
Giovanni di Paolo (actif à Sienne, vers 1400 – 1482)
Presentazione di Gesù al Tempio (Présentation de Jésus au Temple) ou Purificazione della Vergine (Purification de la Vierge) ou Pala (Retable) dei Pizzicaiuoli, vers 1447–65.
Tempéra et or sur panneau, 247 x 172 cm.
Inscriptions :
- (sur le phylactère porté par la prophétesse Anne) : « A[NNA PRO]FETISSA D[OMINI] » [1]« Anne, prophétesse de Dieu. »
Provenance : Église de l’Ospedale di Santa Maria alla Scala (autel de la Purification [2]L’autel de la Purification appartenait à l’Arte (ou Guilde) dei Pizzicaiuoli. « Qu’un retable exprimant une vénération aussi élaborée et, du point de vue ecclésiastique, prématurée pour Sainte Catherine ait été placé dans l’église de l’Ospedale n’a rien d’étonnant. Santa Maria della Scala avait été le théâtre de plusieurs de ses œuvres … Poursuivre), Sienne.
Sienne, Pinacoteca Nazionale.
La Présentation au Temple, sujet de la présente œuvre de Giovanni di Paolo, est une cérémonie prescrite par la Loi juive selon laquelle tout père de famille se trouve dans l’obligation de racheter à Dieu son premier enfant de sexe masculin si celui-ci ne lui est pas consacré [3]« Tout premier-né de sexe masculin sera consacré au Seigneur. » L’Evangile selon Luc ajoute : « Ils [Joseph et Marie] venaient aussi présenter en offrande le sacrifice prescrit par la loi du Seigneur : un couple de tourterelles ou deux petites colombes.» (Ex 13, 2 ; 11-13). La « loi du Seigneur » ici invoquée est celle qui exige … Poursuivre. Cette scène se double de celle de la Purification de la Vierge [4]L’explication de ce rituel se trouve dans la Légende Dorée : « La Purification eut lieu le quarantième jour après la Nativité du Seigneur […]. Le nom de Purification vient de ce que, quarante jours après la Nativité du Seigneur, la sainte Vierge vint au temple pour s’y faire purifier conformément à la coutume de la Loi. En effet, la loi du Lévitique avait … Poursuivre. En effet, les deux événements se déroulent le même jour selon la Loi Mosaïque.
La scène se passe à l’intérieur du Temple de Jérusalem, dont l’architecture semble épouser les contours d’un support au format paraissant fait pour lui. A l’intérieur de ce temple, dont la coupole évoque celle du dôme de la Cathédrale de Florence [5]Compte tenu de l’importance de l’événement, la construction de la coupole de la Cathédrale de Florence par Filippo Brunelleschi, eut un retentissement exceptionnel dans toute la Toscane et bien au-delà. Il n’est donc pas étonnant que l’on en trouve un écho dans ce panneau qui est contemporain de l’événement florentin., plusieurs personnages, parmi lesquels un prêtre en habit sacerdotal, sont affairés autour de l’autel au centre duquel brûle déjà la flamme purificatrice : celle-ci doit servir à l’holocauste [6]Un holocauste est, dans la Grèce antique, un sacrifice où l’offrande est entièrement consumée par le feu. rituellement prévu en cette circonstance.
Plus en avant, sur la gauche de l’autel, trois femmes assistent à la scène. L’une d’elle, Marie, tient à la main un tissu avec lequel elle s’apprête à envelopper l’Enfant Jésus qu’elle va reprendre des bras d’un vieillard.

Le texte de Luc nous apprend qu’il s’agit de Syméon [7]Syméon : personnage présent dans le seul Évangile selon Luc, il apparaît lors de la Présentation de Jésus au Temple. Averti par le Saint-Esprit qu’il ne mourrait pas avant d’avoir vu le Christ de ses propres yeux, il est venu au Temple spécialement. C’est à cette occasion qu’il chante un cantique d’action de grâce, le Nunc … Poursuivre. Dans un geste de respect, le vieux Syméon porte l’Enfant au creux d’un pli de son manteau, sans avoir avec lui aucun contact direct. Sous les deux arcades latérales du temple, deux autres personnages participent à la scène. A gauche, Joseph apporte les deux colombes destinées à être sacrifiées sur l’autel de l’holocauste. A droite, c’est la prophétesse Anne [8]La vieille prophétesse Anne apparaît dans Luc (Lc 2, 36-38) : « Il y avait aussi une prophétesse, Anne, fille de Phanouel, de la tribu d’Asher. Elle était fort avancée en âge. Après avoir, depuis sa virginité, vécu sept ans avec son mari, elle était restée veuve ; parvenue à l’âge de quatre-vingt-quatre ans, elle ne quittait pas le Temple, servant Dieu nuit et … Poursuivre tenant en main le long phylactère qui permet de l’identifier (« A[NNA PRO]FETISSA DOMINI »). Cinq personnages ne portent pas l’auréole des saints. Parmi eux figurent, bien entendu l’officiant. Les quatre autres pourraient être des témoins et des assistants du prêtre qui allumé la flamme de l’holocauste.
