Taddeo di Bartolo (Sienne, vers 1362 – 1422)
Annunciazione tra i santi Cosma e Damiano (Annonciation avec les saints Côme et Damien), daté 1409, et signé.
Tempéra et or sur panneau, 254 x 202 cm.
Inscriptions :
- (entre Gabriel et Marie) : « AVE GRATIA PLEN/A DOMINUS TECUM” [1]Salutation angélique tirée de l’évangile selon Saint Luc (Lc. 1, 28).
- (sur le cadre) : « [TAD]DEUS BARTOLI DE SENIS PINXIT HOC OPUS ANNI MILLE QUATTROCENTO NOVE” [2]Cet étrange mélange de latin et d’italien signifie : « Taddeo di Bartolo de Sienne peignit cette œuvre en l’année mille quatre centre neuf ».
- (en bas, devenue difficilement lisible) : « Questa [ta]vola fece fare Mariano di Pavolo de Rosso” [3]« Questa [ta]vola fece fare Mariano di Pavolo de Rosso » : « Mariano di Paolo de Rosso a fait faire ce panneau ».
Provenance : Église abbatiale de San Michele al Poggio San Donato, connue sous le nom d’Abbadia San Donato ; Don de l’abbé Ciaccheri.
Sienne, Pinacoteca Nazionale.
Ainsi que l’indique Gail Elisabeth Solberg [4]SOLBERG 2020, p. 260., le retable de Taddeo di Bartolo provient de l’église abbatiale de San Michele al Poggio San Donato, également connue sous le nom d’Abbadia San Donato, une fondation de Vallombrosiens (ou Vallombrosans) datant d’environ 1100. Il est presque certain que le tableau se trouvait sur l’autel dédié à l’Annonciation où Monseigneur Bossio, lors d’une visite pastorale, en 1575, a vu une « icona de l’Annunziata ». La liste des œuvres d’art siennois établie en 1625-1626 par Fabio Chigi, futur pape Alexandre VII, inclut une « table de l’Annonciation de Taddeo di Bartolo [5]« […] la Tavola dell’Annunziata di Taddeo di Bartolo. » (Fabio Chigi, L’elenco delle pitture, sculture e architetture di Siena, compilate nel 1625-26 da mons. Fabio Chigi, poi Alessandro VII, secondo il ms. Chigiano I.I.ll. (1625-1626). Édit. Sienne, Stab. arti grafiche Lazzeri, 1939. » dans l’Abbaye de San Donato. Après 1682/83, l’église passa aux Carmes Déchaussées et fut transformée. Deux tableaux de Taddeo di Bartolo y ont été répertoriés une nouvelle fois en 1717, mais l’Annonciation disparaît en 1785, lorsque G. G. Della Valle écrit que l’abbé Giuseppe Ciaccheri a acquis une « tavola » de Taddeo di Bartolo représentant « l’Annunziata ». Della Valle a enregistre une inscription identique à celle que l’on peut lire sur le socle de l’œuvre maintenant exposée dans la Pinacothèque (voir note 2). Vers 1783, lors de la suppression des couvents, l’abbé Ciaccheri rassemble un ensemble de peintures provenant des églises siennoises, qui sont devenues le fond de collection de l’Istituto di Belle Arti, maintenant Pinacothèque nationale. Une liste d’œuvres datant de 1812 pour l’Istituto (L. De Angelis) enregistre une inscription supplémentaire, à peine lisible, sur le retable de l’Annonciation. Dans le sol sombre, sous la Madone et Gabriel, est écrit : « Questa [ta]vola fece fare Mariano di Pavolo de Rosso ».
Au sommet du retable est représentée la Dormition de la Vierge, que l’on voit, selon la règle, entourée des apôtres qu’elle a fait venir autour d’elle après avoir reçu, lors d’une seconde visite de l’Archange Gabriel, l’annonce de sa propre mort.
C’est précisément l’archange Gabriel que nous retrouvons, dans le panneau principal, agenouillé devant la Vierge pour la saluer d’un geste de la main droite. Il s’agit ici de l’Annonce à Marie de sa maternité miraculeuse. Dans l’autre main, il tient un rameau d’olivier qui remplace, dans ce contexte, le plus traditionnel attribut de la fleur de lys (les siennois répugnaient à l’utiliser du fait qu’il était également le symbole de la ville de Florence, l’ennemie ancestrale). Bien que représenté par son messager visible juste au-dessous, la figure de Dieu le Père, entouré de séraphins, adresse à Marie un geste de bénédiction tandis que la colombe du Saint Esprit plonge en direction de la Vierge. C’est l’instant de l’accomplissement du Mystère dont l’Archange prononce l’exposé à travers les paroles que nous pouvons lire, à défaut de les entendre nous aussi, dans l’intervalle séparant les deux interlocuteurs.
Sur les volets latéraux figurent les deux saints médecins Côme et Damien, respectivement patrons des chirurgiens et des pharmaciens, portant les attributs de leur profession. Martyrisés ensemble sous Dioclétien, au début du IVe siècle, on les qualifiait d’« anargyres [6]Epithète provenant du grec byzantin, qui signifie littéralement « sans argent ». » parce qu’ils n’acceptaient aucune rémunération de leurs services, et attirèrent ainsi un grand nombre de personnes vers la foi chrétienne. Nous l’avons vu précédemment [7]A propos de l’Adoration des bergers de Taddeo di Bartolo exposée dans la même salle., le petit panneau représentant la Crocifissione e lapidazione dei santi Cosma e Damiano, également de Taddeo di Bartolo, également dans les collections de la Pinacothèque mais non exposé actuellement (juin 2020) provient d’une prédelle aujourd’hui démembrée mais qui est documentée comme provenant du triptyque de l’Annonciation.
