L’Ospedale di Santa Maria della Scala

La légende attribue la fondation de l’hôpital de Sienne à un modeste cordonnier du nom de Sorore, qui à la fin du IXe siècle aurait logé des pèlerins dans une petite maison située en face de la Cathédrale. Son œuvre de charité évoluera ensuite vers un centre de soins pour malades. L’ensemble deviendra rapidement un véritable hôpital et un orphelinat. Le titre “della Scala” dérive du fait que l’hôpital a été placé devant les marches de la cathédrale. L’institution s’est ensuite développée en englobant l’église Santa Maria Annunziata et en agrandissant les locaux, occupant tout  l’espace face à la façade de la Cathédrale.

En réalité, L’Opus pietatis fut institué par les chanoines de la cathédrale en 1090 avec pour finalités la bienfaisance et l’assistance aux pauvres, aux malades et aux pèlerins. Dans le plus ancien statut de l’Ospedale connu (1257), il est fait référence à l’action de quelques laïcs, venus en renfort des chanoines pour prendre en charge les actions de charité organisées par l’institution afin de soutenir les enfants abandonnés. L’activité de l’hôpital était particulièrement importante en temps de peste, de guerre ou de famine.

LE RECTEUR

Un Recteur, nommé à vie par le chapitre et confirmé par l’évêque et les chanoines, dirigeait l’hôpital. Il était secondé par un vicaire et présidait un chapitre général composé de 15 à 20 membres. Un camerlingue rédigeait le bilan semestriel de l’institution, des médecins et infirmiers s’occupaient des malades, les oblats administraient les biens qui devaient être inspectés deux fois par an. 

Le Recteur devait transmettre tous ses biens à l’hôpital. Cette obligation, qui a perduré jusqu’à la fin du XIVe siècle, et sur une base de volontariat par la suite, a permis la constitution d’un patrimoine important, le Recteur venant généralement de la classe des citoyens les plus riches. Si l’on ajoute les divers privilèges acquis par l’institution (legs et donations, versements d’argent, ventes d’indulgences…), on comprend l’importance du patrimoine constitué au fil des ans. Les calculs ont montré qu’à la fin du Trecento, les possessions de l’hôpital portaient sur un tiers du territoire de l’état siennois. On y trouvait de riches pâturages de la Maremme, ainsi que de nombreuses grance (sortes de fermes fortifiées), comme celles de Sant’Angelo in Colle, Camigliano, Castellucio, Cuna, San Giusto, Grosseto, Sasso, Serre, Spedaletto, …

À partir de 1404, la nomination du recteur devient définitivement la prérogative des institutions de l’État de Sienne ; l’autonomie de l’hôpital devient alors purement interne. Avec la chute de la République siennoise, le contrôle de l’institution passe aux grands-ducs de Toscane. À la suite d’un accord avec la Faculté de médecine de l’Université de Sienne, en 1886, l’hôpital Santa Maria della Scala est devenu une polyclinique universitaire demeurée en activité jusqu’en 1995. À partir de cette date, l’établissement a changé de vocation, devenant progressivement un complexe muséal de première importance, et soucieux de mettre en valeur son extraordinaire patrimoine culturel.

LES OBLATS

C’est surtout le système des oblations qui a fait la fortune de l’institution. En 1195, une bulle papale a reconnu l’Ordre des Oblats de Sainte Marie, laïcs (hommes ou femmes) appartenant à un ordre semi-séculier dérivant de la règle augustinienne. L’Ordre était autonome vis-à-vis du pouvoir communal et de l’évêque. Les oblats et les oblates dédiaient leur vie à l’institution et faisaient partie du personnel d’assistance de l’hôpital. Ils endossaient un vêtement spécial marqué du seau de la Scala (une échelle), promettaient de ne pas se marier et juraient obéissance au Recteur. Et surtout, ils léguaient de leur vivant l’intégralité de leur patrimoine à l’hôpital. Ils conservaient toutefois l’usufruit des biens mais renonçaient à toute possibilité de procès pour tenter de les récupérer. Ce n’est donc pas par hasard que les candidats étaient choisis parmi les siennois les plus riches. 

LES « TROVATELLI » OU « GETTATELLI »

L’hôpital a dès l’origine entrepris des actions sociales envers les enfants orphelins ou abandonnés. Les enfants étaient soignés, nourris, éduqués et instruits par les clercs de l’église. À partir de douze ans, les jeunes filles se consacraient à des travaux manuels, principalement de tissage, et les jeunes garçons travaillaient aux dépendances de l’hôpital ou auprès d’artisans pour apprendre un métier. Tous avaient le statut d’« enfants de l’hôpital », identifiable à un tatouage pratiqué sous la plante des pieds, et représentant une petite échelle marquée « della Scala ». À partir de dix-huit ans, les garçons recevaient une somme d’argent et quittaient l’hôpital pour travailler, les jeunes filles recevaient une dot et pouvaient ainsi se marier.