Le modèle de cette double scène (Présentation au Temple et Purification de la Vierge) est, de toute évidence, le grand retable peint pour l’autel de San Crescenzio [9]Voir : Ambrogio Lorenzetti, Presentazione di Gesù al tempio (Florence, Gallerie degli Uffizi) et annexe : Une scénographie perdue : les cinq retables démembrés de la Cathédrale., dans la Cathédrale de Sienne (aujourd’hui conservé au Musée des Offices de Florence, reproduction ci-dessous).

A quelques variantes près, Giovanni di Paolo reprend le modèle créé par Ambrogio Lorenzetti : ample architecture du Temple qui structure l’œuvre en trois parties, place et attitudes des personnages, profusion des éléments architectoniques et sculptés, dont le rôle est loin d’être seulement décoratif dans le retable d’Ambrogio. Tant était forte la marque laissée par le grand peintre du Trecento sur ses successeurs. Cependant, Giovanni di Paolo ajoute une touche personnelle en animant la scène par quantités de détails incidents tels que l’Enfant Jésus se débattant dans les bras de Siméon afin de manifester sa volonté de retourner dans ceux de sa Mère. La solennité qu’apportaient à la scène la noblesse des figures puissantes de Lorenzetti est sensiblement diminuée dans la version que donne Giovanni di Paolo, celle-ci reprend et développe néanmoins un goût pour les détails narratifs qui constitue l’une des caractéristiques de l’art siennois du XVe siècle, tout en le teintant d’une forme de gravité presque douloureuse, essentiellement véhiculée par les personnages peuplant la scène, qui est le propre du peintre.

Une copie autographe du présent panneau de la Présentation au Temple se trouve dans la même salle de la Pinacothèque.
Les compartiments dispersés du polyptyque des pizzicaiuoli
Le retable de Giovanni di Paolo a été commandé en 1447 pour l’autel de la chapelle des Recteurs de l’Université des Pizzicaiuoli de Sienne, d’où le nom de Pala dei Pizzicaiuoli (Retable des Pizzicaiuoli) sous lequel il est également connu.
Compte tenu de la nature de la commande dont le contrat est conservé, on sait avec certitude que le retable ne se limitait pas, si l’on peut dire, au seul panneau central. Celui-ci était accompagné de panneaux latéraux, ainsi que d’une prédelle dont la presque totalité des éléments a été retrouvée dans des collections publiques et privées, la plupart au-delà de l’Atlantique où elles sont aujourd’hui conservées. Grâce à une description manuscrite de l’abbé Carli, datant des débuts du XIXe siècle, et redécouverte par lui en 1947, Cesare Brandi a proposé une première hypothèse de reconstitution [10]Légende du schéma de reconstitution dû à Cesare Brandi : 1. Presentazione al Tempio (Siena, R. Pinacoteca). 2. S. Caterina dà la tunica al povero (Bruxelles, Coll. Stoclet). 3. Sposalizio mistico di S. Caterina (Bruxelles, Coll. Stoclet). 4. Stigmate di S. Caterina (perdu). 5. S. Caterina riceve … Poursuivre du retable (fig. 7).
