
Salle d’Aristote (paroi nord-est)
Un parement feint, à l’imitation de plaques de marbres polychromes de format rectangulaire, enserrées dans un encadrement au relief tout aussi feint, s’étend sur la presque totalité de la superficie murale. Il se développe en hauteur sur cinq registres, la hauteur du registre le plus haut étant inférieure à celle des quatre autres.
Seul le registre supérieur se différencie du reste de la structure du décor. À cet emplacement, une frise, dont il demeure quelques traces, courait de bout en bout, en alternant, dans de petits arcs séparés par des consoles, différents écus frappés de blasons héraldiques [1]. Cette frise, aujourd’hui délabrée, se prolongeait sur les parois adjacentes.

À une hauteur d’environ un mètre cinquante, se trouve une unique surface historiée, de format circulaire (tondo) et d’un diamètre d’environ un mètre cinquante également. C’est ce format particulier qui vaut à l’ensemble l’appellation de roue (ruota). À l’intérieur de cette roue, se trouve un second système de cercles : huit tondi de petite taille entourent le neuvième, celui qui régit l’ensemble et que l’on voit au centre. Ce dernier comporte une représentation allégorique qui n’est pas fréquente dans l’art italien : le sujet est tiré du roman de Barlaam et Josaphat [2], narration dont la visée est avant tout philosophique et morale. Ce texte, célèbrissime au Moyen âge, vise à montrer le caractère fugace de la vie humaine et la vanité d’une vie mondaine dont la fascination conduirait nécessairement l’homme à sa damnation.
Une inscription endommagée figure dans le médaillon central des Vertus cardinales, que l’on peut voir sur le mur adjacent : elle rapporte que la Tempérance pleure les « agressions brutales de ses ‘fils‘, aux ‘âmes bestiales et aux cœurs pervers’, qui l’ont abandonnée ». Ce ne sont pourtant pas ces « fils » dépravés qui sont illustrés ici comme on aurait pu s’y attendre, mais huit souverains dont la réputation de certains était et demeure loin d’être considérée comme « vicieuse » : Absalon, Agamemnon, Phalaris, Néron, Pompée, Priam, Scipion Émilien et Cyrus, tous prennent place autour de la Roue de Barlaam figurée au centre, mais tous n’ont pas mérité le sort violent que leur ont réservé les aléas de l’histoire comme nous le verrons pour chacun d’eux. Ainsi, le meilleur des princes (Priam) ou des responsables républicains (Scipion Émilien) peut-il se trouver confronté à une mort hideuse, au gré des circonstances.
L’addition des formats circulaires (format caractéristique du mouvement) vient, par sa fluidité, à la manière d’un immense engrenage, illustrer et conforter l’idée du hasard comme détermination essentielle de la destinée humaine, non sans évoquer le principe des Roues de la Fortune dont le succès fut immense au Moyen âge, ou encore les grandes rosaces des cathédrales elles aussi appelées « rotae » (roues) à l’origine.
[1] Les blasons étaient accompagnés du nom de la famille à laquelle ils appartenaient, lesquelles étaient probablement celles des officiers qui exerçaient leurs fonction à l’intérieur du palais à l’époque où celui-ci avait les fonctions d’un palais communal.
[2] Arrivée en Europe en provenance de l’Inde, la légende médiévale des saints Barlaam et Josaphat se révèle être une version christianisée de la vie du Bouddha. Cette narration du voyage initiatique du prince Josaphat et sa rencontre avec l’ermite Barlaam, fut traduite dans une multitude de langues et bénéficia en Europe d’une immense popularité. Après avoir fait le tour du monde chrétien, elle retourna en Asie au XVIe siècle, grâce aux paradoxes de l’histoire, et par le biais des Jésuites portugais venus pour catéchiser les populations, qui en firent un récit prosélyte à l’adresse des bouddhistes japonais. Jacques de Voragine reprend également la légende des saints Barlaam et Josaphat dans la Légende dorée.
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