Bocca degli Abati

Bocca degli Abati (… – av. 1300) : noble florentin membre de la faction gibeline. Il combattit parmi les Guelfes florentins lors de la bataille de Monteaperti (1260), et se trouve avoir été soupçonné d’être le personnage central d’une trahison de son camp. Lors de l’assaut des troupes allemandes de Manfred, il se trouvait dans les rangs de la cavalerie guelfe près de Jacopo de’ Pazzi, lequel brandissait l’étendard florentin en tête des rangs. Quelqu’un aurait alors coupé la main de ce dernier avec l’intention de faire tomber le drapeau. Bocca fut parmi les principaux suspects de cet acte de trahison qui mit la cavalerie des Guelfes en désarroi, ainsi privée de son gonfalon. Les troupes Guelfes qui purent échapper au massacre se retirèrent vaincues le 4 septembre 1260.

Bocca degli Abati, Guelphe avant la bataille, fut parmi les Gibelins qui revinrent victorieux à Florence après la bataille ; pourtant, après la revanche du parti guelfe, il fut simplement exilé (1266), signe qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour lui reprocher la trahison.

Traversant l’Antenora, la deuxième zone du neuvième cercle où sont punis les traîtres à la patrie, Dante se cogne le pied contre une tête dépassant de la glace (il écrit lui-même qu’il ne peut expliquer si c’est de sa propre volonté, celle du destin ou par une volonté divine), qui maudit et fait une brève référence à la vengeance de Montaperti. Ce qui a pour effet de le rendre suspect aux yeux de Dante : le poète demande à Virgile de l’attendre un moment, retourne vers le damné, l’invite à prononcer son nom. Devant son refus catégorique (les deux se livrent une véritable dispute), Dante devient violent et s’empare du damné par la peau du cou, menaçant de lui arracher les cheveux et sur un énième refus, lui en ôte plus d’une mèche. C’est alors qu’un autre damné trahit Bocca et révèle son nom à Dante.

Io avea già i capelli in mano avvolti,
e tratto glien’avea più d’una ciocca,
latrando lui con li occhi in giù raccolti,

quando un altro gridò : “Che hai tu, Bocca?
non ti basta sonar con le mascelle,
se tu non latri? qual diavol ti tocca?”.

“Omai”, diss’io, “non vo’ che più favelle,
malvagio traditor; ch’a la tua onta
io porterò di te vere novelle”.

Je tenais dans ma main ses cheveux enroulés,
dont j’avais arraché déjà plusieurs mèches,
et lui, il aboyait, les yeux à terre,

quand un autre cria : « Qu’as-tu donc, Bocca ?
claquer des mâchoires ne te suffit pas,
il faut que tu aboies ? quel démon te pique ? »

« A présent, je n’ai plus besoin que tu parles,
traître maudit », lui dis-je, « et à ta honte
je porterai là-haut de tes vraies nouvelles. » [1]Dante ALIGHIERI, La Divina Comédie (sous la direction de Carlo Ossola ; traduction de Jacqueline Risset), Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 2021, (Enfer, XXXII, 103-11, pp. 252-253).

Notes

Notes
1 Dante ALIGHIERI, La Divina Comédie (sous la direction de Carlo Ossola ; traduction de Jacqueline Risset), Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 2021, (Enfer, XXXII, 103-11, pp. 252-253).