Luca di Tommè, « Madonna col Bambino tra i santi Giovanni Battista e Gregorio. ‘Polittico delle Tolfe’ »

809CCA76-27D0-4542-997B-A3D03F219D5C

Luca di Tommè (Sienne, documenté de 1356 à 1389)

Madonna col Bambino tra i santi Giovanni Battista e Gregorio. « Polittico delle Tolfe » (Vierge à l’Enfant entre les saints Jean Baptiste et Grégoire. « Polyptyque des Tolfe »), entre 1370 et 1380.

Tempéra sur panneau, 130 x 183 cm (l’ensemble).

Inscriptions :

  • (sous les saints situés dans le registre principal) [1]La suppression de certaines parties de la dorure qui n’étaient pas d’origine a permis à Gabriele Fattorini de transcrire les restes des inscriptions permettant d’identifier les différents saints figurés. :
    • « [S. NIC]HO[LAUS] » [2]Gabriele Fattorini note que le cas du saint évêque peint à gauche et « privé d’attributs significatifs » ne peut être identifié que par l’inscription dont seules subsistent les lettres « … HO … », qu’il pense pouvoir interpréter comme un fragment de « [• S • NIC]HO[LAUS •] » (« Più difficile il caso del santo vescovo, che essendo … Poursuivre
    • « S. JOHANES BAPTIST[A] » (« Jean Baptiste »)
    • « [S.] GREGORI[VS.] » (« Grégoire »)
    • « [S. FRANCIS]cvS » (« François »)
  • (sur le phylactère du Baptiste) : « ECCE AGNIUS DEI ECCE Q… » [3]« Voici l’Agneau de Dieu, voici celui qui enlève les péchés du monde. » L’Évangile selon Jean (Jn 1, 29) rapporte que ces paroles auraient été prononcées par Jean Baptiste voyant Jésus s’avancer vers lui sur les bords du Jourdain le jour du baptême.
  • (sur le phylactère de l’Enfant-Jésus) : « QUI VULT VENIRE POST ME ADNEGET SEMETI[P]SUM [ET] TOLLAT CRUCEM SUAM ET SEQUAT[UR] ME » [4]« [Tunc Iesus dixit discipulis suis :] Si quis vult post me venire, abneget semetipsum, et tollat crucem suam, et sequatur me » (« [Alors Jésus dit à ses disciples :] ‘Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, et qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive.’ »). Évangile selon Matthieu (Mt 16, 24).
  • (sur le cadre) : « … THOME … [H]OC OPUS … » [5]Selon Cesare Brandi (BRANDI 1933, p. 160), le texte complet était le suivant : « L[u]cas Thome d[e] Sen[is] P[inxit] hoc Opus » (« Luca di Tommé, de Sienne, peignit cet ouvrage »).

Provenance : Église détruite de San Giovanni Battista all’Abbadia Nuova, Sienne. [6]Le cartel du Musée indique pour origine de l’œuvre la chapelle du Munisterino alle Tolfe, à Sienne. Cependant, Gabriele Fattorini a montré que le présent polyptyque, dit « des Tolfe », du nom du lieu-dit situé près de Sienne où il a été retrouvé au XIXe s., n’était pas, à l’origine, destiné à ce lieu, mais a été exécuté dans les années 1360 pour l’église … Poursuivre

Sienne, Pinacoteca Nazionale. Inv. 586.

Le retable, aujourd’hui rendu à Luca di Tommè, était naguère attribué au pseudo ‘Maestro d’Ovile’, parfois encore à un certain ‘Ugolino Lorenzetti’. Actuellement, c’est la réalité même de chacun de ces deux peintres, l’un anonyme, l’autre portant un nom conventionnel, qui est largement remise en cause [7]Voir, notamment, FATTORINI, Gabriele (dir.), ANGELINI, Alessandro, GUIDUCCI, Anna-Maria, LOSERIES, Wolfgang, Sano di Pietro, Qualità, devozione e pratica nella pittura senese des Quattrocento (Giornate di studio nel sesto centennario della nascità. Sienne, 5 décembre 2005 – Asciano, 6 décembre 2005), Silvana Editoriale – Musei Senesi, 2012, p..

