Taddeo di Bartolo (Sienne, v. 1362 – 1422)
Natività. Adorazione dei pastori (Nativité. Adoration des bergers), 1404.
Détrempe sur panneau, 213 x 87,3 cm. (surface peinte : 195 x 85 cm.).
Inscriptions : (sur la cadre au bas de l’œuvre) : « TADDEUS BARTOLI DE SENIS PINXIT HOC OPUS A[N]NI D[OMI]NI MCCCCIIII »
Provenance : In situ.
Sienne, Basilica di Santa Maria dei Servi.
Cette Adoration des bergers constitue le panneau central d’un triptyque dont les éléments sont aujourd’hui dispersés. Pour le réaliser, Taddeo s’est confronté au retable peint, en 1356, par Bartolomeo Bulgarini pour la Cathédrale de Sienne [1]A l’époque de la commande du présent retable, Taddeo était occupé à peindre les fresques de l’Ancien Testament dans l’abside de la Cathédrale (aujourd’hui disparues). La Nativité de Bulgarini est l’un des quatre triptyques du transept vénérés par les fidèles, et que les peintres portaient eux aussi en haute estime, ainsi que l’attestent les différents retables de la … Poursuivre, l’un des quatre retables consacrés aux saints Patrons de la ville [2]Voir annexe : Une scénographie perdue. ainsi que, d’une manière générale, avec ceux de Bartolo di Fredi, l’un des plus grand peintre de la génération précédente à la sienne [3]Les polyptyques de Bartolo di Fredi sont eux-mêmes dérivés du modèle iconographique dû à Bartolomeo Bulgari..
En dépit de réinterprétations et de variantes conçues par Taddeo, la scène principale, par sa composition et un certain nombre de détails conservés, doit plus encore à Bartolo di Fredi qu’à Bartolomeo Bulgarini. Les personnages, de proportions uniformes, prennent une tournure plus réaliste grâce à leur physionomie, leurs gestes ainsi que leurs tenues vestimentaires. Un effet de naturalisme plus grand, qui est aussi la marque de Taddeo, est recherché.

La narration se déroule en partant du fond et en revenant vers le premier plan. Elle se prolongeait, à l’origine, avec fluidité jusque dans la prédelle qui devait en être le prolongement naturel comme on le verra plus bas. La scène se déroule aux abords d’une grotte qui émerge au centre et sépare nettement le premier plan du fond. C’est précisément là, en haut sur la gauche, que commence le récit. Un ange vient de réveiller les bergers que l’on voit se protéger les yeux de la clarté rosée qui éclaire tout le paysage. A égale distance, vers la droite, le chien gardien du troupeau observe lui aussi la venue de l’ange et la merveille de l’événement en cours. L’histoire se poursuit au premier plan, autour de la mangeoire où repose, au centre de l’œuvre, le nouveau-né fermement emmailloté, et surveillé par Marie. Joseph, manifestement à l’écart, est plongé dans des abîmes de perplexité quant à la nature de cette naissance, et en dépit des paroles de l’ange venu le rencontrer [4]“Alors qu’il avait formé ce dessein [le dessein de répudier Marie], voici que l’Ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : ‘Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ta femme : car ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint’.” (Mt 1. 19-20).. Autour de l’enfant, les personnages sont répartis selon une symétrie qui règle toute la composition et dont la construction est rendue naturelle par la présence, asymétrique cette fois, des deux animaux inséparables de cet épisode biblique.
Sur la gauche, le berger agenouillé effleure du bout des doigts, avec une extrême délicatesse, les pieds de l’enfant, « induisant l’observateur à s’attarder avec un peu d’imagination devant la peinture : il s’agit d’un paysan émerveillé venu au contact du Christ, un motif qui rappelle les populaires Meditationes Vitae Christi [5]Les Meditationes Vitae Christi constituent un ensemble de méditations sur la vie de Jésus. La genèse de l’œuvre est controversée : compilation pour certains, unité de composition pour d’autres. De tradition manuscrite multiple, le texte nous est connu sous 3 formes : “le grand texte” en 95 chapitres, “le petit texte” en 40 chapitres, et les Meditationes … Poursuivre selon lesquelles ‘toi aussi […] tu t’agenouilles et adores le Seigneur ton Dieu, puis sa mère, et tu salues avec révérence le vieux saint Joseph. Tu baises les beaux petits pieds de l’Enfant Jésus, qui gît dans la mangeoire et tu pries sa mère de permettre que tu le prennes un instant dans tes bras’. » [6]Gail Elisabeth Solberg, Taddeo di Bartolo (cat. d’exp., Perugia, Galleria Nazionale dell’Umbria. 28 mai – 30 août 2020), Milano, Silvana, 2020, p. 228. De fait, le berger semble en train de parler avec la Vierge, humblement assise sur la roche, la main droite levée en signe de salut. La gourde qu’il porte à la ceinture fait partie d’un ensemble de petits détails sur lesquels s’attardent un peintre qui vise à inscrire certains caractères d’un réel trivial dans la scène sacrée : ce berger, de même que son compagnon, également muni d’un instrument même type, proviennent tous deux directement des pâturages où ils ont été surpris par la venue d’un ange. L’ustensile dont ils ne se séparent jamais est aussi l’une des conditions de leur survie lorsqu’ils sont entraîné loin de toute source.
