‘Maestro dell’Osservanza’, « Lamento della Vergine sul Cristo deposto, il donatore Peter Volckamer, San Sinibaldo. Pietà ‘ex Serristori’ »

Maestro dell’Osservanza’ (peintre ou groupe de peintres actif durant le second quart du XVe siècle, auquel est attribué un corpus d’œuvres réunies en 1942 par Alberto Graziani [1]Alberto Graziani, « Il Maestro dell’Osservanza (1942) », dans Propozioni, II, 1948, pp. 75-87 (réédité dans Proporzioni. Scritti e Lettere di Alberto Graziani, a cura di T. Graziani Longhi, 2 vol. Bologna, 1993 à partir de caractéristiques stylistiques communes ou approchantes)

Lamento della Vergine sul Cristo deposto, il donatore Peter Volckamer, San Sinibaldo. Pietà ‘ex Serristori’ (Lamentation de la Vierge sur le Christ déposé, le donateur Peter Volckamer, saint Sinibald. Pietà ‘ex Serristori’), v. 1432.

Tempéra et or sur panneau, 101 x 71 cm.

Inscriptions :

  • (sous la maquette de l’église porté par le saint) : « S(ANCTU)S SI(NI)BALDVS » [2]Sinibaldus : nom latin de saint Sebald.

Provenance : ancienne Collection Serristori, acquis par le Monte dei Paschi en 1974.

Sienne, Palazzo Salimbeni, collezione Monte dei Paschi di Siena. 

Cette œuvre, attribuée au ‘Maître de l’Observance’, constitue l’un des jalons importants dans les diverses tentatives visant à constituer un corpus d’œuvres cohérent. Elle est longuement évoquée par Enzo Carli dans un texte de 1958 [3]« […] il n’y a rien dans le panneau de la collection Serristori qui nous rappelle ni les fragments subsistants du retable de l’Arte della Lana, ni encore moins le retable de la Vierge de la Neige ou le Crucifix de Saint Martin ou le polyptyque de Cortone. Et comme le panneau n’a absolument pas pu être peint après le triptyque de l’Osservanza, qui nous offre le seul … Poursuivre. Longtemps appelée Pietà Serristori du fait de sa dernière provenance, elle représente la Déploration du Christ par la Vierge en présence d’un donateur et d’un saint. Au premier plan, le Christ, dont le corps raidi et les carnations verdâtres soulignent le fait que la vie l’a abondonné, repose sur les genoux de sa Mère. Soutenant délicatement la tête de Jésus, Marie vient peut-être d’essuyer le visage de celui-ci à l’aide du pan de son voile, qu’elle semble encore lui offrir, réitérant un geste souvent vu dans les scènes où elle porte l’Enfant sur son bras, comme s’il s’agissait, par cette symétrie gestuelle, de clore l’épisode de la vie terrestre du Christ.

Peter Volckamer, le donateur dont le nom a pu être retrouvé par Hans Martin von Erffa [4]Hans Martin von Erffa, « Der Nürnberger Stadtpatron Auf Italienischen Gemälden », Mitteilungen Des Kunsthistorischen Institutes in Florenz, vol. 20, no. 1, 1976, pp. 1–12. JSTOR, http://www.jstor.org/stable/27652389. Consulté le 19 Juin 2022.) a pu identifier le blason qui apparaît deux fois dans la partie inférieure du panneau comme étant celui de la famille Volckamer de … Poursuivre, accompagné par un saint franconien (?) du nom de Sébald [5]Sinibald ou Sébald (le nom Sebaldus, usuel en allemand, est lui-même une forme latinisée tardive du prénom allemand Siegbald, composé du vieil allemand sigu : victoire et bald : audacieux) : ermite et missionnaire, saint Patron de la ville de Nuremberg. Il est représenté comme un pèlerin, avec le bâton et le chapeau spécifiques, parfois orné de … Poursuivre, son intercesseur, est en adoration devant la scène de la Lamentation de la Vierge. A défaut d’une ressemblance certaine, les traits de son visage, sa barbe et sa chevelure blanches semblent manifester de la part du peintre un souci de singularisation né d’un contact, même indirect, avec son modèle. Volkamer est vêtu à la bourgeoise et porte une pelisse dont la doublure de fourrure n’apparaît que sur le rebord des deux crevés où il passe ses mains jointes entre lesquelles il serre un rosaire de couleur orangé vif. Se tenant debout à droite au second plan, saint Sébald, est coiffé du large chapeau de pèlerin orné de la coquille saint Jacques [6]La coquille saint Jacques indique que le porteur du chapeau a effectué le voyage de Compostelle. Il porte également le long bâton de marche et un rosaire d’une main, la maquette de son église de l’autre. Au pied de celle-ci est inscrit S. Sibaldus.

