Sala capitolare

Salle du chapitre du couvent augustinien de Monticiano

Siège de la Compagnie du Saint Sacrement et du bienheureux Antonio Patrizi, situé sur le côté nord du couvent de Sant’Agostino, l’ancienne salle du chapitre, de plan carré, est divisée en trois travées par deux grands arcs transversaux en plein cintre (segments de cercles). Cette salle a subi de nombreuses modifications au fil du temps.

Au XVIIIe siècle, d’importants travaux de restructuration sont réalisés dans la salle lorsque celle-ci perd sa fonction initiale pour devenir le siège d’une confrérie laïque : les trois baies ogivales qui séparaient cette salle du cloître sont murées, imposant l’ouverture de nouvelles fenêtres en face, sur la paroi est (le mur du fond), rectangulaires cette fois-ci, et indifférentes à l’ordre gothique ambiant, afin de redonner de la lumière en prenant le jour directement sur l’extérieur. Ce premier changement se fait inévitablement au prix de la destruction de la quasi totalité de deux des fresques qui y étaient peintes, occasionnant par la même occasion le déplacement de l’autel entre les deux nouvelles fenêtres [1]L’autel était initialement situé, en bonne logique, sous les fresques du mur nord où sont peintes la Vierge à l’Enfant et des saints et l’Annonciation., modifiant ainsi l’ordonnancement initial, aussi bien sur le plan de la chronologie des scènes peintes que sur celui de la logique intrinsèque du programme iconographique incluant les deux scènes qui se trouvaient précédemment, en toute cohérence, au-dessus de l’autel.

Le nouvel autel prenant place contre la paroi dorénavant percée, et le sujet de la fresque centrale ne convenant plus à cet emplacement, une nouvelle image votive, fade à souhait, représentant le bienheureux Patrizi, vient finalement remplacer l’œuvre peinte trois siècles plus tôt [2]Il s’agit de la fresque représentant Le baiser de Judas et l’Arrestation du Christ..

A la même époque, le mur d’entrée est couvert d’un décor d’architectures feintes sans aucun rapport avec le programme iconographique préexistant. Un bandeau de motifs ornementaux aux molles volutes roses et aux éléments végétaux jaunes vaguement stylisés est ajouté sous la totalité des fresques peintes sur les trois autres parois, ainsi que s’en félicite une inscription rappelant les travaux de transformation et de mise au goût du jour de l’ancienne salle du chapitre, exécutés à la demande du prieur du couvent Pietro Vannuccini, et achevés en 1714 [3]« ANNO MDCCLXIV NEL MESE DI MAGGIO SOTTO IL GOVERNO DELL ECCELLENTISSIMO SIGr: DOTTORE PIETRO VANNUCCINI PRIORE, E DEL SIGr: NICCOLA ANTONIO VANNUCCINI CAMARLINGO FÙ RISARCITA, E RIDOTTA NELLA PRESENTE FORMA QUESTA VENERABILE CONFRATERNITA DEL BEATO ANTONIO PATRIZI MONTICIANO. ».

Le décor peint

Toutes les parois de la salle [4]Y compris le mur ouest, ou mur d’entrée, dont le banal décor architectural est venu remplacer les deux ouvertures ogivales qui donnaient sur le cloître, selon une configuration habituelle, en particulier dans les couvents de l’ordre augustinien. sont ornées de fresques restaurées dans les années 1980, essentiellement monochromes à l’exception des deux scènes peintes de manière superposée sur la paroi gauche : la Vierge à l’Enfant et saints surmontée de l’Annonciation (entre les deux scènes court une inscription faisant référence au mystère de l’Annonciation [5]Voir détail dans le descriptif de ces deux scènes.. Leur articulation avec le cycle qui court sur les trois autres parois, au nord, à l’est et au sud, est devenue inintelligible du fait des modifications importantes mentionnées plus haut.

Le cycle de fresques dites « monochromes » [6]En réalité, les œuvres sont peintes de deux couleurs : rouge de sienne et ocre. raconte des épisodes de la Passion [7]Il y manque essentiellement les scènes de la Flagellation et du Couronnement d’épines. et de la Résurrection du Christ, est particulièrement remarquable. De part et d’autre de la Madone à l’Enfant, demeurent fort heureusement inaltérées l’épisode de la Résurrection et celui de la Cène.