Plusieurs autres hypothèses ont été formulées par la suite. En 1971, Henk W. van Os, se fondant sur une proposition de Gertrude Coor [11]Gertrude Coor, « Quattrocento Gemälde aus der Sammlung Ramboux », Waltraff-Richartz-Jahrbuch, XXI (1959), pp. 82-86., répartit la totalité des dix Scènes de la Vie de Catherine de Sienne, ainsi que la Crucifixion centrale, dans la prédelle (fig. 8), maintient quatre figures de saints dans les pilastres [12]Henk W, van Os attribue les quatre figures des saints siennois au peintre Pellegrino di Mariano., et donne une liste de l’ensemble mise à jour [13]La liste des compartiments donnée dans la légende du schéma de la reconstitution proposée par l’historien de l’art néerlandais est la suivante : St. Catherine Invested with the Dominican Habit, a Girdle and Lilies by SS. Dominic, Augustine and Francis. Cleveland, Cleveland Museum of Art Mystic Marriage of St. Catherine. New York, Dr. R. Heinemann Collection. St. Catherine … Poursuivre
Les panneaux latéraux et la prédelle ont probablement été ajoutés au retable préexistant lorsque Catherine de Sienne a été canonisée par le pape siennois Pie II, en 1461. Le polyptyque été a été démembré à une époque imprécise, et les différents compartiments éparpillés à cette occasion. Ces derniers représentent des épisodes de la vie de Catherine de Sienne [14]Au XIXe siècle, ces dix panneaux ont fait partie de la collection du peintre nazaréen Johann Anton Ramboux, l’un des plus importants collectionneurs et copistes de l’art dit « primitif » italien.. Aujourd’hui, il ne reste qu’un seul de ces précieux petits tableaux en Europe. La source écrite de ces différentes scènes se trouve dans la biographie de la sainte écrite en 1385 par son propre confesseur, Raymond de Capoue, à son tour béatifié par l’Église. L’ensemble des différents panneaux constitue le premier cycle pictural consacré à la vie de Catherine de Sienne. À ce propos, H. W. van Os observe « qu’un retable exprimant une vénération aussi élaborée et, du point de vue ecclésiastique, aussi prématurée pour Sainte Catherine ait été placé dans l’église de l’Ospedale n’a rien d’étonnant. Santa Maria della Scala avait été le théâtre de plusieurs de ses œuvres caritatives. » [15]H. W. van Os, « Giovanni di Paolo’s Pizzicaiuolo Altarpiece », The Art Bulletin, vol. 53, no. 3 (Sept. 1971), p. 297, JSTOR, https://www.jstor.org/stable/3048863. Aujourd’hui éparpillés, ces panneaux sont principalement conservés outre Atlantique (voir ci-dessous). Par comparaison avec la liste donnée par Cesare Brandi, on pourra observer un nombre significatif de mouvements, de pertes ou, au contraire, de redécouvertes, dus aux ventes, aux prêts, voire au dépôt de ces œuvres dans les musées depuis 1947. Compte tenu des incertitudes qui subsistent au sujet de l’agencement des panneaux au sein du retable, ces derniers sont présentés en fonction de leur format.
Le panneau central :
- Presentazione al Tempio. Sienne, Pinacoteca Nazionale (objet de la présente note).
Les six panneaux de format carré :
- Saint Catherine of Siena and the Beggar. Cleveland, The Cleveland Museum of Arts.
- The Mystic Marriage of Saint Catherine of Siena. New York, Metropolitan Museum of Art.
- Saint Catherine of Siena Receiving the Stigmata. New York, The Metropolitan Museum of Art.
- St. Catherine of Siena before the Pope at Avignon. Madrid, Museo Nacional Thyssen-Bornemisza.
- Saint Catherine of Siena dictating her Dialogues to the blessed Raimondo da Capua. Detroit, Institute of Art.
- The Death of Saint Catherine of Siena. Collection privée.
Les cinq panneaux rectangulaires (les dimensions du compartiment central sont plus importantes) :
- Saint Catherine Invested with the Dominican Habit. Cleveland, The Cleveland Museum of Arts.
- Saint Catherine of Siena Exchanging Her Heart with Christ. New York, The Metropolitan Museum of Art.
- Crocifissione di Gesù. Amsterdam, Rijksmuseum (dépôt du Rijksmuseum Het Catharijneconvent, Utrecht).
- Saint Catherine of Siena Beseeching Christ to Resuscitate Her Mother. New York, The Metropolitan Museum of Art.
- The Miraculous Communion of Saint Catherine of Siena. New York, The Metropolitan Museum of Art.
Les six panneaux verticaux oblongs des pilastres :
- San Galgano. Utrecht, Aartbischoppilijk Museum.
- Santa Caterina da Siena. Collection privée.
- Blessed Ambrogio Sansedoni. New York, The Metropolitan Museum of Art, The Robert Lehman Collection.
- Blessed Peter of Siena. Utrecht, Aartbischoppilijk Museum.
- San Bernardino (perdu)
- Blessed Andrea Gallerani. New York, The Metropolitan Museum of Art, The Robert Lehman Collection.
Les deux panneaux rectangulaires des extrémités de la prédelle, ou base des pilastres sont perdus, en supposant qu’ils aient jamais existé.
