‘Maître de l’Observance’ (peintre ou groupe de peintres actif durant le second quart du XVe siècle, auquel est attribué un corpus d’œuvres réunies en 1942 par Alberto Graziani [1]Alberto Graziani, « Il Maestro dell’Osservanza (1942) », dans Propozioni, II, 1948, pp. 75-87 (réédité dans Proporzioni. Scritti e Lettere di Alberto Graziani, a cura di T. Graziani Longhi, 2 vol., Bologne, 1993. à partir de caractéristiques stylistiques communes ou approchantes)
The Death of Saint Anthony (La Mort de Saint Antoine), v. 1430-1436.
Tempéra et or sur panneau, 36,2 x 38,1 cm.
Provenance : Samuel H. Kress Collection.
Washington, National Gallery of Art.
Faisant exception à une règle observée dans tous les panneaux précédents, la représentation de la mort de saint Antoine ne reflète pas l’esprit du texte de saint Athanase, son biographe, de qui l’on apprend les dernières volontés exprimées par le défunt [2]« Le récit de la mort de saint Antoine par Athanase d’Alexandrie enseignait au chrétien le mépris du corps et insistait en particulier sur la vanité de la coutume funéraire des Égyptiens consistant à placer dans des abris les corps des défunts et à les honorer. » Sophie Dutheillet de Lamothe, « Réécritures et représentations de la mort de saint Paul … Poursuivre. Selon ces dernières, Antoine avait souhaité être inhumé par les deux disciples qui l’avaient veillé, son corps caché sous la terre en un lieu connu d’eux seuls et destiné à demeurer secret [3]Après la mort de saint Paul à qui il était venu rendre visite, Antoine « retourna à la montagne du désert dont il avait fait son habitation, et peu de mois après il tomba malade. Ayant appelé les deux disciples qui demeuraient avec lui pour le servir au cours de sa vieillesse, il leur dit : Je vais suivre la route de mes pères, comme dit l’Écriture, car je vois que le … Poursuivre. La distance prise par rapport à la source textuelle, qui consiste à faite figurer un important groupe de moines portant l’habit noir et brun de l’Ordre, et disposés en cercle autour de la civière où repose l’ermite, pourrait confirmer que la commande du retable était d’origine augustinienne.
Un décalage a été observé « entre la gestion magistrale de l’espace intérieur – avec ses perspectives vues à travers des portes donnant sur une sacristie avec un placard ouvert et un cloître planté de cyprès – et la diminution des figures […], l’hypothèse étant que l’artiste qui a peint Saint Antoine à la messe et l’architecture de Saint Antoine distribuant sa richesse a conçu l’espace, tandis qu’un peintre spécialiste des intérieurs était responsable pour les figures [4]Pope-Hennessy, 1956, p. 366.. Cette idée est cohérente avec la position [déjà] énoncée selon laquelle toutes les scènes reflètent la conception du maître qui a présidé à l’entreprise, ici accepté comme le ‘Maître de l’Observance’. Cependant, on ne peut nier que la palette lumineuse, le souci du volume et la technique optique de juxtaposition des couleurs pour suggérer le modelé des formes en termes de lumière coïncident avec les caractéristiques du Saint Antoine tenté par le diable sous les traits d’un femme. Il est parfaitement logique que ces deux scènes […] aient été réalisées par un associé dont les intérêts différaient quelque peu de ceux du maître en charge. Le résultat est une scène plus remarquable pour son ton familier et sa conception globale que pour son interprétation poétique du sujet. » [5]Keith Christiansen, Laurence B. Kanter, Carl Brandon Strelke, Painting in Renaissance. Siena (catalogue d’exposition). New-York, The Metropolitan Museum of Art, 1988, p. 125.
Notes
1↑ | Alberto Graziani, « Il Maestro dell’Osservanza (1942) », dans Propozioni, II, 1948, pp. 75-87 (réédité dans Proporzioni. Scritti e Lettere di Alberto Graziani, a cura di T. Graziani Longhi, 2 vol., Bologne, 1993. |
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2↑ | « Le récit de la mort de saint Antoine par Athanase d’Alexandrie enseignait au chrétien le mépris du corps et insistait en particulier sur la vanité de la coutume funéraire des Égyptiens consistant à placer dans des abris les corps des défunts et à les honorer. » Sophie Dutheillet de Lamothe, « Réécritures et représentations de la mort de saint Paul ermite en Italie (XIIIe-XVe siècles) : un cadavre en prière ? », Arzanà. Cahiers de littérature médiévale italienne, 18, 2016). |
3↑ | Après la mort de saint Paul à qui il était venu rendre visite, Antoine « retourna à la montagne du désert dont il avait fait son habitation, et peu de mois après il tomba malade. Ayant appelé les deux disciples qui demeuraient avec lui pour le servir au cours de sa vieillesse, il leur dit : Je vais suivre la route de mes pères, comme dit l’Écriture, car je vois que le Seigneur m’appelle ; ensevelissez donc mon corps vous-mêmes, cachez-le sous la terre, et soyez fidèles à garder cette recommandation ; que personne ne connaisse le lieu où sera mon corps, excepté vous seuls. Au jour de la résurrection des morts, je le recevrai incorruptible des mains de mon Sauveur. Vous partagerez ainsi mes vêtements : vous donnerez à l’évêque Athanase une de mes deux peaux de brebis avec le manteau sur lequel je couchais ; il me l’avait donné neuf et il est devenu vieux par l’usage que j’en ai fait. Donnez à l’évêque Sérapion mon autre peau de brebis ; pour vous, gardez ma tunique de poil. Adieu, mes enfants, Antoine s’en va, et désormais il n’est plus avec vous. Après qu’il eut prononcé ces paroles, les deux disciples l’embrassèrent. Antoine leva ses pieds et regardant comme des amis les anges qui venaient à sa rencontre et dont la présence le comblait de joie, il rendit l’esprit et rejoignit ses pères. Les deux disciples exécutèrent fidèlement l’ordre qu’il leur avait donné, ils l’ensevelirent et l’enfouirent dans la terre ; jusqu’ici personne ne sait où il est caché, excepté ces deux religieux. Quant à ceux qui ont reçu les peaux de brebis qu’il leur avait léguées et son manteau usé, ils conservent ces reliques comme des objets infiniment précieux, car en les regardant, ils croient encore voir Antoine, et quand ils s’en revêtent, il leur semble qu’ils portent sur eux avec joie ses leçons et ses conseils. » Saint Athanase, Vie de saint Antoine (traduction littérale du texte grec par M. Charles de Rémondange, Mâcon, Émile Protat, 1874. Pour une édition récente : Athanase d’Alexandrie, Vie d’Antoine (G. J. M. Bartelink éd.), Paris, Les éditions du Cerf, 1994, pp. 369-371. |
4↑ | Pope-Hennessy, 1956, p. 366. |
5↑ | Keith Christiansen, Laurence B. Kanter, Carl Brandon Strelke, Painting in Renaissance. Siena (catalogue d’exposition). New-York, The Metropolitan Museum of Art, 1988, p. 125. |
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