Giovanni di Paolo (Sienne, v. 1400 – 1482)
Polittico di San Galgano (Polyptyque de Saint Galgano), v. 1470-1474.
Tempéra et or sur panneau, volets latéraux : cm ; prédelle : 47 x 363 cm.
Inscriptions : /
Provenance : Abbaye de San Galgano, Chiusdino.
Sienne, Pinacoteca Nazionale.
Ce qui reste du grand polyptyque de Giovanni di Paolo est daté d’environ 1470-1474. Dans la partie centrale se trouvait très vraisemblablement l’Assomption actuellement conservée au Musée d’Art Sacré d’Asciano ; dans les panneaux latéraux, figurent les saints Romuald (ou Benoît de Nursie) et Bernard de Claiveaux, tous deux revêtus de l’habit blanc des cisterciens, ainsi que Marie Madeleine et Galgano ; dans la prédelle, figurent des épisodes relatifs aux saints représentés dans les volet latéraux.
Le polyptyque est traditionnellement rattaché à l’abbaye du même nom pour des raisons iconographiques apparemment évidentes [1]L’hypothèse que le polyptyque provienne du couvent de la Maddalena, lui aussi cistercien) a pu être formulée. : la présence de Romuald (ou Benoît) en costume cistercien, de Bernard de Clairveaux, de Galgano, ainsi que des deux armoiries de l’abbaye aux extrémités de la prédelle. En fait, il n’existe pas d’information documentée concernant le lieu auquel était destiné le polyptyque, pas même de la part de Luigi De Angelis qui, en dressant le catalogue des œuvres collectées à la suite des suppressions napoléoniennes pour la Galerie siennoise nouvellement créée, affirme : « La prédelle a été sauvée par moi d’une ruine totale, et il convient d’observer le peu que j’y ai vu. Les armoiries de la Bazia di S. Galgano [2]C’est-à-dire l’Abbaye de San Galgano. se trouvent des deux côtés. Les moines représenté sont des cisterciens. L’œuvre semble dater du XVe siècle. » Dans un article récent [3]L. PAARDEKOOPER, « Het San Galgano-Polyptiek’ van Giovanni di Paolo », dans H. Th. van Veen, V. M. Schmidt, J. M. Keizer (dir.), Poliptyek. en veelluik van Groninger bijdragen aan de kunstgeschiedenis, Zwolle, Waanders, 2002, pp. 109-118., l’hypothèse a été avancée que la commande du polyptyque, bien que liée aux moines cisterciens pour des raisons iconographiques […], [était destinée] non pas à l’abbaye mais plutôt au monastère de la Maddalena qui, dans les années 1470, datation qui convient également au polyptyque, a été restauré et restructuré par les cisterciens pour abriter la relique du chef de Galgano. » Alessandra Gianni [4]Alessandra GIANNI, « La fortuna di San Galgano : l’iconografia e il culto dal XII al XIX secolo », dans A. CONTI (dir.), Speciosa imago. L’iconografia di san Galgano dal XIII al XVIII secolo, Sienne, 2014, pp. 111-127. qui cite cet article, ajoute que « l’affirmation de De Angelis concernant la ruine totale du tableau peut être mise en relation avec l’activité de construction de Giulio Ranuccio Bianchi qui, en 1811, avait acheté le monastère de la Maddalena, qu’il fera démolir l’année suivante pour y réaliser un « bois à usage français » [5]Comprendre : du bois de charpenterie. La citation est tirée du manuscrit conservé aux Archives de l’État de Sienne : A. BANDINI, Diario senese, ms. D.II.4, c. 102v.. Cependant, le guide de Gioacchino Faluschi datant de la fin du XVIIIe siècle, qui répertorie les tableaux et toiles présents dans l’église avec l’indication de l’auteur et du sujet, ne fait aucune mention du polyptyque en question [6]Gioacchino FALUSCHI, Breve relazione delle cose notabili della città di Siena, Sienne, 1784, pp. 134-135.. Les sources locales antérieures à Faluschi ne fournissent aucune indication permettant une clarification.