Notes
1↑ | « Anne, prophétesse de Dieu. » |
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2↑ | L’autel de la Purification appartenait à l’Arte (ou Guilde) dei Pizzicaiuoli. « Qu’un retable exprimant une vénération aussi élaborée et, du point de vue ecclésiastique, prématurée pour Sainte Catherine ait été placé dans l’église de l’Ospedale n’a rien d’étonnant. Santa Maria della Scala avait été le théâtre de plusieurs de ses œuvres caritatives. » H. W. VAN OS, « Giovanni di Paolo’s Pizzicaiuolo Altarpiece », The Art Bulletin, Vol. 53, No. 3 (Sep., 1971), pp. 289-302. |
3↑ | « Tout premier-né de sexe masculin sera consacré au Seigneur. » L’Evangile selon Luc ajoute : « Ils [Joseph et Marie] venaient aussi présenter en offrande le sacrifice prescrit par la loi du Seigneur : un couple de tourterelles ou deux petites colombes.» (Ex 13, 2 ; 11-13). La « loi du Seigneur » ici invoquée est celle qui exige l’offrande de deux tourterelles lors de la cérémonie de la Purification (voir note 4). |
4↑ | L’explication de ce rituel se trouve dans la Légende Dorée : « La Purification eut lieu le quarantième jour après la Nativité du Seigneur […]. Le nom de Purification vient de ce que, quarante jours après la Nativité du Seigneur, la sainte Vierge vint au temple pour s’y faire purifier conformément à la coutume de la Loi. En effet, la loi du Lévitique avait décrété qu’une femme qui avait reçu la semence et enfanté un fils était impure pendant sept jours, « impure » c’est-à-dire exclue à la fois de la fréquentation des hommes et de l’entrée du temple. Une fois passés ces sept jours, elle devenait à nouveau pure pour la société des hommes, mais demeurait cependant impure pour l’entrée au temple, qui lui était interdite pendant trente-trois jours. Enfin, ces quarante jours achevés, elle entrait dans le temple et offrait son enfant avec des présents. Si son enfant était du sexe féminin, le nombre de jours était doublé, pour la fréquentation des hommes et pour l’entrée du temple ». Jacques de Voragine, La Légende dorée, chap. 37, Paris, Gallimard (Edition de La Pléiade), 2004, p. 191). |
5↑ | Compte tenu de l’importance de l’événement, la construction de la coupole de la Cathédrale de Florence par Filippo Brunelleschi, eut un retentissement exceptionnel dans toute la Toscane et bien au-delà. Il n’est donc pas étonnant que l’on en trouve un écho dans ce panneau qui est contemporain de l’événement florentin. |
6↑ | Un holocauste est, dans la Grèce antique, un sacrifice où l’offrande est entièrement consumée par le feu. |
7↑ | Syméon : personnage présent dans le seul Évangile selon Luc, il apparaît lors de la Présentation de Jésus au Temple. Averti par le Saint-Esprit qu’il ne mourrait pas avant d’avoir vu le Christ de ses propres yeux, il est venu au Temple spécialement. C’est à cette occasion qu’il chante un cantique d’action de grâce, le Nunc dimittis, et annonce à Marie qu’elle connaîtra la souffrance (« Voici, cet enfant est destiné à amener la chute et le relèvement de plusieurs en Israël, et à devenir un signe qui provoquera la contradiction, et à toi-même une épée te transpercera l’âme. » (Luc, 2, 34-35). |
8↑ | La vieille prophétesse Anne apparaît dans Luc (Lc 2, 36-38) : « Il y avait aussi une prophétesse, Anne, fille de Phanouel, de la tribu d’Asher. Elle était fort avancée en âge. Après avoir, depuis sa virginité, vécu sept ans avec son mari, elle était restée veuve ; parvenue à l’âge de quatre-vingt-quatre ans, elle ne quittait pas le Temple, servant Dieu nuit et jour dans le jeûne et la prière. Survenant au même moment, elle se mit à louer Dieu et à parler de l’enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem. » |
9↑ | Voir : Ambrogio Lorenzetti, Presentazione di Gesù al tempio (Florence, Gallerie degli Uffizi) et annexe : Une scénographie perdue : les cinq retables démembrés de la Cathédrale. |
10↑ | Légende du schéma de reconstitution dû à Cesare Brandi :
|
11↑ | Gertrude Coor, « Quattrocento Gemälde aus der Sammlung Ramboux », Waltraff-Richartz-Jahrbuch, XXI (1959), pp. 82-86. |
12↑ | Henk W, van Os attribue les quatre figures des saints siennois au peintre Pellegrino di Mariano. |
13↑ | La liste des compartiments donnée dans la légende du schéma de la reconstitution proposée par l’historien de l’art néerlandais est la suivante :
|
14↑ | Au XIXe siècle, ces dix panneaux ont fait partie de la collection du peintre nazaréen Johann Anton Ramboux, l’un des plus importants collectionneurs et copistes de l’art dit « primitif » italien. |
15↑ | H. W. van Os, « Giovanni di Paolo’s Pizzicaiuolo Altarpiece », The Art Bulletin, vol. 53, no. 3 (Sept. 1971), p. 297, JSTOR, https://www.jstor.org/stable/3048863 |