cerise. Ces traits s’inscrivent dans un visage dont le contour, souligné par la chevelure et une barbe légère comme de la gaze, définit un ovale presque parfait. Ainsi défini, le Christ à l’apparence juvénile et au regard oblique porté sur un objet qu’il semble ne pas voir, élève une main droite stylisée dans un signe de bénédiction.

L’image du Christ bénissant se révèle selon une synthèse des formes qui frôle la géométrie pure , sans pourtant s’y résoudre, dans l’épure d’un dessin où se devine le bonheur de la ressemblance enfin atteinte, et dans laquelle une lumière venue de la gauche vient souligner la délicatesse des volumes du visage [3]Cette même source lumineuse éclaire le manteau rose du Christ de façon plus schématique et plus archaïque, ainsi que l’a déjà souligné Bellosi de longue date (Luciano BELLOSI, « Jacopo di Mino del Pelliciaio », Bollettino d’Arte, LVII, 1972, p. 76).. Ce goût de la synthèse formelle se résume en entier dans le pli de la tunique qui couvre la poitrine du Christ, pli unique dont la ligne dessine une volute soulignée d’un trait sombre sur le col de la tunique, accroche la lumière et se fond verticalement dans le pan de peinture de couleur d’azur qui rien d’autre ne trouble que cette unique vague.

Le format triangulaire du panneau s’explique en premier lieu par le fait qu’à l’origine, il constituait le gâble du volet central d’un polyptyque gothique. [4]Voir : Jerrold ZIFF, « The Reconstruction of an Altarpiece by Andrea Vanni », The Art Bulletin, vol. 39, n° 2 (juin 1957), pp. 138-142. A l’intérieur de ce format proche du triangle équilatéral, la figure du Christ évoque, à une échelle incomparable, celle d’un Pantocrator monumental, tel qu’on peut la voir dans les absides normandes de Sicile (Monreale, Cefalù, Chapelle Palatine de Palerme). Le triangle équilatéral n’échappe cependant pas à la symbolique d’une autre géométrie, celle qui évoque la Trinité dont Jésus est l’un des membres indissociables.

Reconstitution du polyptyque dispersé
Reconstruction hypothétique du polyptyque d’Andrea Vanni pour l’église de Sant Eugenio, Sienne. D’après Jerrold Ziff, « The Reconstruction of an Altarpiece by Andrea Vanni ». [5]Voir : Jerrold ZIFF, op. cit., p. 141.

Le Christ bénissant provient d’un polyptyque, sans doute le plus beau peint par l’artiste, initialement destiné au couvent siennois de Sant’Eugenio. Les compartiments subsistants en sont aujourd’hui dispersés. Jerrold Ziff à proposé l’hypothèse de reconstitution ci-dessus en 1957, sans toutefois y inclure le présent panneau conservé au Museo della Società di Esecutori di Pie Disposizioni. Dans le schéma reproduit ci-dessus, le contour pointillé du gâble central montre que l’auteur ne connaissait ni la forme, ni l’existence du Christ bénissant. Non sans perspicacité, il note cependant : « Dans son premier état, l’ensemble, comme beaucoup de retables du XIVe siècle, était probablement surmonté d’une représentation à mi-corps du Sauveur dans l’attitude de la bénédiction. Celui-ci […] manque, mais selon toute vraisemblance, il ressemblait étroitement à la figure du Christ à peine distinguable au-dessus de l’Annonciation du polyptyque de Santo Stefano.« [6]« In its first state, the whole, like many fourteenth century altarpieces, was probably surmounted by a half-length representation of the Savior in the attitude of benediction. This […] is missing, but in all likelihood it closely resembled the barely distinguishable Christ figure above the Annunciation in S. Stefano. »). Ibid. p. 142. Dans son article de 1957, l’historien de l’art démontre la pertinence de son hypothèse en s’appuyant sur l’exemple du Polittico di Santo Stefano alla Lizza, également peint par Andrea Vanni, qu’il qualifie cependant de « plus plat ». [7]Ibid. p. 138.

Montage : Yves Le Guerch.

Plusieurs des compartiments provenant du polyptyque sont connus à ce jour. Deux d’entre eux sont demeurés à Sienne. Les huit autres sont conservés à Francfort et aux Etats-Unis.

A Sienne :

  • Andrea Vanni, Madonna del latte. Sienne, Museo diocesano di Arte Sacra.
  • Andrea Vanni, Redentore benedicente. Sienne, Museo della Compagnia di Esecutori di Pie Disposizioni.

A l’étranger :

Notes

Notes
1 La date 1390 est proposée par Alberto Cornice, qui précise : « Une proposition de datation pour [cette œuvre], comme pour d’autres œuvres d’Andrea, est très difficile à la fois en raison de la rareté objective de repères sûrs et en raison du développement plutôt monotone d’une grande partie de sa production. Nous sommes certes avant ces œuvres tardives précitées, mais également après le polyptyque de Casaluce (v. 1365-66 ; le San Giacomo, aujourd’hui à la pinacothèque de Capodimonte et le San Francesco du musée de Lindenau, Altemburg, sont les deux uniques panneaux subsistants de ce polyptyque) : si en effet le drapé pourrait rappeler celui des deux saints de Naples et d’Altenbourg, il est en réalité plus dur et plus calligraphié, avec des ombres plus conventionnel que réel. La comparaison avec l’écriture précieuse et minutieuse du triptyque Corcoran de Washington (1383-1385) n’est pas non plus d’une grande aide. Je crois que les œuvres les plus proches de cela sont la Vierge à l’Enfant et le donateur, autrefois à Santo Spirito et maintenant au Séminaire de Sienne ; et plus encore, pour le rendu même des traits du visage, la Vierge à l’Enfant » aujourd’hui au Museo dell’Opera del Duomo. » Alberto CORNICE, Il gotico a Siena. Miniature. Pitture. Oreficerie. Oggetto d’arte (cat. d’exp. Sienne 1982), Florence, Centro Di, 1982, p. 289.
2 Le monastère de Sant’Eugenio a Monistero, le plus ancien de Toscane, appartenait à l’origine aux bénédictins de Monte Cassino (il leur avaient été donné par l’intendant Warnifredo en 731). Le 29 octobre 1446, par une bulle du pape Eugène IV, les moines de Santo Spirito de Sienne et ceux de San Salvatore all’Isola (l’abbaye des Santi Salvatore e Cirino se trouve Abbadia a Isola [Monteriggioni]) furent agrégé aux bénédictins. En 1270, les troupes de Charles d’Anjou campèrent dans la région pour saccager Sienne et en 1553, le maréchal Pietro Strozzi érigea des fortifications : ces épisodes conduisent à la destruction à l’ensemble du complexe dont il ne reste que l’église.
3 Cette même source lumineuse éclaire le manteau rose du Christ de façon plus schématique et plus archaïque, ainsi que l’a déjà souligné Bellosi de longue date (Luciano BELLOSI, « Jacopo di Mino del Pelliciaio », Bollettino d’Arte, LVII, 1972, p. 76).
4 Voir : Jerrold ZIFF, « The Reconstruction of an Altarpiece by Andrea Vanni », The Art Bulletin, vol. 39, n° 2 (juin 1957), pp. 138-142.
5 Voir : Jerrold ZIFF, op. cit., p. 141.
6 « In its first state, the whole, like many fourteenth century altarpieces, was probably surmounted by a half-length representation of the Savior in the attitude of benediction. This […] is missing, but in all likelihood it closely resembled the barely distinguishable Christ figure above the Annunciation in S. Stefano. »). Ibid. p. 142.
7 Ibid. p. 138.