Ce second berger, face au caractère proprement extraordinaire de ce qu’il est en train de regarder lui aussi, manifestant sa stupeur, vient de laisser tomber son bâton. Son visage affiche une expression de stupeur.
Quant au chien qui a accompagné ses deux maîtres, le voici qui s’avance, apparemment curieux, avec circonspection cependant, vers la mangeoire où repose l’Enfant emmailloté, une patte levée et le museau strictement aligné sur l’axe de symétrie de la scène. [7]On notera que l’unique pied visible de la mangeoire faisant office de berceau se trouve à l’emplacement exact de cet axe de symétrie.
Reconstitution du triptyque

Le modèle de cette reconstitution est celui des quatre retables du transept de la cathédrale qui entouraient la Maestà de Duccio, et comportaient tous un registre principal conçu selon une même structure (un triptyque dont le panneau central représentait une scène mariale, et deux panneaux latéraux figurant un saint chacun).
La prédelle
Taddeo di Bartolo (Sienne, v. 1362 – 1422)
Adorazione del Magi ; beato Francesco Patrizi ; beato Gioacchino Piccolomini, 1404.
Tempera sur panneau, 150 x 94,5 cm. (?).
Provenance : Sienne, église de Santa Maria dei Servi, autel Bindi.
Altenburg, Lindenau Museum.
La prédelle semble inséparable de la scène de l’Adoration des bergers tant elle semble en être la suite logique et en étroite connexion. L’impression qu’un changement de point de vue s’est opéré est uniquement liée à l’adoption d’un cadrage panoramique. Cependant, la scénographie, à l’exception de l’arrivée des nouveaux visiteurs, est demeurée inchangée. Après le départ des bergers, apparaissent les mages venus à leur tour rejoindre la grotte. Pour les recevoir, la Vierge s’est assise sur un coffre et a pris l’enfant sur ses genoux après l’avoir quelque peu démailloté. Grâce à cela celui-ci est en mesure de bénir la plus âgé des rois qui s’est avancé en premier vers lui pour lui baiser le pied gauche, non sans avoir préalablement ôté sa couronne qu’il a respectueusement déposée au sol. Le geste ne peut que rappeler celui amorcé par le berger à l’instant précédant, et que le vieux roi prosterné accomplit dorénavant pleinement.
La suite des rois mages donne l’occasion, comme souvent dans les représentations de cet épisode, d’une petite diversion qui se réalise sur un fond anecdotique : les rênes du cheval blanc de l’un des rois mages sont tenus par un palefrenier élégamment vêtu ; d’autres chevaux sont encore cachés hors champ, au-delà des limites de l’image ; plusieurs personnages complètent le petit groupe parmi lesquels un maure, un jeune homme aux cheveux cours, le regard tourné vers le spectateur pour le prendre à témoin et un lévrier qui à lui seul agit comme un commentaire et rappelle par sa présence la cour princière à laquelle il appartient.
Notes
1↑ | A l’époque de la commande du présent retable, Taddeo était occupé à peindre les fresques de l’Ancien Testament dans l’abside de la Cathédrale (aujourd’hui disparues). La Nativité de Bulgarini est l’un des quatre triptyques du transept vénérés par les fidèles, et que les peintres portaient eux aussi en haute estime, ainsi que l’attestent les différents retables de la Nativité peints, à la même époque, notamment par Bartolo di Fredi. Le type de chacun des retables de la Cathédrale prévoyait une structure identique : un registre principal composé d’une scène mariale au centre et d’un couple de saints répartis de part et d’autre. C’est l’aspect que devait avoir notre retable à l’origine (voir reconstitution ci-dessous). |
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2↑ | Voir annexe : Une scénographie perdue. |
3↑ | Les polyptyques de Bartolo di Fredi sont eux-mêmes dérivés du modèle iconographique dû à Bartolomeo Bulgari. |
4↑ | “Alors qu’il avait formé ce dessein [le dessein de répudier Marie], voici que l’Ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : ‘Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ta femme : car ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint’.” (Mt 1. 19-20). |
5↑ | Les Meditationes Vitae Christi constituent un ensemble de méditations sur la vie de Jésus. La genèse de l’œuvre est controversée : compilation pour certains, unité de composition pour d’autres. De tradition manuscrite multiple, le texte nous est connu sous 3 formes : “le grand texte” en 95 chapitres, “le petit texte” en 40 chapitres, et les Meditationes de passione, attribuées à saint Bonaventure, incorporées à l’ensemble. D’après https://data.bnf.fr/fr/14548639/meditationes_vitae_christi/, consulté le 15 juin 2020. |
6↑ | Gail Elisabeth Solberg, Taddeo di Bartolo (cat. d’exp., Perugia, Galleria Nazionale dell’Umbria. 28 mai – 30 août 2020), Milano, Silvana, 2020, p. 228. |
7↑ | On notera que l’unique pied visible de la mangeoire faisant office de berceau se trouve à l’emplacement exact de cet axe de symétrie. |
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