Domenico Beccafumi, « Artemisia »

Domenico di Giacomo di Pace, ditMecarinoou Domenico Beccafumi (Sovicille, v. 1484 ca. – Sienne, 1551)

Artemisia (Artémise), 1506-1507.

Possible élément de la tête d’un lit provenant d’une chambre noble, huile sur panneau, 77,1 x 43,5 cm.

Provenance inconnue.

Sienne, Palazzo Chigi Saracini, Collection Chigi-Saracini.

La figure d’Artémise [1]La figure centrale de la triade d’héroïne a longtemps été considérée comme celle de princesse Carthaginoise Sophonisbe (Carthage, 235 av. J.-C. – Cirta, 203 av. J.-C), reine de Numidie et épouse de Syphax, roi berbère de Numidie, puis de Massinissa, ennemi et vainqueur de ce dernier. Syphax est capturé par Massinissa qui, secondé par Caius … Poursuivre, modèle d’un « amour légitime qui [mérite] d’être [considéré} avec le plus profond respect », est la seconde d’une série de trois peintures parmi les plus anciennes réalisées sur le thème de la fidélité dans le mariage. Les trois héroïnes antiques qui en sont le symbole sont respectivement Judith, la présente Artémise et Cléopâtre.

La reine Artemise est mentionnée dans le Livre quatrième des Faits et dits mémorables. Après avoir évoqué certains « tableaux d’un amour légitime qui méritent d’être considérés avec le plus profond respect », et fait « voir les effets d’une fidélité conjugale solide et inébranlable, exemples difficiles à imiter, mais toujours utiles à connaître, car en voyant réalisée dans autrui la plus haute perfection, l’on doit rougir de ne pas s’élever même à la vertu moyenne », Valère Maxime, non sans se justifier de puiser cet exemple pris hors de Rome [2]« […] la bonne foi romaine m’invite à raconter aussi les belles actions des étrangers. », cite Artemise parmi les modèles de l’amour conjugal :

« La reine de Carie, Artémise, eut le plus vif chagrin de la perte de son mari. Toute preuve de l’intensité de ses regrets serait faible après les honneurs de toute sorte qu’elle rendit à sa mémoire et la construction du monument que sa magnificence fit mettre au rang des sept merveilles. Mais à quoi bon énumérer ces honneurs et parler de ce fameux tombeau ? Ne voulut-elle pas devenir elle-même le tombeau vivant et animé de Mausole, à en croire les témoignages selon lesquels, après la mort de son époux, elle en but les cendres mêlées dans un breuvage ? » [3]« Sunt et alienigeni amores iusti obscuritate ignorantiae non obruti, e quibus paucos attigisse satis erit. gentis Cariae regina Artemisia virum suum Mausolum fato absumptum quantopere desiderauerit leve est post conquisitorum omnis generis honorum monumentique usque ad vii miracula provecti magnificentiam argumentari: quid enim aut eos colligas aut de illo inclito tumulto loquare, cum ipsa … Poursuivre

Beccafumi représente l’instant précis où la reine, debout dans un paysage paisible baigné d’une atmosphère que des vapeurs légères teintent de mélancolie, le regard droit sur le spectateur, saupoudre un peu des cendres de Mausole, son époux, dans le gobelet d’or qu’elle a inondé de ses larmes avant de le porter à sa bouche. L’élégance précieuse de la silhouette de l’héroïne, mise en valeur par les voiles diaphanes qui soulignent en la dissimulant la beauté de ses formes féminines, de même que son visage éclairé par un indéfinissable sourire au moment même où elle s’apprête à devenir « le tombeau vivant » de son époux, viennent adoucir la scène et transcender le drame pour n’en conserver que la dimension allégorique.

Notes

Notes
1 La figure centrale de la triade d’héroïne a longtemps été considérée comme celle de princesse Carthaginoise Sophonisbe (Carthage, 235 av. J.-C. – Cirta, 203 av. J.-C), reine de Numidie et épouse de Syphax, roi berbère de Numidie, puis de Massinissa, ennemi et vainqueur de ce dernier. Syphax est capturé par Massinissa qui, secondé par Caius Lælius, s’empare de Cirta. Il y retrouve Sophonisbe. Les auteurs anciens précisent qu’elle le supplie de ne pas la livrer aux Romains. Massinissa décide de l’épouser sur-le-champ et le mariage est célébré le soir-même. Mais Scipion désapprouve cette union, craignant que Massinissa ne se détourne de l’alliance romaine au profit de Carthage. De plus, la reine est considérée comme propriété du peuple romain. Alors qu’elle doit finalement subir le sort des vaincus et être emmenée à Rome pour figurer au triomphe de Scipion, Sophonisbe préfère la mort plutôt que de subir le déshonneur de tomber aux mains de ses ennemis, et s’empoisonne.
2 « […] la bonne foi romaine m’invite à raconter aussi les belles actions des étrangers. »
3 « Sunt et alienigeni amores iusti obscuritate ignorantiae non obruti, e quibus paucos attigisse satis erit. gentis Cariae regina Artemisia virum suum Mausolum fato absumptum quantopere desiderauerit leve est post conquisitorum omnis generis honorum monumentique usque ad vii miracula provecti magnificentiam argumentari: quid enim aut eos colligas aut de illo inclito tumulto loquare, cum ipsa Mausoli vivum ac spirans sepulcrum fieri concupierit eorum testimonio, qui illam extincti ossa potioni aspersa bibisse tradunt ? » Valère Maxime, Factorum et dictorum memorabilium libri (4, 6, ext. 1). Voir : Marilena CACIORGNA, Roberto GUERRINI, La Virtù figurata. Eroi ed eroine dell’antichità nell’arte senese tra Medioevo e Rinascimento, Sienne, Protagon Editori Toscani-Fondazione Monte dei Paschi di Siena, 2003.

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