Dietisalvi di Speme, “La Madonna del Voto”

Dietisalvi di Speme (actif à Sienne de 1250 à 1291)

Madonna col bambino, detta Madonna del Voto (Vierge à l’Enfant dite la Vierge du vœu), vers 1267.

Tempera sur panneau, 112 x 82 cm.

Provenance : Ancien autel de San Bonifacio dans le collatéral droit de la Cathédrale ; puis ancienne chapelle de la Madonna delle Grazie).

Sienne, Cathédrale, Cappella del Voto (Chapelle du vœu).

Selon une tradition ancienne, le peuple de Sienne aurait formulé le vœu de consacrer la ville à Marie devant ce panneau attribué à Dietisalvi di Speme, avant la bataille de Montaperti (1260) au cours de laquelle les Siennois vainquirent les troupes florentines pourtant supérieures en nombre, portant ainsi la ville au sommet de sa gloire.

En réalité, le vœu fut prononcé devant une autre image, celle de La Vierge à l’Enfant sur un trône, connue sous le nom de Madonna degli Occhi Grossi, l’un des plus anciens panneaux de l’école siennoise, réalisé vers la fin du XIIIe siècle par le ‘Maestro di Tressa’, actuellement conservée au Museo dell’Opera de la Cathédrale. La commande du dossale dont provient la Madonne du Vœu a été effectuée en 1262 [1]Silvia Giorgi, “Il dossale di San Bonifazio in onore della vittoria di Montaperti, dans Le pitture del Duomo di Siena. Cinisello Balsamo, Silvana Editoriale, 2008, p. 39., deux ans après la bataille de Montaperti, pour en célébrer la victoire. Le titre de Madonna del Voto (Madone du Vœu) ne lui a été donné qu’en 1631, au cours d’une messe votive de remerciement pour la fin de la peste de l’année précédente. En 1662, elle fut définitivement installée sur l’autel de la nouvelle chapelle de l’Immaculée Conception (aujourd’hui appelée Chapelle du Vœu) érigée à la demande du pape Alexandre VII à l’emplacement de l’ancienne Porte du Pardon (Porta del Perdono).

L’œuvre, qui constituait, à l’origine, la partie centrale d’un dossale peint pour l’autel de San Bonifacio, à l’intérieur de la Cathédrale, prenait la forme d’un dossal aux dimensions exceptionnelles, comportant, au centre, l’image de la Vierge et de l’Enfant, et de part et d’autre, quatre à six saints (parmi lesquels, en premier lieu, Boniface), fêtés le 2 septembre, date de la bataille de Montaperti [2]Voir ci-dessous : Hypothèses de reconstitution du Dossale de San Bonifacio.. Le dossal a été scié en 1455, lorsque la vénération suscitée par l’image fut devenue telle qu’il devînt nécessaire de la porter en procession lors des grandes occasions, et aussi pour pouvoir intégrer l’autel de la nouvelle chapelle de la Madonna delle Grazie (Notre-Dame des Grâces) au milieu du XVe s.

Le fait qu’elle soit parvenue jusqu’à nous doit sans doute beaucoup au fait qu’il s’agisse, dans sa version fragmentaire, d’une œuvre réduite à l’état “d’icône vénérée” [3]GUERRINI 2003, p. 107. La Madone devant pouvoir être portée en procession, les exigences liées au culte ont conduit, en 1455, à scier le support et à éliminer les parties latérales et celles de la prédelle qui avait été ajoutée en 1400 au dossale d’origine par Francesco et Andrea Vanni (voir Sylvia Giorgi, “Dietisalvi di Speme”, in Duccio. Alle origini della … Poursuivre, aujourd’hui enchâssée dans un lourd retable de bois sculpté et peint, parfaitement baroque et de goût romain, datant du XVIIe siècle. Elle représente la Vierge portant sur ses genoux son Fils divin. Le modèle demeure celui, typiquement byzantin, de l’odigitria : Marie présente au spectateur l’Enfant d’un geste de la main. Celui-ci effectue un geste de bénédiction et tient dans la main le rouleau qui l’identifie comme le Sauveur depuis l’épisode de sa venue dans la synagogue pour y enseigner le jour du sabbat (Luc 4, 16-30).

La Vierge et l’Enfant coiffés de leurs couronnes respectives.