1
2
3

Autour du panneau central, où figure la Vierge à l’Enfant (fig. 2), sont représentés quatre saints. On remarque immédiatement leurs dimensions irrégulières car ces dernières confèrent à l’ensemble un caractère inhabituel : les personnages de Jean Baptiste (fig. 1) et du pape Grégoire le Grand en habit pontifical (fig. 3, voir note 2) sont figurés jusqu’à mi-cuisses et occupent toute la largeur du panneau. De même que leur proximité avec la scène centrale, l’écart de dimensions qui les fait apparaître plus grands vise évidemment, par un moyen d’une extrême simplicité, à souligner leur importance particulière dans le contexte dans lequel ils sont représentés. En revanche, les compartiments situés aux deux extrémités sont légèrement plus petits que ceux auxquels ils sont accolés, et montrent deux autres saints que l’on voit en pied cette fois-ci : il s’agit d’un saint évêque difficilement identifiable faute d’attributs spécifiques, très probablement Nicolas de Bari (fig. 4), et de François d’Assise (fig. 5), parfaitement reconnaissable à la bure qu’il a revêtue et dont la déchirure sur le flanc droit laisse apparaître un stigmate. 

La figure de François mérite une mention particulière : le saint est représenté tenant une longue et inhabituelle croix rouge à la main, qui le distingue des trois autres et qu’il nous faut interpréter comme la réponse que le saint d’Assise apporte à l’incitation explicite formulée par l’Enfant-Jésus peint dans le panneau central par Luca di Tommè : celui-ci tient dans sa main une petite croix rouge. C’est Millard Meiss qui, le premier, a relevé que l’Enfant Jésus à la mine plus que chagrine tient une croix dans sa main droite, notant que cette particularité iconographique se retrouve également dans un petit groupe de peintures siennoises plus ou moins contemporaines, parmi lesquelles le polyptyque du Musée Civique de Rieti, signé et daté de 1370 par Luca di Tommè. C’est à partir de ce constat que Millard Meiss tire la conclusion selon laquelle « les représentations du Christ exhortant ainsi son public peuvent être liées à la tendance vers une forme plus ardue et orthodoxe de la religion, liée à la peste, aux luttes sociales de l’époque, ainsi qu’aux enseignements de Sainte Catherine ». [8]Ce jugement fut un prélude au célèbre Painting in Florence and Siena after the Black Death (1951) dans lequel Meiss tente de démontrer que la peste de 1348 a eu un poids décisif sur les développements de la peinture toscane dans la seconde moitié du XIVe siècle. De nombreuses études ultérieures ont montré à leur tour que cette thèse était trop généralisée et ont proposé … Poursuivre. Avec cette croix, le Christ entend évidemment faire allusion au sacrifice futur qui doit racheter l’humanité du péché originel, mais aussi inviter les fidèles à suivre son exemple par la pénitence, comme l’indique expressément le cartouche qu’il porte dans sa seconde main, sur lequel se lit l’inscription tiré de l’Évangile selon Matthieu (Mt 16, 24) : « Si quis vult venire post me, abneget semetipsum, et tollat crucem suam, et sequatur me. » Selon Fattorini, « la représentation de la croix dans les mains de l’Enfant et l’invocation évangélique à suivre son exemple ne sont pas expliquées seulement comme une simple conséquence d’une atmosphère sombre ‘après la peste noire’, mais sont mieux comprises si elles sont considérées comme le produit d’une spiritualité pénitentielle qui s’accorde parfaitement avec l’appartenance au troisième ordre franciscain [de fra Pietro di Pepo di Goro Sansedoni [9]Dans le Diario sanese de Girolamo Gigli, on apprend que « l’église intitulée du nom du Saint Précurseur, et qui était près de la Badia Nuova (dans les temps anciens en dehors de la ville), a été construite par Fra Pietro di Pepo di Goro Sansedoni vers l’an 1352, au moyen de certains de ses biens et avec l’autorité de Azzolino Malevolti évêque de Sienne (Mem. che … Poursuivre], fondateur du monastère » (qui est vraisemblablement aussi le commanditaire du retable, comme l’a également démontré Gabriele Fattorini [10]Gabriele Fattorini, « Luca di Tommè, Sano di Pietro e due polittici per la chiesa di San Giovanni Battista all’Abbadia Nuova di Siena », op. cit., pp. 60-91..