Le visage de Sébald possède des similitudes et une ressemblance frappantes avec celui du donateur présumé. Le souci caractériser les traits individuels de ce donateur agenouillé devant la Madone – et peint dans les mêmes dimensions qu’elle – fait de celui-ci un portrait, et l’un des premiers exemples de cet art dans la peinture italienne du XVe siècle, avec quelques autres tels celui, attribué à Pisanello, de l’empereur Sigismond (Vienne, Kunsthistorisches Museum). San Sinibaldo, quant à lui, est très rarement représenté dans la peinture italienne. Il en existe un second exemple, plus tardif, le San Sinibaldo peint par Sebastiano del Piombo vers 1508. Là encore, la relation avec Nuremberg est directe, l’église vénitienne de San Bartolomeo étant la paroisse du Fondaco dei Tedeschi voisin : la branche de Nuremberg y était patronne d’un autel dédié à San Sinibaldo immédiatement après sa canonisation en 1425. Dans les années situées autour de 1508, il y eut un fort renouveau du culte de saint Sébald en Franconie. On ne peut donc pas exclure que la porte d’orgue de Sebastiano del Piombo soit un don de marchands allemands, les mêmes pour qui Dürer a peint sa Rosenkranzfest, à la même époque et pour la même église.

Peter Volckhamer, qui était au service de l’empereur Sigismond, est mort à Sienne le 5 septembre 1432 : le panneau comportant le blason du donateur et, peut-être, celui de l’un fils venu en Italie à cette occasion [7]Hans Martin von Erffa, op. cit., pp. 1-12., est probablement une épitaphe. Les Arma Christi que constituent la croix représentée de manière strictement parallèle au plan du panneau, la lance du centurion, la canne à l’extrémité de laquelle est fixée l’éponge imbibée de vinaigre et le fouet, symbole de la Flagellation, accroché un clou planté dans la croix, viennent confirmer le caractère particulier de ce portrait, entre dévotion, commémoration et espoir d’intercession au moment de passer dans l’autre monde.

Les deux blasons de la famille Volckamer figurant au bas de l’œuvre sont des copies fidèles, aux couleurs près, des armoiries familliales [8]Hans Martin von Erffa, ibid, pp. 1–12. JSTOR, http://www.jstor.org/stable/27652389. Consulté le 19 Juin 2022.. Ces blasons ne comportent pas la couronne, insigne attribué à la famille le 6 novembre 1433 par l’empereur, ce qui constitue un terminus ante quem pour la datation de l’œuvre.