Les sources locales antérieures à Faluschi [7]G. FALUSCHI, op. cit., pp. 134-135. et cependant postérieures au transfert des religieuses d’Ognissanti, ne fournissent pas indications de clarification sur la présence du polyptyque de San Galgano. Les sources locales antérieures à Faluschi mentionnent quatre tableaux de l’église de la Madeleine, dont deux avec la Vierge parmi des saints et un avec le Couronnement de la Vierge. Cela ne signifie pas qu’il n’aurait pas pu être mis de côté dans un environnement du monastère au cours des siècles précédents car il n’était plus fonctionnel pour les cultes des religieuses de Ognissanti (Tous les Saints), qui y sont arrivées en 1558, qui vénéraient la Madonna del Presepe, un groupe en bois dont se souvient en effet Faluschi sur le maître-autel. [8]« Le monastère d’Ognissanti était situé à l’extérieur de la Porta Romana ; il a été démoli pour des raisons de sécurité en 1554, lors du siège de Charles Quint. Les religieuses ont trouvé un logement à San Vigilio et ont ensuite été transférées au monastère de la Maddalena qui a depuis pris le nom d’Ognissanti. » Ibid, p. 134. Entretemps, en 1549, la relique du chef de San Galgano avait été transférée dans l’église du monastère augustin voisin du Santuccio [9]La nouvelle est rapportée par Isidoro UGURGIERI AZZOLINI (Fasti Senesi, ossia vite di santi e beati senesi, Biblioteca Comunale degli Intronati di Siena, ms. A.IV.23) qui propose la date du 1er avril 1549 ; voir aussi Archivio storico di Firenze, Compagnie Religiose soppresse da Pietro Leopoldo 2940, Selva di San Galgano, II, c. 29r.. Ce fait marque également la fin de la présence cistercienne dans la ville.
VOLETS LATÉRAUX
- San Bernardo (Bernard de Clairvaux), 200 x 48,5 cm.
- Maria Maddalena (Marie Madeleine), 187,5 x 49 cm. Très élégamment vêtue et les cheveux dénoués, comme souvent, afin de signaler la vie de débauche qu’elle a abandonnée, elle exhibe le vase d’onguent qui est son principal symbole.
- Galgano (Galgan), 189 x 49 cm. Sur les conseils de l’ange qui lui parle à l’oreille, il vient de dégainer son épée qu’il enfonce à l’instant même dans le roc. Au second plan, le cheval a tout vu.
- San Romualdo (Romuald), 200 x 48,5 cm. Romuald porte la crosse d’évêque de l’Ordre Camaldule dont il est le fondateur.
PRÉDELLE
Les épisodes de la prédelle sont relatifs aux saints mentionnés ci-dessus dans les volets latéraux. Aux deux extrémités, on reconnaît le blason de l’Abbaye de San Galgano.
Stemma dell’Abbazia di San Galgano (Blason de l’Abbaye de San Galgano)
San Benedetto fondatore dei due ordini (Saint Benoît [10]Benoît de Nursie (né vers 480 ou 490 à Norcia, en Ombrie, mort en 543 ou 547 au monastère du Mont-Cassin) : ermite fondateur de l’Ordre des Bénédictins et considéré également comme celui des Cisterciens qui en ont restauré la Règle. Benoît a largement inspiré le monachisme occidental., fondateur de deux Ordres)
La Maddalena comunicata da San Massimino (La Madeleine recevant la communion des mains de saint Maximin [11]Saint Maximin (ou Maxime) aurait donné la dernière communion à Marie Madeleine.)
La Madonna cogli Apostoli e caduta di Simone Mago (La Madone avec les Apôtres et la chute de Simon le Mage [12]Simon le Mage, ou le Magicien, opérait en Samarie au Ier siècle. Il séduisait la foule en s’envolant dans les airs. Après qu’il ait proposé à Pierre de l’argent pour acquérir le pouvoir de faire des miracles, l’Apôtre, lors de l’une de ces ascensions le fit chuter en invoquant le nom de Jésus.)
Punizione dei monaci invidiosi di San Galgano assaliti dai lupi mentre tentano di distruggere l’eremo (Punition des moines envieux de saint Galgano, assaillis par des loups tandis qu’ils tentent de détruire l’ermitage).
