Girolamo di Benvenuto, “La Madonna della Neve. Pala Sozzini”

Girolamo di Benvenuto (Sienne, 1470 – 1524)

La Madonna della Neve. Pala Sozzini (La Madone des neiges. Retable Sozzini), 1508 (daté et signé).

Tempera sur panneau, 184 x 203 cm.

Inscriptions (en bas, au centre du pavement) : “OPUS JHERONIMI BENVENUTI DE SENIS MCCCCCVIII”

Provenance : Église de San Domenico, Chapelle Sozzini, Sienne.

Sienne, Pinacoteca Nazionale.

Girolamo di Benvenuto (Sienne, actif entre 1495 et 1525) a été formé par son père, le peintre Benvenuto di Giovanni. On lui doit notamment deux splendides œuvres consacrées à la Assomption de la Vierge, l’une conservée à Montalcino (Museo Civico e Diocesano), l’autre peinte à fresque dans la petite Capella della Madonna delle Nevi construite à l’extérieur de l’enceinte fortifiée de Torrita di Siena, contre la muraille de la ville.

La Pala Sozzini tire son nom de la famille Sozzini dont la chapelle familiale se trouvait dans la Basilique de San Domenico à Sienne.

Le panneau central

Le panneau central de la pala met en scène une Sacra Conversazione autour de la Vierge de la Neige, ainsi dénommée lorsque sa présence a pour but de commémorer un miracle dont elle est à l’origine. Selon cette légende tardive, le miracle, survenu le 5 août 356 à Rome, est à l’origine de la fondation de la Basilique de Sainte-Marie-Majeure.

Peints sur le même thème par deux des plus grands peintres siennois du XVe s, des précédents célèbres étaient visibles à Sienne, et il est plus que probable que Girolamo di Benvenuto ait eu l’occasion de les étudier. Parmi eux, on trouve la pala exécutée par Matteo di Giovanni pour la petite chapelle de la Madonna delle Nevi de la via dei Montanini, encore sur place, et, surtout, la Madonna delle Nevi peinte par Sassetta pour l’autel de la chapelle de San Bonifacio, dans le Duomo siennois. [1]

Sous une loggia largement ouverte sur l’extérieur, quatre saints figurent au premier plan ; de gauche à droite :

  • Dominique ;
  • Catherine d’Alexandrie ; à ses pieds, l’attribut qui l’identifie est constitué des fragments de la croûte dentée, instrument de son martyre que des anges, selon la légende, auraient fait voler en éclats ; le réalisme de la représentation de ces énormes morceaux de bois est une nouveauté récente dans la Sienne de l’époque
  • Catherine de Sienne ; souvent placée en pendant de Catherine d’Alexandrie avec qui elle partage le même prénom, elle porte l’habit dominicain et présente la fleur de lys chère à son Ordre
  • Jérôme ; son habit de cardinal et sa longue barbe blanche le désigne comme Docteur de l’Eglise ; concentré dans sa lecture, rien ne semble pouvoir le distraire

Derrière le trône, quatre saints évoquent le légendaire miracle en tenant dans les mains ou sur un plateau des boules de neige si parfaitement formées qu’elles ressemblent à nos boules de pétanque …

Assis sur la première marche du trône, l’étrange figure à la carnation ocre que nous voyons apparaître est un angelot. Occupé à accorder son luth, il s’apprête à jouer de son instrument.

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Que dit la légende ? Un riche patricien, du nom de Giovanni, et sa femme, demandèrent à la Vierge qu’elle leur indique à quelle œuvre sainte elle souhaitait que les richesses qu’ils voulaient lui léguer soit consacrées. La Madonne ne tarda pas à faire connaître sa réponse et leur apparut en songe afin de signifier son souhait de voir ériger une église à l’endroit de Rome où il neigerait dans la nuit, le 5 août (ce qui est suffisamment peu courant à Rome pour prendre l’allure d’un miracle digne de ce nom).

Le couple avertit le pape Libère, qui avait fait le même rêve ; tous se rendirent en grande pompe sur le mont Esquilin où ils constatèrent qu’il avait effectivement neigé dans la nuit. Le pape Libère, s’emparant d’une bêche, traça le contour de l’église autour de la forme dessinée sur le sol par la chute de neige, puis fit construire l’édifice, aux frais de Giovanni et de son épouse. 

La lunette

Le retable a retrouvé sa lunette d’origine, une Lamentation sur le Christ mort, après bien des débats et une erreur d’assemblage qui a laissé des traces. C’est ainsi que le panneau central a longtemps été associé avec la lunette de la Pala Placidi (Sienne, Église de San Domenico) qui fut d’ailleurs découpée spécialement pour être adaptée au format du panneau principal. [2]

La prédelle de la Pala Sozzini
Reconstruction de la Pala Sozzini de Girolamo di Benvenuto, 1508, pour l’église de San Domenico à Sienne (M. Brüggen Israëls, in M. Brüggen Israëls, C. Strehlke, « The Bernard and Mary Berenson Collection of European Paintings at I Tatti », Firenze-Milano, 2015).

La prédelle sur laquelle reposait la Pala Sozzini est aujourd’hui démembrée. Elle comportait [3] une narration en quatre épisodes de l’événement prodigieux de la fondation de la basilique romaine de Santa Maria Maggiore dont subsistent tous les compartiments (seul le compartiment central, représentant une Résurrection, est perdu). Les petits panneaux étaient ordonnés de gauche à droite, selon une chronologie qui ne respecte pas la narration mais qui permet de disposer symétriquement les deux apparitions, comme indiqué ci-dessous :

[1] C’est la raison pour laquelle la lunette de la Pala Placidi semble dorénavant mal adaptée au panneau principal dont elle est le couronnement.

[2] Aujourd’hui présentée, avec toute la collection Contini-Bonacossi, aux Offices de Florence.

[3] Voir : M. Brüggen Israëls, C. Strehlke, The Bernard and Mary Berenson Collection of European Paintings at I Tatti, Firenze-Milano, 2015.