4
5

À la lumière des données connues, il est possible de comprendre la fonction originelle du polyptyque de Luca di Tommè : celui-ci a été commandé, vraisemblablement par Pietro di Pepo, afin de servir d’ornement à ce qui devait être l’unique autel de la petite église annexée au monastère fondé par lui. La typologie singulière du retable, liée aux variations d’échelle observée entre les figures représentée, visait à honorer avant tout, au centre, la Vierge et son Fils, ainsi que les deux saints Giovanni Battista et Gregorio auxquels était dédié le monastère, en les présentant dans des dimensions plus grandes, sans être figurées en pied ; aux extrémités, semblant situées à l’arrière-plan en raison de leur plus petite taille, apparaissent les figures de deux saints qui devaient avoir une valeur particulière pour le commanditaire : de fait, François était le titulaire de l’ordre laïc auquel celui-ci appartenait ; Nicolas, quant à lui, semble, par son seul nom, vouloir rendre hommage à une sœur de Pietro di Pepo qui partageait avec lui l’amour du couvent et l’observance d’une spiritualité franciscaine et pénitentielle dont le présent polyptyque est l’expression évidente, comme, du reste, le déclare l’Enfant-Jésus dans l’inscription du cartouche.

Il n’est pas exclu que le retable ait été complété par une prédelle, mais il semble n’en demeurer aucune trace.

Dans les compartiments au format triangulaire du couronnement, sont figurés respectivement :

