La Crucifixion

La mise à mort du Christ constitue évidemment le point paroxystique de la Passion.

Ernest Renan, dans un texte célèbre [1]Ernest Renan, Vie de Jésus, 1863, chapitre XXV, « Mort de Jésus ». Tout en manifestant un immense respect pour la figure de Jésus en tant qu’homme et penseur, Renan y aborde le sujet sous un angle résolument rationnel et historique. Un an avant la parution de l’ouvrage, dans sa leçon inaugurale au Collège de France (22 février 1862), il pouvait sembler … Poursuivre, et qui fit scandale en son temps, décrit la scène en prenant appui sur les textes des quatre évangiles : « Les disciples avaient fui. Une tradition néanmoins veut que Jean soit resté constamment debout au pied de la croix. On peut affirmer avec plus de certitude que les fidèles amies de Galilée, qui avaient suivi Jésus à Jérusalem et continuaient à le servir, ne l’abandonnèrent pas. Marie Cléophas, Marie de Magdala, Jeanne, femme de Khouza, Salomé, d’autres encore, se tenaient à une certaine distance et ne le quittaient pas des yeux. S’il fallait en croire le quatrième Évangile, Marie, mère de Jésus, eût été aussi au pied de la croix, et Jésus, voyant réunis sa mère et son disciple chéri, eût dit à l’un : ‘Voilà ta mère’, à l’autre : ‘Voilà ton fils.’ Mais on ne comprendrait pas comment les évangélistes synoptiques, qui nomment les autres femmes, eussent omis celle dont la présence était un trait si frappant. Peut-être même la hauteur extrême du caractère de Jésus ne rend-elle pas un tel attendrissement personnel vraisemblable, au moment où, déjà préoccupé de son œuvre, il n’existait plus que pour l’humanité.

« À part ce petit groupe de femmes, qui de loin consolaient ses regards, Jésus n’avait devant lui que le spectacle de la bassesse humaine ou de sa stupidité. Les passants l’insultaient. Il entendait autour de lui de sottes railleries et ses cris suprêmes de douleur tournés en odieux jeux de mots : ‘Ah ! le voilà, disait-on, celui qui s’est appelé Fils de Dieu ! Que son père, s’il veut, vienne maintenant le délivrer ! — Il a sauvé les autres, murmurait-on encore, et il ne peut se sauver lui-même. S’il est roi d’Israël, qu’il descende de la croix, et nous croyons en lui ! — Eh bien, disait un troisième, toi qui détruis le temple de Dieu, et le rebâtis en trois jours, sauve-toi, voyons !’ — Quelques-uns, vaguement au courant de ses idées apocalyptiques, crurent l’entendre appeler Élie, et dirent : ‘Voyons si Elie viendra le délivrer.’ Il paraît que les deux voleurs crucifiés à ses côtés l’insultaient aussi. Le ciel était sombre ; la terre, comme dans tous les environs de Jérusalem, sèche et morne. Un moment, selon certains récits, le cœur lui défaillit ; un nuage lui cacha la face de son Père ; il eut une agonie de désespoir, plus cuisante mille fois que tous les tourments. Il ne vit que l’ingratitude des hommes ; il se repentit peut-être de souffrir pour une race vile, et il s’écria : ‘Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?’ Mais son instinct divin l’emporta encore. À mesure que la vie du corps s’éteignait, son âme se rassérénait et revenait peu à peu à sa céleste origine. Il retrouva le sentiment de sa mission ; il vit dans sa mort le salut du monde ; il perdit de vue le spectacle hideux qui se déroulait à ses pieds, et, profondément uni à son Père, il commença sur le gibet la vie divine qu’il allait mener dans le cœur de l’humanité pour des siècles infinis. »

I. Sources écrites de l’épisode

Voir lien ci-dessus.