Notes

Notes
1 Alberto Graziani, « Il Maestro dell’Osservanza (1942) », dans Propozioni, II, 1948, pp. 75-87 (réédité dans Proporzioni. Scritti e Lettere di Alberto Graziani, a cura di T. Graziani Longhi, 2 vol. Bologna, 1993
2 Sinibaldus : nom latin de saint Sebald.
3 « […] il n’y a rien dans le panneau de la collection Serristori qui nous rappelle ni les fragments subsistants du retable de l’Arte della Lana, ni encore moins le retable de la Vierge de la Neige ou le Crucifix de Saint Martin ou le polyptyque de Cortone. Et comme le panneau n’a absolument pas pu être peint après le triptyque de l’Osservanza, qui nous offre le seul élément certain pour la chronologie du Maître, et qu’en outre son caractère de précocité, son absence de maturité et ce qu’il présente d’incertain, d’inachevé, doit le faire considérer comme datant de plusieurs années avant ce fatidique 1436, il semble donc permis de conclure que le « Maître de l’Osservanza », au moins dans ses tout premiers débuts, fut relativement indépendant de Sassetta. Il ne fut pas formé par lui, mais il fut tout au plus une sorte de condisciple ; il devait, comme lui, fréquenter le milieu gothique attardé de Florence, et tenter de greffer ces expériences raffinées sur le vieux tronc de la tradition siennoise. En effet, bien que les écussons et les devises que l’on voit à la base du tableau n’aient pas de correspondances – comme le remarque Brandi – ‘ne disons pas dans l’héraldique mais pas même dans la stylistique siennoise’, l’œuvre a néanmoins des caractères principalement siennois, de sorte qu’il n’est même pas nécessaire de la considérer comme inspirée (et c’est l’avis de Pope Hennessy) par quelque miniature française. Seulement, tandis que Sassetta, comme nous avons eu l’occasion de le remarquer, avait creusé en bon constructeur, jusqu’à trouver le terrain solide de la tradition siennoise chez Simone Martini et chez Lorenzetti, le ‘Maître de l’Osservanza’ semble s’être arrêté bien avant : pour le schéma de la composition, tout au moins, il n’avait pas besoin d’aller le chercher dans la miniature française, alors que la peinture siennoise de la deuxième moitié du Trecento était loin de manquer de semblables ‘Vesperlbilder’, au point qu’un savant fort distingué (Millard Meiss) a pu exhumer récemment, parmi les Maitres secondaires de cette période, jusqu’à un « Master of the Pietà ». Enzo Carli, Sassetta e il « Maestro dell’Osservanza ». Milan, 1958 (trad. fr. Sassetta et le Maître de l’Observance. Milan, Aldo Martello, 1958, pp. 93-94).
4 Hans Martin von Erffa, « Der Nürnberger Stadtpatron Auf Italienischen Gemälden », Mitteilungen Des Kunsthistorischen Institutes in Florenz, vol. 20, no. 1, 1976, pp. 1–12. JSTOR, http://www.jstor.org/stable/27652389. Consulté le 19 Juin 2022.) a pu identifier le blason qui apparaît deux fois dans la partie inférieure du panneau comme étant celui de la famille Volckamer de Nuremberg, découvrant ainsi le nom du donateur. Il s’agit du conseiller Peter Volckamer, né vers 1375, descendant d’une famille patricienne de Nuremberg, ultérieurement Volckamer von Kirchensittenbach. En tant que diplomate, il suivit le roi Sigismond lors de son voyage à Rome pour son couronnement en 1432, mourut à Sienne la même année, le 5 septembre, et fut inhumé dans la cathédrale de Sienne : le panneau faisait probablement partie d’une de ses épitaphes. Le cimier du casque des armoiries prouve que le tableau n’a pas pu être peint après le 6 novembre 1433, car ce jour-là l’empereur autorisa la famille Volckamer à y ajouter une couronne d’or.
5 Sinibald ou Sébald (le nom Sebaldus, usuel en allemand, est lui-même une forme latinisée tardive du prénom allemand Siegbald, composé du vieil allemand sigu : victoire et bald : audacieux) : ermite et missionnaire, saint Patron de la ville de Nuremberg. Il est représenté comme un pèlerin, avec le bâton et le chapeau spécifiques, parfois orné de la coquille Saint-Jacques, un rosaire à la main et portant la maquette de son église. De nombreuses légendes entourent sa vie, et il est crédité de divers miracles.
6 La coquille saint Jacques indique que le porteur du chapeau a effectué le voyage de Compostelle
7 Hans Martin von Erffa, op. cit., pp. 1-12.
8 Hans Martin von Erffa, ibid, pp. 1–12. JSTOR, http://www.jstor.org/stable/27652389. Consulté le 19 Juin 2022.