Quasiment invisible dans la pénombre de la chapelle, l’image le devient totalement … lorsque les lumières sont allumées : elle disparaît alors complètement derrière les différentes figures venus se refléter sur le panneau de verre qui lui sert de protection. Après quelques instants d’accommodation, on peut néanmoins constater qu’elle est affublée, comme d’ailleurs son Fils, qu’elle porte sur les genoux, d’une lourde couronne de métal argenté complètement disproportionnée, sous le poids de laquelle il semble que soit dû le fléchissement de sa tête, comme cela est presque toujours le cas lorsque ce type d’attirail est surajouté pour complaire à la candeur populaire.

Tous les ans, le jour du Palio du mois d’août (celui-ci est dédié à la Madonna Assunta, la Vierge de l’Assomption), l’icône sacrée est extraite de son cadre baroque et installée sur le maître-autel de la Cathédrale, lieu où se rendent la contrade victorieuse et ses habitants, enflammés de ferveur et de passion, venus lui rendre un hommage reconnaissant. C’est un moment très particulier au cours duquel, après que les hurlements provoqués par la joie d’une foule emportée aient cédé la place au plus profond silence, retentit un Salve Regina chanté à tue-tête par la multitude soudain à l’unisson. C’est, sans aucun doute, l’instant où l’on est étreint d’une émotion des plus fortes parmi celles éprouvées en ce jour de fête.

Hypothèse de reconstitution du « Dossale de San Bonifacio »

La présence de ce dossale dans la chapelle de San Bonificacio est documentée par un inventaire de la Cathédrale datant de 1420. L’hypothèse ci-dessous a été formulée par Sylvia Giorgi [4]Silvia Giorgi, “Il dossale di San Bonifazio in onore della vittoria di Montaperti, dans Le pitture del Duomo di Siena. Cinisello Balsamo, Silvana Editoriale, 2008, pp. 36-45..

  • A. Dossale à un gâble de Dietisalvi di Speme [5]L’attribution à Dietisalvi di Speme (peintre documenté à Sienne de 1250 à 1291 et auteur certain de quatre tablettes de Biccherna parvenues jusqu’à nous) a été avancée récemment par Luciano Bellosi. C’est aujourd’hui l’attribution la plus fréquemment admise, plutôt qu’à Guido da Siena comme ce fut le cas jusqu’à la fin du siècle dernier.
    • a. Saints dont le jour de fête correspond à celui d’une victoire obtenue par Sienne
    • b. Saint Boniface, dont le jour de fête correspond à celui de la victoire a la bataille de Montaperti (4 septembre 1260)
  • B. Prédelle d’Andrea Vanni (ajoutée avant le début du XVe s.)
    • c. Histoire de saint Boniface
    • d. Mariage de la Vierge
Hypothèse de reconstitution du dossale de Badia Ardenga avec ou sans la Madonna col Bambino
  • Voir lien ci-dessus. L’hypothèse de reconstitution du dossale incluant la Madonna del Voto a été formulée par Holger Manzke.
  • James H. Stubblebine, « An Altarpiece by Guido da Siena », dans The Art Bulletin Vol. 41, No. 3 (Sep., 1959), pp. 260-268 (13 pages)

Notes

Notes
1 Silvia Giorgi, “Il dossale di San Bonifazio in onore della vittoria di Montaperti, dans Le pitture del Duomo di Siena. Cinisello Balsamo, Silvana Editoriale, 2008, p. 39.
2 Voir ci-dessous : Hypothèses de reconstitution du Dossale de San Bonifacio.
3 GUERRINI 2003, p. 107. La Madone devant pouvoir être portée en procession, les exigences liées au culte ont conduit, en 1455, à scier le support et à éliminer les parties latérales et celles de la prédelle qui avait été ajoutée en 1400 au dossale d’origine par Francesco et Andrea Vanni (voir Sylvia Giorgi, “Dietisalvi di Speme”, in Duccio. Alle origini della pittura senese, catalogo della mostra [Siena 2003-2004], Silvana, Milano, 2003, p. 54).
4 Silvia Giorgi, “Il dossale di San Bonifazio in onore della vittoria di Montaperti, dans Le pitture del Duomo di Siena. Cinisello Balsamo, Silvana Editoriale, 2008, pp. 36-45.
5 L’attribution à Dietisalvi di Speme (peintre documenté à Sienne de 1250 à 1291 et auteur certain de quatre tablettes de Biccherna parvenues jusqu’à nous) a été avancée récemment par Luciano Bellosi. C’est aujourd’hui l’attribution la plus fréquemment admise, plutôt qu’à Guido da Siena comme ce fut le cas jusqu’à la fin du siècle dernier.

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