Selon la plus connue des versions de la légende, Romulus et son frère jumeau Rémus sont les fils de la vestale Réa Silvia et du dieu Mars [1]. Après avoir détrôné Numitor, son propre frère, Amulius a consacré sa nièce Réa Silvia au service de la déesse Vesta, ce qui impose à celle-ci un strict célibat. Mais Réa, secrètement aimée de Mars, met au monde les deux jumeaux. Sur ordre d’Amulius, les nourrissons sont voués à être jetés au Tibre. Cependant, ils ne périssent pas dans cette entreprise. D’abord allaités par une louve dans la grotte du Lupercal, au pied du Palatin, ils sont ensuite découverts par Faustulus, berger ou gardien de porcs qui, après avoir été témoin de ce prodige, recueille les jumeaux au pied du Ficus Ruminalis [2] situé à l’entrée de la grotte et les élève, en compagnie de son épouse Larentia.
Devenus adultes, Romulus et Rémus, en 752 av. J.-C., renversent à leur tour Amulius et rétablissent Numitor sur le trône d’Albe-la-Longue. En récompense, Numitor leur permet de bâtir une ville nouvelle sur les bords du Tibre : ce sera l’occasion de la fondation de Rome.
Cependant, à la suite d’une rixe [3], Romulus tue Rémus, et demeure seul maître de la ville.
[1] Pour certains auteurs [1], le père des jumeaux pourrait aussi avoir été Amulius, coupable du viol de sa nièce, Réa Silvia, mais cette paternité, beaucoup moins glorieuse à l’évidence, n’est pas prioritairement retenue. Voir Pierre Grimal, Dictionnaire de mythologie grecque et romaine, Paris, P.U.F., 1951 (9eme édition, 1988), p. 411 (article « Romulus »).
[2] Cet arbre légendaire, un figuier sauvage, aurait, à l’origine, été consacré à Rumina, déesse qui présidait à l’allaitement (lat. ruma : « mamelle »). Selon Plutarque (Vies des hommes illustres, « Romulus »), « on nommait [cet arbre] ruminal : soit, ainsi que le pensent la plupart, à cause de Romulus ; soit parce que les bêtes ruminantes allaient, au milieu du jour, se reposer sous son ombre [en latin, ruma désigne aussi la panse d’un animal et ruminalis, le « ruminant »] ; ou plutôt parce que ces enfants y furent allaité ».
[2] Plutarque décrit ainsi la situation [2] : « La succession des rois descendus d’Énée était arrivée aux mains de deux frères, Numitor et Amulius. Amulius fit de l’héritage deux parts : il mit d’un côté le royaume, et de l’autre l’argent comptant, avec l’or qu’on avait apporté de Troie. Numitor choisit le royaume. Amulius, devenu, par ses trésors, plus puissant que son frère, lui enleva facilement la couronne ; mais, craignant que la fille de Numitor ne mit au monde des enfants, il la fit prêtresse de Vesta, pour qu’elle ne se mariât point, et qu’elle usât ses jours dans la virginité. Les uns la nomment Ilia, d’autres Rhéa, et quelques-uns Silvia. Peu de temps après, elle se trouva enceinte, contrairement à la règle que la loi impose aux vestales. […] Elle mit au monde deux jumeaux, grands et beaux à merveille. Alors Amulius, encore plus alarmé, chargea un de ses domestiques de les exposer. Il s’appelait, dit-on, Faustulus : selon d’autres, Faustulus est le nom de celui qui les recueillit. Le domestique, ayant mis les enfants dans un berceau, descendit vers le Tibre, pour les y jeter ; mais il vit le courant si enflé et si rapide, qu’il n’osa s’approcher : il les posa près du rivage, et se retira. L’eau finit par déborder ; et, soulevant doucement le berceau, elle le porta sur un terrain mou et uni, qu’on appelle aujourd’hui Cermanum, et qui se nommait autrefois Germanum, à raison, je crois, de ce que les Latins donnent le nom de germains aux frères de père et de mère. Il y avait, près de là, un figuier sauvage, qu’on nommait ruminal […]. C’est là que les deux enfants, posés ainsi à terre, furent allaités par la louve, et qu’un pivert venait partager avec elle le soin de les nourrir et de les garder. Ces deux animaux passent pour être consacrés à Mars ; et les Latins honorent le pivert d’un culte particulier. Aussi ne manqua-t-on point d’ajouter foi au témoignage de la mère, que les deux enfants étaient nés du dieu Mars. Quelques auteurs disent que c’était erreur chez elle : Amulius, qui lui avait ravi sa virginité, serait entré dans sa prison tout armé, pour lui faire violence. D’autres veulent aussi que le nom de la nourrice ait été, par l’effet d’une équivoque, l’occasion de cette fable. Les Latins appelaient louves et les femelles des loups et les femmes qui se prostituent : or, telle était la femme de ce Faustulus, qui avait élevé chez lui les enfants. Elle se nommait d’ailleurs Acca Larentia. Les Romains lui font encore des sacrifices […] ». Plutarque, Vies parallèles, Romulus, 4.
[3] Les deux frères, animés « par la soif du pouvoir, mal héréditaire chez eux », ne parviennent pas à départager celui des deux qui donnera son nom à la ville et se livrent à une « lutte monstrueuse […]. Ils étaient jumeaux, écrit Tite-Live, et la prérogative de l’âge ne pouvait décider entre eux : ils remettent donc aux divinités tutélaires de ces lieux le soin de désigner, par des augures, celui qui devait donner son nom et des lois à la nouvelle ville, et se retirent, Romulus sur le mont Palatin, Rémus sur l’Aventin, pour y tracer l’enceinte augurale. Le premier augure fut, dit-on, pour Rémus : c’étaient six vautours ; il venait de l’annoncer, lorsque Romulus en vit le double, et chacun fut salué roi par les siens ; les uns tiraient leur droit de la priorité, les autres du nombre des oiseaux. Une querelle s’ensuivit, que leur colère fit dégénérer en combat sanglant ; frappé dans la mêlée, Rémus tomba mort. Suivant la tradition la plus répandue, Rémus, par dérision, avait franchi d’un saut les nouveaux remparts élevés par son frère, et Romulus, transporté de fureur, le tua en s’écriant : ‘Ainsi périsse quiconque franchira mes murailles’. Romulus, resté seul maître, la ville nouvelle prit le nom de son fondateur. ». Tite-Live, Histoire romaine, I, 6.
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