II. Iconographie

Durant toute la période médiévale, et au-delà, l’iconographie de la Crucifixion comporte de manière générale

  • trois croix :
  • la Vierge, défaillante de douleur
  • Jean l’Evangéliste, présentant les stigmates du désespoir [2]La présence de Marie et Jean au pied de la croix dérive d’un passage de l’Évangile de Jean (Jn 19, 26-27) où l’on peut lire : “Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : «’Femme, voici ton fils’. Puis il dit au disciple : ‘Voici ta mère.’ Et à partir de cette heure-là, le disciple la … Poursuivre
  • selon les cas
    • d’autres, acteurs ou témoins, tels des membres du Sanhédrin, de part de d’autre du Christ et répartis selon deux catégories [3]Le choix de séparer les témoins de la scène en deux groupes, celui des justes et celui des injustes, est caractéristique de l’iconographie médiévale de la Crucifixion, toujours soucieuse de la lisibilité d’un message dont la complexité ne doit cependant jamais nuire à l’intelligibilité. :
      • les justes, du côté droit de la croix
      • les injustes, de l’autre
    • la présence du soleil et de la lune, lorsque les deux astres apparaissent ensemble au-dessus de la croix du Christ, constitue une allusion à l’obscurité survenue « de la sixième jusqu’à la neuvième heure » [4]« De la sixième (midi) jusqu’à la neuvième heure (trois heures de l’après-midi), il y eut des ténèbres sur tout le pays (sur toute la terre). » Évangile de Matthieu (Mt 27, 45), L’auteur ajoute quelques détails dramatiques, y compris un tremblement de terre ainsi que la résurrection de plusieurs morts, qui étaient typiques de la … Poursuivre

Parfois, une nuée d’anges expriment leur douleur en virevoletant vertigineusement au sommet de la croix sur laquelle est cloué Jésus.

Le mont du Calvaire, lieu habituel de l’exécution des condamnés, comporte, entre autres caractéristiques, la représentation d’un crâne chargé de rappeler la fonction et l’étymologie même du nom de cette colline.

Il faut attendre le début du XIVe s. pour que soit stabilisée la représentation du Christ sur la croix, et l’on doit à Giovanni Pisano l’invention des jambes croisées du Christ fixées sur le suppedaneum à l’aide d’un seul clou. [5]Dans la chapelle palatine impériale de Constantinople on vénérait quatre clous de la crucifixion. Vers la fin du XIIe siècle pour la première fois dans les crucifix d’Allemagne méridionale, sans doute sous l’influence du Saint-Suaire vénéré à Turin, sur lequel les deux pieds du crucifié sont fixés par un seul clou, on se limite à représenter trois cloud. Il en va ainsi depuis le … Poursuivre

Notes

Notes
1 Ernest Renan, Vie de Jésus, 1863, chapitre XXV, « Mort de Jésus ». Tout en manifestant un immense respect pour la figure de Jésus en tant qu’homme et penseur, Renan y aborde le sujet sous un angle résolument rationnel et historique. Un an avant la parution de l’ouvrage, dans sa leçon inaugurale au Collège de France (22 février 1862), il pouvait sembler remettre en cause la divinité du Christ en parlant de lui comme d’un « homme incomparable, si grand que je ne voudrais point contredire ceux qui l’appellent Dieu ».
2 La présence de Marie et Jean au pied de la croix dérive d’un passage de l’Évangile de Jean (Jn 19, 26-27) où l’on peut lire : “Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : «’Femme, voici ton fils’. Puis il dit au disciple : ‘Voici ta mère.’ Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui.”
3 Le choix de séparer les témoins de la scène en deux groupes, celui des justes et celui des injustes, est caractéristique de l’iconographie médiévale de la Crucifixion, toujours soucieuse de la lisibilité d’un message dont la complexité ne doit cependant jamais nuire à l’intelligibilité.
4 « De la sixième (midi) jusqu’à la neuvième heure (trois heures de l’après-midi), il y eut des ténèbres sur tout le pays (sur toute la terre). » Évangile de Matthieu (Mt 27, 45), L’auteur ajoute quelques détails dramatiques, y compris un tremblement de terre ainsi que la résurrection de plusieurs morts, qui étaient typiques de la littérature apocalyptique juive : « les tombeaux s’ouvrirent et les corps de plusieurs saints qui étaient morts ressuscitèrent. » Évangile de Matthieu (Mt 27, 52). Dans l’Évangile de Marc, écrit une quinzaine d’années avant celui de Matthieu, l’auteur ajoute que « le voile du temple se déchira en deux, de haut en bas ». (Mc 15, 38).
5 Dans la chapelle palatine impériale de Constantinople on vénérait quatre clous de la crucifixion. Vers la fin du XIIe siècle pour la première fois dans les crucifix d’Allemagne méridionale, sans doute sous l’influence du Saint-Suaire vénéré à Turin, sur lequel les deux pieds du crucifié sont fixés par un seul clou, on se limite à représenter trois cloud. Il en va ainsi depuis le XIIIe siècle dans tout l’Occident.