Sur le mur est, face à l’entrée, la fresque peinte entre les deux fenêtres évoquées plus haut, représentant le Baiser de Judas et l’Arrestation du Christ, a été partiellement détruite, comme nous l’avons vu, pour faire place à un autel surmonté d’une fresque représentant le bienheureux Antonio Patrizi. De part et d’autre, il ne subsiste aujourd’hui qu’une partie de l’Agonie dans le jardin des oliviers, tandis que seuls Pilate et un fonctionnaire déférent (mais privé de sa tête) demeurent dans la scène du Christ devant Pilate.

Sur la troisième paroi, au sud, alternent la Montée au Calvaire, la Crucifixion et la Déposition de la croix. Le cycle s’achève sur la paroi nord, à gauche de la Vierge à l’Enfant, avec la Résurrection du Christ.

Problèmes de datation et d’attribution

Selon certains auteurs, il fut une période où l’on pouvait lire, sous la Vierge à l’Enfant et saints, la formule : « S. Antonius de Monteciano, Anno D. MCCCCXXII Deo Gratias » [8]« Saint Antoine de Monticiano, an de grâce 1422, Deo gratias » (Deo gratias ou « [rendons] grâce à Dieu » : formule de remerciement à Dieu tirée de la première Lettre de saint Paul aux Corinthiens (I, 15, 57), autrefois utilisée dans la liturgie de la messe en latin en réponse au « Ite, missa est » ou au « Benedicamus Domino », ainsi que dans la récitation de … Poursuivre. La date 1422 mentionnée dans l’inscription pourrait venir confirmer l’attribution, fréquemment proposée, de ces deux fresques à un proche de Taddeo di Bartolo (celui-ci étant mort en 1422. Selon Cesare Brandi, qui les date autour de 1380-1388, les deux scènes sont chronologiquement les plus anciennes de toute la salle et pourraient être l’œuvre du peintre siennois Bartolo di Fredi [9]Cesare BRANDI, « Monticiano. Gli affreschi di Bartolo di Fredi e Guidoccio Cozzarelli », Dedalo, Année XI, Fasc. XI, 1931, pp. 709-734 (rééd. dans Lecceto e gli eremi agostiniani in terra di Siena, Milan, Pizzi–Monte dei Paschi di Siena, 1990, pp. . Le critique Frederick Mason Perkins (ainsi que Francesco Brogi avant lui) attribue ces fresques plutôt qu’au maître lui-même, à un artiste contemporain de Taddeo di Bartolo (fin XIVe – début XVe siècle).

Il existe diverses attributions pour ce cycle qui n’en est véritablement un que part la cohérence de sa thématique. Tant il est vrai que diverses mains ont été à l’ouvrage, probablement sur une durée relativement longue. En 1862, Brogi date l’ensemble de la seconde moitié du XIVe siècle, et le réfère à un artiste peignant dans le style de Bartolo di Fredi. Selon Mason Perkins, le style s’inspire plutôt de celui propre à la peinture siennoise des premières décennies du XIVe siècle, à l’exception de la Cène : Jésus et les disciples ne sont en fait pas réunis autour de la table mais disposés en rang, presque tous de face ou de profil et non de dos (à l’exception de Judas), disposition typique des Cènes que l’on peut voir dans la peinture florentine. La Crucifixion est, sur le plan du style, la plus proche de Pietro Lorenzetti, tandis que la Déposition de la croix semble s’inspirer de Duccio di Buoninsegna. L’épisode de la Résurrection du Christ diffère de celui que l’on rencontre habituellement puisque Jésus est représenté à l’extérieur du sarcophage pourtant demeuré fermé.

Les peintures, exécutées dans un style rappelant Vecchietta, Giovanni di Paolo et Pietro di Giovanni, remonteraient, pour Mason Perkins, à une période comprise entre 1440 et 1445 (ou juste avant) et auraient été réalisées par un anonyme appartenant au cercle de Sassetta.

Cesare Brandi, parlant des fresques, déclare qu’au XVe siècle une série complète de la Passion était rarement représentée alors que c’est substantiellement le cas ici. Selon lui, la scène de la Prière au jardin serait la seule survivante d’un décor contemporain antérieur à la Madone de Bartolo di Fredi, tandis que les autres récits de la Passion seraient datables du siècle suivant. La Prière au jardin aurait une affinité avec l’un des artistes ayant peint la même scène dans la collégiale de San Gimignano, Federico Memmi, que Brandi attribue le pseudonyme de Giovanni d’Asciano. Les fresques du Jugement de Pilate et de l’Arrestation du Christ sont certainement d’un autre peintre de la première moitié du XVe siècle. La dernière partie du cycle, avec la Montée au Calvaire, la Crucifixion et la Déposition, pourrait être attribuée à Guidoccio Cozzarelli, lequel aurait peint les scènes vers 1480-1485 en s’inspirant de Barna da Siena, autre pseudonyme derrière lequel se dissimulent les frères Memmi, ainsi que de Pietro et Ambrogio Lorenzetti.

