Duccio di Buoninsegna, « Madonna in trono col Bambino, venti angeli e santi »

Duccio di Buoninsegna (Sienne, vers 1260 – vers 1318/19)

Madonna in trono col Bambino, venti angeli e santi (Vierge à l’Enfant en majesté, anges et saints), 1308-1311.

Panneau central de la Maestà, tempera et or sur bois, 370 x 450 cm.

Inscriptions :

  • (sur la marge inférieure du panneau, sous les figures des saints et des apôtres) :
    • Catherine d’Alexandrie : « S[ANCT]A KATERINA »
    • Ansano : « S[ANCTUS] ANSANUS »
    • Jean l’Évangeliste : « S[ANCTUS] IOH[ANN]ES EV[ANG]E[LISTA] »
    • Savinus : « S[ANCTUS] SAVINUS »
    • Crescentius : « S[AN]C[T]US CRESCENTIUS »
    • Jean Baptiste : « S[ANCTUS] IOH[ANN]ES BAPT[IST]A »
    • Victor : « IOH[ANN]ES VICTORIUS »
    • Agnès : « S[AN]C[T]A AGNES »
  • (sur le fond d’or, à l’arrière des figures des prophètes et des apôtres) :
    • Thadée : « S[ANCTUS] TAD / DEU[S] »
    • Simon : « S[ANCTUS] SIMON[…] »
    • Philippe : « S[ANCTUS] PHI / LIPP[…] »
    • Jacques le Majeur : « S[ANCTUS] IA / COB[…] »
    • André : « S[ANCTUS] AN / DREAS »
    • Mathieu : « S[ANCTUS] / MAT / TE[…] »
    • Jacques le mineur : « S[ANCTUS] JA / CHOB »
    • Barthélémy : « S[ANCTUS] BAR / THO(…) / M[…] »
    • Thomas : « S[ANCTUS] THO / MAS »
    • Mathias : « S[ANCTUS] MAC / TIAS »

Provenance : Cathédrale de Santa Maria Assunta, Sienne.

Sienne, Museo dell’Opera del Duomo.

Au centre du panneau, enveloppée dans un grand manteau bleu sombre qui la recouvre entièrement, la Vierge est assise sur un imposant trône orné de marbres polychromes qui ressemble à une véritable architecture. L’enfant Jésus est assis sur le bras gauche de sa Mère. Il est lui-même vêtu d’un manteau de couleur rose et d’une chemise cousue dans un tissu très transparent. Marie, le regard triste et plein de mélancolie, incline doucement la tête vers l’Enfant, dans une attitude qui exprime, comme toujours dans les représentations de la Vierge à l’Enfant de cette période, la tristesse et la crainte des épreuves à venir dont elle a la connaissance.

Au premier rang, agenouillés devant le trône, figurent les quatre patrons et protecteurs de Sienne :

Tous quatre intercèdent en faveur du peuple siennois auprès de la Vierge, protectrice officielle de la Ville depuis 1260 [1]1260 : année de la victoire de Sienne sur les guelfes florentins lors de la bataille de Montaperti..

Si Duccio a déjà représenté les saints Ansanus, Savinus et Crescentius auparavant, dans le grand vitrail du chœur de la Cathédrale, dont toute la critique lui attribue dorénavant la paternité, il donne ici à voir Victor pour la première fois [2]Dans la Maestà, Victor remplace Barthélemy qui a perdu son statut de Patron de la ville dans l’intervalle.. La tradition iconographique de Victor commence donc avec la Maestà. La production artistique siennoise se référera longtemps à l’iconographie des quatre saints protecteurs telle qu’elle est inaugurée par Duccio dans ce panneau : Savino est représenté sous les traits d’un évêque âgé, inspiré de l’iconographie de Nicolas de Bari, les trois autres étant vus comme de jeunes chevalier qui ne sont différenciés que par l’âge, même si Crescenzio apparaît ici davantage sous l’aspect d’un jeune adulte que sous celui du tout jeune adolescent martyrisé à l’âge de douze ans que rapporte la légende hagiographique.

Savino porte une crosse épiscopale dont la volute est orientée vers lui [3]Conformément à l’usage lithurgique, l’évêque ne porte cet attribut de sa fonction en orientant le crosseron (nom de la volute) dans le sens opposé, en direction du troupeau des fidèles, que lorsqu’il agit en tant que pasteur de ce même troupeau.. Les trois saints adolescents, Crescenzio, Ansano et Vittore tiennent en main une petite croix de couleur rouge ou blanche. Ces petites croix renvoient à l’appel [4]« Tunc Iesus dixit discipulis suis si quis vult venire post me adneget semet ipsum tollam crucem suam et sequatur me » (« Alors Jésus dit à ses disciples : ‘Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive.’ » Évangile selon Matthieu (16, 24). du Christ auquel ils répondent par le biais d’un signe qui évoque aussi leur martyre. Présent, passé et futur se conjuguent ici dans une temporalité immobile.

Au second rang, on reconnait six des saints de prédilection de la cité :

Tous sont séparés du trône, de chaque côté, par deux archanges. On notera des effets de symétrie producteurs de sens : Catherine d’Alexandrie avec Agnès, Paul et Pierre, les deux Jean, tous se répondent deux à deux et dialoguent silencieusement de part et d’autre du trône.

Au troisième rang, un chœur de seize anges – huit de chaque côté – entoure le trône de la Vierge. En comptant les quatre archanges placés de part et d’autre du trône, ce sont donc vingt anges qui peuplent la cour céleste.

Enfin, au sommet de la compositions, sont représentés dix apôtres en demi-buste (de gauche à droite) :

  • Thadée
  • Simon
  • Philippe
  • Jacques le Majeur
  • André
  • Mathieu
  • Jacques le Mineur
  • Barthélémy
  • Thomas
  • Mathias

Les douze apôtres sont donc tous représentés dans le panneau principal : dix d’entre eux sont visibles en demi-buste au sommet ; il manque un absent qui ne reparaîtra pas (Judas Iscariote, le traître, qui est allé se pendre [Mt. 27,5], à moins qu’il ne soit tombé et se soit « rompu par le milieu du corps » [Actes des Apôtres 1, 18]) ; en revanche, il faut compter avec l’arrivée de Mathias (à l’extrême droite de la frise : il a été élu à la place de Judas) ; sans oublier Paul, qui se convertira plus tard, après la mort de Jésus, et que l’on voit aux côtés de la Vierge, et Pierre, naturellement, présent lui aussi parmi les saints représentés en pieds), nous arrivons bien au total nécessaire de douze. Ainsi, selon une organisation de la représentation qui, malgré des différences majeures, n’est pas sans évoquer celle que retiendra plus tard Simone Martini dans la Maestà du Palazzo Communal, la cohorte des apôtres y est-elle également présente au grand complet.

Notes

Notes
1 1260 : année de la victoire de Sienne sur les guelfes florentins lors de la bataille de Montaperti.
2 Dans la Maestà, Victor remplace Barthélemy qui a perdu son statut de Patron de la ville dans l’intervalle.
3 Conformément à l’usage lithurgique, l’évêque ne porte cet attribut de sa fonction en orientant le crosseron (nom de la volute) dans le sens opposé, en direction du troupeau des fidèles, que lorsqu’il agit en tant que pasteur de ce même troupeau.
4 « Tunc Iesus dixit discipulis suis si quis vult venire post me adneget semet ipsum tollam crucem suam et sequatur me » (« Alors Jésus dit à ses disciples : ‘Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive.’ » Évangile selon Matthieu (16, 24).

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