‘Maestro della Pietà’, « Sposalizio mistico di Santa Caterina d’Alessandria tra un Santo Vescovo, San Giovanni Battista, una Santa col Libro »

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‘Maestro della Pietà’ (peintre siennois actif pendant la seconde moitié du Trecento [XIVe s.])

Sposalizio mistico di Santa Caterina d’Alessandria tra un Santo Vescovo, San Giovanni Battista, una Santa col Libro (Mariage mystique de sainte Catherine de Sienne parmi un saint évêque, Jean Baptiste, une sainte portant le Livre)

Polyptyque, tempéra sur panneaux, 64 x 80 cm. (l’ensemble)

Inscriptions (sur la banderole de Jean Baptiste) : “ECCE ANGIUS”

Provenance : ?

Sienne, Pinacoteca Nazionale.

Dans le panneau de gauche, de haut en bas :

  • Le Rédempteur bénissant
  • La Prière au jardin des oliviers
  • La Flagellation

Panneau central :

  • Le Mariage mystique de sainte Catherine d’Alexandrie, entouré d’un saint évêque, de Jean Baptiste et d’une sainte portant le Livre (fig. 3)
  • dans la cuspide : Ange Annonciateur (fig. 5)

Panneau de droite :

  • Crucifixion (fig. 4)
  • dans la cuspide : Vierge de l’Annonciation (fig. 6)

La petite taille de ce triptyque invite à penser qu’il était destiné à une chapelle privée. Son charme particulier vient à la fois de son caractère éminemment précieux, accentué par la vivacité du coloris, la délicatesse du graphisme, l’attention portée aux détails et le raffinement de l’ornementation. Le charme de cette petite œuvre provient aussi de sa structure parfaitement inhabituelle.

L’agencement d’ensemble des trois panneaux présente une organisation particulièrement originale : au premier abord, le triptyque paraît dissymétrique. Il faut y regarder de près pour en percevoir la logique inédite.

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Le premier panneau, à gauche, comprend deux scènes superposées : la Flagellation (fig. 1) et la Prière au jardin des oliviers (fig. 2). Par sa position dans le triptyque, ce panneau fait pendant au troisième, celui de la Crucifixion (fig. 4). Ce dernier comporte une scène unique qui, cependant, et d’une certaine manière malgré les apparences, est construite selon un schéma qui l’apparente visuellement au premier panneau : la ligne horizontale formée par les têtes des personnages, toutes situées à la même hauteur, divise la hauteur totale en deux parties de hauteur équivalente, faisant ainsi écho, par le biais d’une symétrie discrète, à la composition équivalente du premier panneau.

Le premier panneau, présente une seconde originalité (à moins que cela ne soit une maladresse ?) : la scène de la Flagellation est délimitée à l’intérieur d’une sorte de boîte d’espace dont l’effet de perspective visiblement construit de manière empirique, et précisément parce qu’il est efficace, introduit un déséquilibre de fait dans un ensemble où domine une planéité abondamment soulignée par l’omniprésent fond d’or. La scène de la Flagellation apparaît dans un volume creux tandis que les autres parties du retable semblent toutes situées sur un même plan. On peut observer que si l’effet de perspective est obtenu grâce au tracé du pavement à partir d’un point de fuite unique, le plafond, soutenu par les colonnes, est quant à lui en perspective inversée, rendant impossible “scientifiquement” la configuration peinte ici.

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De même que le volet de gauche résonne avec celui de droite comme nous l’avons vu plus haut, les deux panneaux du centre et de droite se font visuellement écho : la Vierge à l’Enfant, scène dans laquelle nous assistons au mariage mystique de Catherine d’Alexandrie avec Jésus (fig. 3), fait également pendant à la Crucifixion, toutes deux dominées par le fond doré. Cependant, la hiérarchie habituelle est inversée. Nous sommes à Sienne : la Vierge, Patrone et Protectrice de la cité se doit d’occuper la place centrale, y compris en présence du Christ crucifié. Pourtant cette sorte d’anomalie est corrigée par l’absence de hiérarchie entre les deux formats : équilibrées par le biais de leurs dimensions similaires, les deux images de la Vierge à l’Enfant et de la Crucifixion, acquièrent une égale dignité. Jean Baptiste, selon l’usage, désigne le Sauveur d’un geste de la main en direction de l’Enfant. Celui-ci n’est pas, lui non plus, le geste indicatif habituel effectué à l’aide du seul index mais, curieusement, en y ajoutant l’auriculaire, donnant à sa main un aspect cornu. Catherine d’Alexandrie, quant à elle, tend la main vers l’Enfant qui lui passe l’anneau symbolique au doigt. Deux témoins anonymes, deux saints, assistent à cette scène.

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Trois groupes distincts se tiennent au pied de la croix. À gauche, Marie, entourée des saintes femmes, tente de résister avec leur aide à la défaillance que la souffrance du spectacle lui occasionne. Au premier plan, selon une iconographie fréquente, Madeleine, agenouillée, embrasse la croix, tandis qu’à sa droite, Jean exprime sa douleur la tête penchée et les mains crispées l’une sur l’autre. Derrière lui, les grands prêtres et les soldats assistent également au spectacle et l’on observe la présence, inattendue dans ce groupe, de deux mains réunies en signe de prière. Au-dessus de cette petite foule compacte, le corps du Christ supplicié s’élève sur le fond d’or et domine l’ensemble de toute sa hauteur.

On remarquera, au-dessus de la croix, la présence du symbole du pélican nourrissant ses petits, fréquemment représenté à cet emplacement précis où il prend tout son sens.

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L’Annonciation, discrètement présente, comme cela se produit fréquemment au sein d’un polyptyque, par la représentation de ses deux protagonistes (fig. 6 et 7) dans les cuspides situées au centre et à droite, participe à cette curieuse composition de l’ensemble qui paraît bousculer l’ordre et les équilibres habituels. Peut-être peut-on ici évoquer la perte relative de sens qu’occasionne cette organisation dans le cas précis d’une Annonciation : le Christ bénissant, sujet principal du dialogue de l’ange et de la Vierge, que l’ont voit dans la cuspide de droite, se trouve relégué hors de l’espace symbolique qui est généralement le sien dans ce type de configuration, entre les deux interlocuteurs, rendant ainsi visible le contenu même de leur échange oral.

 

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