Partout dans les médaillons, la présence des Séraphins rappelle celle, invisible, du Dieu chrétien réputé omniprésent.
La composition du panneau central se souvient visiblement de l’Annonciation de Simone Martini (fig. ci-dessous), aujourd’hui au Musée des Offices (Florence), qui ornait à l’époque l’un des autels de la cathédrale de Sienne où Taddeo di Bartolo a eu de nombreuses occasions de la regarder. Cependant, elle est assez loin de posséder le souffle de celle de son prédécesseur. Outre la relative placidité de la Vierge dont l’attitude, qui trahit à peine la surprise, s’inspire de celle de Simone sans apparemment en avoir saisi la profonde originalité ni compris le drame qu’elle rend visible, les corps figurés sont devenus pesants et semblent à l’étroit dans un espace trop petit, comme contraints par la largeur d’un support de dimensions insuffisante pour les contenir sans les étouffer.

Les quatre éléments de la prédelle
Les quatre compartiments qui constituaient la prédelle du triptyque sont tous identifiés depuis la réapparition sur le marché de l’art (New-York, Christies, 2013) du panneau représentant les Saints Côme et Damien peu avant leur décapitation. Les trois autres appartiennent depuis le milieu du XIXe s. à la collection nationale siennoise : une Adoration des bergers, une Adoration des Mages sont actuellement exposés sur un autre mur de la même salle, à distance de la structure centrale, sans aucune raison autre, peut-être, que l’étroitesse de l’espace disponible. D’une manière très regrettable, le splendide Martyre de saints Côme et Damien est généralement dissimulé dans les réserves.
- Taddeo di Bartolo, Crocifissione e lapidazione dei santi Cosma e Damiano
- Taddeo di Bartolo, Adorazione dei pastori
- Taddeo di Bartolo, Adorazione dei magi
- Taddeo di Bartolo, Saints Cosmas and Damian awaiting decapitation. Marché de l’art (Christie’s, New-York, Renaissance, 30 janvier 2013, lot 103).
Reconstitution du retable

Les trois panneaux provenant de la prédelle du triptyque de l’Annunciazione (Annonciation), également de la main de Taddeo di Bartolo, occupaient les deux emplacements au centre [8]Les deux panneaux concernés sont eux aussi conservés dans la salle 11 de la Pinacothèque, à distance, cependant, des éléments centraux du polyptyque. ainsi que celui de gauche, qui n’est pas exposé.
Dans le catalogue de l’exposition de Perugia (2020), Gail Elisabeth Solberg juge possible que la scène représentant les Saints Côme et Damien dans l’attente de leur décapitation constitue le panneau de droite de la prédelle, faisant ainsi pendant à scène consacrée à La Crucifixion et la Lapidation des deux frères. Cependant, l’historienne de l’art, spécialiste de Taddeo, n’inclut pas le panneau dans son hypothèse de restitution de l’œuvre.
Le prolixe Jacques de Voragine (La Légende dorée) informe en détail son lecteur sur les conditions du martyre des deux frères. C’est lui qui précise qu’près avoir ordonné que les médecins soient torturés aux mains et aux pieds, jetés à la mer, placés dans un four et attachés à la grille, Lysias les fit crucifier et lapider. Le panneau de Sienne représentant proprement La Crucifixion et La Lapidation de Côme et Damien, montre les médecins attachés sur deux croix, tandis que les pierres lancées sur eux se retournent miraculeusement vers leurs agresseurs. Selon toute logique, le panneau de la Pinacothèque trouvait sa place sous l’un des deux saints latéraux, mais jusqu’à ce que le panneau représentant La décapitation soit révélé, il était difficile d’affirmer qu’il occupait le côté gauche de la prédelle, sous l’inscription du nom (« Sanctus Chosme ») lisible sous le saint représenté debout.
Notes
1↑ | Salutation angélique tirée de l’évangile selon Saint Luc (Lc. 1, 28). |
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2↑ | Cet étrange mélange de latin et d’italien signifie : « Taddeo di Bartolo de Sienne peignit cette œuvre en l’année mille quatre centre neuf ». |
3↑ | « Questa [ta]vola fece fare Mariano di Pavolo de Rosso » : « Mariano di Paolo de Rosso a fait faire ce panneau ». |
4↑ | SOLBERG 2020, p. 260. |
5↑ | « […] la Tavola dell’Annunziata di Taddeo di Bartolo. » (Fabio Chigi, L’elenco delle pitture, sculture e architetture di Siena, compilate nel 1625-26 da mons. Fabio Chigi, poi Alessandro VII, secondo il ms. Chigiano I.I.ll. (1625-1626). Édit. Sienne, Stab. arti grafiche Lazzeri, 1939. |
6↑ | Epithète provenant du grec byzantin, qui signifie littéralement « sans argent ». |
7↑ | A propos de l’Adoration des bergers de Taddeo di Bartolo exposée dans la même salle. |
8↑ | Les deux panneaux concernés sont eux aussi conservés dans la salle 11 de la Pinacothèque, à distance, cependant, des éléments centraux du polyptyque. |
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