
‘Maître de l’Observance’ (peintre ou groupe de peintres actif durant le second quart du XVe siècle, auquel est attribué un corpus d’œuvres réunies en 1942 par Alberto Graziani [1]Alberto Graziani, « Il Maestro dell’Osservanza (1942) », dans Propozioni, II, 1948, pp. 75-87 (réédité dans Proporzioni. Scritti e Lettere di Alberto Graziani, a cura di T. Graziani Longhi, 2 vol., Bologne, 1993. à partir de caractéristiques stylistiques communes ou approchantes)
Saint Anthony Distributing His Wealth to the Poors (Saint Antoine distribue sa fortune aux pauvres), v. 1430-1436.
Tempéra et or sur panneau, 46,4 x 33,6 cm.
Provenance : œuvre identifiée en 1870 dans la collection du comte Augusto Caccialupi à Macerata comme de la main Masaccio ou Masolino [2]Fern Rusk Shapley, The National Gallery of Art. Catalogue of the Italian Paintings, Washington, National Gallery of Art, 1979, p. 320 ; Paolo Scapecchi, « Quattrocentisti senesi nelle Marche : Il polittico di Sant’Antonio Abate del Maestro dell’Osservanza », Arte Cristiana, n. 698, 1983, p. 290, n. 20. ; Samuel H. Kress Collection, en 1952.
Washington, National Gallery of Art.
Le jeune homme blond que nous avons rencontré dans le précédent panneau réapparait, parfaitement reconnaissable à sa chevelure blonde et à son vêtement brun serré par une ceinture rouge, dans cette scène où, selon saint Athanase d’Alexandrie, son biographe, Antoine, après avoir fait le vœu de vivre hors du monde, distribue sa fortune aux pauvres avant de rejoindre le désert où l’attend une vie d’ermite. [3]« Alors Antoine […] sortit à l’instant de l’église, et toute la fortune que lui avaient laissée ses parents, et qui consistait en trois cents arpents de bonnes terres, il en fit don aux habitants du village, afin que sa sœur et lui fussent débarrassés de toute espèce de soin ; tout le mobilier qui leur appartenait, il le vendit, et après en avoir retiré une somme assez … Poursuivre
Comme dans le premier compartiment [4]Voir la Messe de saint Antoine., le jeune saint apparaît deux fois : en train de descendre les escaliers du palais familial, tenant une bourse bien visible ; une deuxième fois au premier plan dispensant sa fortune à une famille de mendiants ; un homme nus-pieds et deux mendiants aveugles sont représentés en arrière. Le palais, avec son rez-de-chaussée destiné au stockage et la commercialisation (soulignée par la longue table de bois dressée sur des tréteaux devant la façade), son étage supérieur réservé à l’habitation et sa façade percée de fenêtres bifores, est typique de l’architecture gothique siennoise. Dans la mesure où les armoiries des Martinozzi sont représentées au-dessus de la porte [5]Paolo Scapecchi, « Quattrocentisti senesi nelle Marche : Il polittico di Sant’Antonio Abate del Maestro dell’Osservanza », Arte Cristiana, n. 698, 1983, p. 288., le palais pourrait, selon Pecci, être une représentation de la résidence siennoise de la famille Martinozzi. [6]Giovanni Antonio Pecci, dans les Relazione delle cose più notabile della città di Siena, Stamperia di Francesco Quieza, ed. Agostino Bindi, Sienne, 1752, p. 62, indique que le palais Martinozzi se trouvait sur la Piazza del Campo à côté du vicolo San Pietro. L’architecture a également été comparée à celle de la façade de l’Hôpital de la Scala, à l’endroit devant lequel l’aumône était distribuée. [7]Daniela Gallavotti Cavallero, Lo Spedale Grande di Siena. Fatti urbanistici e architettonici del Santa Maria della Scala. Ricerche riflessioni, interrogativi, Florence, Ponte alle Grazie, 1987, p. 64.