L’hagiographie de Galgano rapporte qu’à l’occasion de l’une de ses absences (il s’est rendu en pèlerinage dans les basiliques de Rome), trois moines jaloux tentèrent d’extraire l’épée fichée dans le rocher afin de la voler. Ils n’y parvinrent pas et tentèrent alors de la briser en signe de sacrilège. La punition de Dieu fut immédiate, et terrible : on apprend que l’un des moines tomba dans une rivière où il se noya, que le second fut réduit en cendres par un éclair ; le troisième, attaqué par un loup (nécessairement féroce) l’épargna lorsque le moine invoqua le nom de Galgano). L’épisode de l’attaque de l’ermitage lors du voyage à Rome de Galgano a un antécédent dans la tablette de Gabelle [13]Guido Cinatti, San Galgano e la punizione degli invidiosi. Coll, privée. datée de 1326 [14]Luigi De Angelis, Ragguaglio del nuovo istituto delle belle arti stabilito in Siena con la descrizione della sala nella quale sono distribuiti cronologicamente i quadri dell’antica scuola sanese presentato dall’abate Luigi De Angelis, Sienne, 1816.. Cet épisode est rapporté par toutes les sources hagiographiques, même si aucune d’entre elles n’indique l’identité des envieux. Dans cette scène, ces derniers sont représentés habillés de vêtements différents mais qui peuvent être génériquement définis comme monastiques : l’un avec un décolleté et un scapulaire, l’un avec un habit blanc mais avec une capuche posée sur l’épaule qui pourrait indiquer son statut sacerdotal et l’autre avec un habit monastique sombre. Lombardelli les a identifiés avec le curé de Chiusdino, l’abbé et un frère convers du monastère bénédictin de Serena.
Stemma dell’Abbazia di San Galgano (Blason de l’Abbaye de San Galgano)
HYPOTHÈSE DE RECONSTITUTION DU POLYPTYQUE DIT DE SAN GALGANO
Notes
1↑ | L’hypothèse que le polyptyque provienne du couvent de la Maddalena, lui aussi cistercien) a pu être formulée. |
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2↑ | C’est-à-dire l’Abbaye de San Galgano. |
3↑ | L. PAARDEKOOPER, « Het San Galgano-Polyptiek’ van Giovanni di Paolo », dans H. Th. van Veen, V. M. Schmidt, J. M. Keizer (dir.), Poliptyek. en veelluik van Groninger bijdragen aan de kunstgeschiedenis, Zwolle, Waanders, 2002, pp. 109-118. |
4↑ | Alessandra GIANNI, « La fortuna di San Galgano : l’iconografia e il culto dal XII al XIX secolo », dans A. CONTI (dir.), Speciosa imago. L’iconografia di san Galgano dal XIII al XVIII secolo, Sienne, 2014, pp. 111-127. |
5↑ | Comprendre : du bois de charpenterie. La citation est tirée du manuscrit conservé aux Archives de l’État de Sienne : A. BANDINI, Diario senese, ms. D.II.4, c. 102v. |
6↑ | Gioacchino FALUSCHI, Breve relazione delle cose notabili della città di Siena, Sienne, 1784, pp. 134-135. |
7↑ | G. FALUSCHI, op. cit., pp. 134-135. |
8↑ | « Le monastère d’Ognissanti était situé à l’extérieur de la Porta Romana ; il a été démoli pour des raisons de sécurité en 1554, lors du siège de Charles Quint. Les religieuses ont trouvé un logement à San Vigilio et ont ensuite été transférées au monastère de la Maddalena qui a depuis pris le nom d’Ognissanti. » Ibid, p. 134. |
9↑ | La nouvelle est rapportée par Isidoro UGURGIERI AZZOLINI (Fasti Senesi, ossia vite di santi e beati senesi, Biblioteca Comunale degli Intronati di Siena, ms. A.IV.23) qui propose la date du 1er avril 1549 ; voir aussi Archivio storico di Firenze, Compagnie Religiose soppresse da Pietro Leopoldo 2940, Selva di San Galgano, II, c. 29r. |
10↑ | Benoît de Nursie (né vers 480 ou 490 à Norcia, en Ombrie, mort en 543 ou 547 au monastère du Mont-Cassin) : ermite fondateur de l’Ordre des Bénédictins et considéré également comme celui des Cisterciens qui en ont restauré la Règle. Benoît a largement inspiré le monachisme occidental. |
11↑ | Saint Maximin (ou Maxime) aurait donné la dernière communion à Marie Madeleine. |
12↑ | Simon le Mage, ou le Magicien, opérait en Samarie au Ier siècle. Il séduisait la foule en s’envolant dans les airs. Après qu’il ait proposé à Pierre de l’argent pour acquérir le pouvoir de faire des miracles, l’Apôtre, lors de l’une de ces ascensions le fit chuter en invoquant le nom de Jésus. |
13↑ | Guido Cinatti, San Galgano e la punizione degli invidiosi. Coll, privée. |
14↑ | Luigi De Angelis, Ragguaglio del nuovo istituto delle belle arti stabilito in Siena con la descrizione della sala nella quale sono distribuiti cronologicamente i quadri dell’antica scuola sanese presentato dall’abate Luigi De Angelis, Sienne, 1816. |