Les deux dernières scènes, Résurrection et Cène, seraient respectivement la main d’un peintre œuvrant dans l’orbite de Benvenuto di Giovanni (seconde moitié du XVe siècle, peut-être Andrea di Niccolò) et Giovanni di Paolo, qui combine les souvenirs de Duccio avec une vision réaliste et des stimuli florentins.

Il convient de noter que la Cène est un unicum en tant que telle dans la peinture siennoise du XVe siècle (on ne connaît que deux compartiments de prédelle, l’un de Sassetta et l’autre de Sano di Pietro).

Les ŒUVRES

Pour des raisons qui tiennent à la fois à la chronologie de l’exécution des fresques [10]Les fresques les plus anciennes sont l’Annonciation et la Vierge à l’Enfant qui figurent dans la seconde travée, à gauche en entrant dans la salle. et à l’histoire de la salle [11]L’emplacement de l’autel initial se trouvait dans la seconde travée à gauche, sous la l’Annonciation et la Vierge à l’Enfant. où elles ont été peintes, les œuvres sont présentées en commençant par la paroi gauche de la deuxième travée :

Le cycle des scènes de la Passion du Christ commencent avec la Cène (troisième travée à gauche) et se poursuivent chronologiquement dans le sens des aiguilles d’une montre pour s’achever avec la Résurrection [12]Dans son article de 1931, Cesare Brandi faisait le choix parfaitement justifié de présenter la Cène en dernier lieu afin de souligner son « importance ainsi que « les problèmes qu’elle soulève. » Cesare BRANDI, op. cit., p. 321. :

Piero TORRITI (dir.), Mostra di opere d’arte restaurate nelle province di Siena e Grosseto, SAGEP, Gènes, 1979.

Notes

Notes
1 L’autel était initialement situé, en bonne logique, sous les fresques du mur nord où sont peintes la Vierge à l’Enfant et des saints et l’Annonciation.
2 Il s’agit de la fresque représentant Le baiser de Judas et l’Arrestation du Christ.
3 « ANNO MDCCLXIV NEL MESE DI MAGGIO SOTTO IL GOVERNO DELL ECCELLENTISSIMO SIGr: DOTTORE PIETRO VANNUCCINI PRIORE, E DEL SIGr: NICCOLA ANTONIO VANNUCCINI CAMARLINGO FÙ RISARCITA, E RIDOTTA NELLA PRESENTE FORMA QUESTA VENERABILE CONFRATERNITA DEL BEATO ANTONIO PATRIZI MONTICIANO. »
4 Y compris le mur ouest, ou mur d’entrée, dont le banal décor architectural est venu remplacer les deux ouvertures ogivales qui donnaient sur le cloître, selon une configuration habituelle, en particulier dans les couvents de l’ordre augustinien.
5 Voir détail dans le descriptif de ces deux scènes.
6 En réalité, les œuvres sont peintes de deux couleurs : rouge de sienne et ocre.
7 Il y manque essentiellement les scènes de la Flagellation et du Couronnement d’épines.
8 « Saint Antoine de Monticiano, an de grâce 1422, Deo gratias » (Deo gratias ou « [rendons] grâce à Dieu » : formule de remerciement à Dieu tirée de la première Lettre de saint Paul aux Corinthiens (I, 15, 57), autrefois utilisée dans la liturgie de la messe en latin en réponse au « Ite, missa est » ou au « Benedicamus Domino », ainsi que dans la récitation de l’office après la lecture des textes bibliques ou de ceux des Pères de l’église).
9 Cesare BRANDI, « Monticiano. Gli affreschi di Bartolo di Fredi e Guidoccio Cozzarelli », Dedalo, Année XI, Fasc. XI, 1931, pp. 709-734 (rééd. dans Lecceto e gli eremi agostiniani in terra di Siena, Milan, Pizzi–Monte dei Paschi di Siena, 1990, pp. 
10 Les fresques les plus anciennes sont l’Annonciation et la Vierge à l’Enfant qui figurent dans la seconde travée, à gauche en entrant dans la salle.
11 L’emplacement de l’autel initial se trouvait dans la seconde travée à gauche, sous la l’Annonciation et la Vierge à l’Enfant.
12 Dans son article de 1931, Cesare Brandi faisait le choix parfaitement justifié de présenter la Cène en dernier lieu afin de souligner son « importance ainsi que « les problèmes qu’elle soulève. » Cesare BRANDI, op. cit., p. 321.