6
7
8
9
10

Notes

Notes
1 La suppression de certaines parties de la dorure qui n’étaient pas d’origine a permis à Gabriele Fattorini de transcrire les restes des inscriptions permettant d’identifier les différents saints figurés.
2 Gabriele Fattorini note que le cas du saint évêque peint à gauche et « privé d’attributs significatifs » ne peut être identifié que par l’inscription dont seules subsistent les lettres « … HO … », qu’il pense pouvoir interpréter comme un fragment de « [• S • NIC]HO[LAUS •] » (« Più difficile il caso del santo vescovo, che essendo privo di significativi attributi può essere individuato solo grazie all’iscrizione; di essa restano solo le lettere ‘…HO…’, che io credo da interpretare come frammento di ‘• S • NIC[HO]LAUS • ]. » ou « Nicolas » Gabriele Fattorini, « Luca di Tommè, Sano di Pietro e due polittici per la chiesa di San Giovanni Battista all’Abbadia Nuova di Siena »Prospettiva, N° 126/127 (Aprile-Luglio 2007), p. 70.
3 « Voici l’Agneau de Dieu, voici celui qui enlève les péchés du monde. » L’Évangile selon Jean (Jn 1, 29) rapporte que ces paroles auraient été prononcées par Jean Baptiste voyant Jésus s’avancer vers lui sur les bords du Jourdain le jour du baptême.
4 « [Tunc Iesus dixit discipulis suis :] Si quis vult post me venire, abneget semetipsum, et tollat crucem suam, et sequatur me » (« [Alors Jésus dit à ses disciples :] ‘Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, et qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive.’ »). Évangile selon Matthieu (Mt 16, 24).
5 Selon Cesare Brandi (BRANDI 1933, p. 160), le texte complet était le suivant : « L[u]cas Thome d[e] Sen[is] P[inxit] hoc Opus » (« Luca di Tommé, de Sienne, peignit cet ouvrage »).
6 Le cartel du Musée indique pour origine de l’œuvre la chapelle du Munisterino alle Tolfe, à Sienne. Cependant, Gabriele Fattorini a montré que le présent polyptyque, dit « des Tolfe », du nom du lieu-dit situé près de Sienne où il a été retrouvé au XIXe s., n’était pas, à l’origine, destiné à ce lieu, mais a été exécuté dans les années 1360 pour l’église siennoise de San Giovanni Battista all’Abbadia Nuova, sur commission probable du fondateur de celle-ci : fra Pietro di Pepo Sansedoni. Voir : Gabriele Fattorini, « Luca di Tommè, Sano di Pietro e due polittici per la chiesa di San Giovanni Battista all’Abbadia Nuova di Siena », Prospettiva, N° 126/127 (Aprile-Luglio 2007), pp. 60-91.
7 Voir, notamment, FATTORINI, Gabriele (dir.), ANGELINI, Alessandro, GUIDUCCI, Anna-Maria, LOSERIES, Wolfgang, Sano di Pietro, Qualità, devozione e pratica nella pittura senese des Quattrocento (Giornate di studio nel sesto centennario della nascità. Sienne, 5 décembre 2005 – Asciano, 6 décembre 2005), Silvana Editoriale – Musei Senesi, 2012, p.
8 Ce jugement fut un prélude au célèbre Painting in Florence and Siena after the Black Death (1951) dans lequel Meiss tente de démontrer que la peste de 1348 a eu un poids décisif sur les développements de la peinture toscane dans la seconde moitié du XIVe siècle. De nombreuses études ultérieures ont montré à leur tour que cette thèse était trop généralisée et ont proposé d’autres interprétations.
9 Dans le Diario sanese de Girolamo Gigli, on apprend que « l’église intitulée du nom du Saint Précurseur, et qui était près de la Badia Nuova (dans les temps anciens en dehors de la ville), a été construite par Fra Pietro di Pepo di Goro Sansedoni vers l’an 1352, au moyen de certains de ses biens et avec l’autorité de Azzolino Malevolti évêque de Sienne (Mem. che serbansi dai Sigg. Sansedoni in più Istorie, e Bolle). A cela, il ajouta, en 1334, un Monastère de Religieuses de l’Ordre de Saint-Augustin, dans lequel certaines Dames de la même famille portent habituellement l’habit religieux. Elles étaient sous l’ordinaire car elles n’étaient pas strictement religieuses, et dépendaient donc de l’abbé de la Badia voisine, qui était également vicaire. La surintendance du Monastère était à cette époque sous l’autorité du Fondateur, et a ensuite continué à être détenue par les Seigneurs de la famille Sansedoni. Que le Munistero connu sous le nom de Santa Maria delle Tolfe a été ajouté à ce monastère par le pape Grégoire XII. Ceci est attesté par Tizio, ajoutant qu’il était également propriété des religieuses augustiniennes (Girolamo Gigli, Diario sanese in cui si veggono alla giornata tutte le cose importanti sì allo Spirituale, come al Temporale della Città, e però continente Feste, Stazioni, Signorie, Residenze di Maestrati, Fiere dello Stato, Ferie, Giorni della Posta, e Notizie per la partenza delle Lettere. E finalmente cose notabili accadute in Siena in quella giornata, coll’Indice in ultimo di tutt’i Santi Sanesi, e Famiglie Nobili della Città, Sienne, Nella Stamp. dell’A.R. della Sereniss. Gran Principessa Gov. presso Francesco Quinza, 1722.).
10 Gabriele Fattorini, « Luca di Tommè, Sano di Pietro e due polittici per la chiesa di San Giovanni Battista all’Abbadia Nuova di Siena », op. cit., pp. 60-91.