Ainsi que l’a remarqué Keith Christiansen [8]Keith Christiansen, « Saint Anthony Distributing His Wealth », dans CHRISTIANSEN, Keith, KANTER, Laurence B., STREHLKE, Carl Brandon, Painting in Renaissance. Siena. Catalogue d’exposition, New-York, The Metropolitan Museum of Art, 1988, p. 111., la construction en perspective joue ici un rôle périphérique. En revanche, « l’impression d’espace est créée […] par la série de murs percés de portes et de fenêtres ouvertes placées les unes à l’arrière les autres […]. Ceci a peut-être été inspiré par le relief en bronze du Banquet d’Hérode de Donatello pour les fonts baptismaux. Le tableau, avec la fidélité apparente de son cadre et l’attention portée à des détails tels que les ferronneries du palais, le tas de céréales visible à travers la porte de la salle intérieure, le baril empli d’eau dans le passage ou couloir sur la gauche et les vêtements en lambeaux et rapiécés des mendiants, donne l’impression d’un récit religieux interprété comme un genre. Cet effet est renforcé par l’absence de focalisation sur l’aspect dramatique. Vus pour la plupart de profil, les personnages aux expressions impassibles se déplacent sur des chemins parallèles, et même saint Antoine semble motivé par la bienveillance plutôt que par la résolution spirituelle. Une comparaison avec la fresque de Saint Pierre distribuant les biens de l’Église de Masaccio dans la chapelle Brancacci à Florence est à la fois inévitable et révélatrice à cet égard. Perkins [9]Frederick Mason Perkins, « Quattro tavolette inedite del Sassetta », Rassegna d’arte, 1907, pp. 45-46., qui a identifié la scène comme un épisode de la Vie de saint Martin, associe le panneau à Saint Martin et le mendiant de Sassetta dans la collection Chigi-Saracini, Sienne – le fragment d’un crucifix documenté de 1433 – mais les deux œuvres ne sont que superficiellement similaires. L’intérêt de Sassetta réside dans le potentiel expressif de l’acte de charité, et il a utilisé la gestuelle et les attitudes pour renforcer le sens du drame et définir l’ambiance spatiale. Le Maître de l’Osservanza semble plutôt s’être aligné sur la vision aristocratique De Simone Martini, dont le retable du bienheureux Agostino Novello lui a peut-être fourni un point d’inspiration ; le Maître de l’Osservanza apparaît à la fois plus archaïque et plus moderne que Sassetta, sensible aux nouveautés fondamentales de l’art florentin. »
Notes
1↑ | Alberto Graziani, « Il Maestro dell’Osservanza (1942) », dans Propozioni, II, 1948, pp. 75-87 (réédité dans Proporzioni. Scritti e Lettere di Alberto Graziani, a cura di T. Graziani Longhi, 2 vol., Bologne, 1993. |
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2↑ | Fern Rusk Shapley, The National Gallery of Art. Catalogue of the Italian Paintings, Washington, National Gallery of Art, 1979, p. 320 ; Paolo Scapecchi, « Quattrocentisti senesi nelle Marche : Il polittico di Sant’Antonio Abate del Maestro dell’Osservanza », Arte Cristiana, n. 698, 1983, p. 290, n. 20. |
3↑ | « Alors Antoine […] sortit à l’instant de l’église, et toute la fortune que lui avaient laissée ses parents, et qui consistait en trois cents arpents de bonnes terres, il en fit don aux habitants du village, afin que sa sœur et lui fussent débarrassés de toute espèce de soin ; tout le mobilier qui leur appartenait, il le vendit, et après en avoir retiré une somme assez considérable, il la distribua aux pauvres, n’en réservant qu’une faible part pour sa sœur. Mais étant entré de nouveau dans l’église, il entendit le Seigneur qui disait dans l’Évangile : ‘Ne vous inquiétez pas du lendemain’ (Mt 6, 34). Il ne put rester plus longtemps ; il sortit et donna ce qui lui restait à des gens peu aisés. » Saint Athanase, Vie de saint Antoine (traduction littérale du texte grec par Charles de Rémondange), Mâcon, Imprimerie d’Émile Protat, 1874. Pour une édition récente : Athanase d’Alexandrie, Vie d’Antoine (G. J. M. Bartelink éd.), Paris, Les éditions du Cerf, 1994, pp. 369-371. |
4↑ | Voir la Messe de saint Antoine. |
5↑ | Paolo Scapecchi, « Quattrocentisti senesi nelle Marche : Il polittico di Sant’Antonio Abate del Maestro dell’Osservanza », Arte Cristiana, n. 698, 1983, p. 288. |
6↑ | Giovanni Antonio Pecci, dans les Relazione delle cose più notabile della città di Siena, Stamperia di Francesco Quieza, ed. Agostino Bindi, Sienne, 1752, p. 62, indique que le palais Martinozzi se trouvait sur la Piazza del Campo à côté du vicolo San Pietro. |
7↑ | Daniela Gallavotti Cavallero, Lo Spedale Grande di Siena. Fatti urbanistici e architettonici del Santa Maria della Scala. Ricerche riflessioni, interrogativi, Florence, Ponte alle Grazie, 1987, p. 64. |
8↑ | Keith Christiansen, « Saint Anthony Distributing His Wealth », dans CHRISTIANSEN, Keith, KANTER, Laurence B., STREHLKE, Carl Brandon, Painting in Renaissance. Siena. Catalogue d’exposition, New-York, The Metropolitan Museum of Art, 1988, p. 111. |
9↑ | Frederick Mason Perkins, « Quattro tavolette inedite del Sassetta », Rassegna d’arte, 1907, pp. 45-46. |
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