Sala di Balìa


Salle du Baillage

La « sala di Balìa », ou salle du Baillage, est également appelée « salle des Prieurs ». C’est ici que se réunirent, à partir de 1455, les membres de l’institution du même nom. C’est de cette même époque que date l’appellation usuelle de Sala di Balìa [1].

Aux murs, les fresques qui illustrent la vie d’Alexandre III (le siennois Rolando Bandinelli, pape de 1159 à 1181), ont été réalisées par Spinello Aretino, aidé de son fils Parri, tandis que les Allegorie ed altri personaggi (Allégories et autres personnages) peints sur les voûtes sont l’œuvre de Martino di Bartolomeo.

La porte en bois incrusté a été sculptée par Domenico di Niccolò.

Le banc qui longe la paroi sud opposée aux fenêtres est encore celui sur lequel prenaient place les conseillers du Baillage. Il s’agit du meuble réalisé spécialement pour cette salle et pour cet usage par Barna di Turino qui est aussi l’auteur des sculptures et des marqueteries qui en constituent l’ornementation.

Si le décor des quatre voûtes renoue avec les programmes à vocation morale peints dans la salle de la Mappemonde et dans celle de la Paix, l’essentiel du décor des parois est consacré aux Storie di Alessandro III (Épisodes de l’histoire d’Alexandre III) peintes à fresque par Spinello Aretino en 1407-1408.

La rapidité de l’exécution du cycle a été imposée à Spinello par les délais extrêmement courts qui lui ont été imposés pour réaliser un ensemble de cette ampleur. Le contrat entre le peintre et la Commune, daté de juin 1407, prévoyait que les travaux devraient commencer au plus tard en mars 1408. On sait que le peintre encourrait d’importantes amendes en cas de non respect de cette contrainte et que, le temps pressant, il arriva qu’il lui fut interdit de quitter les lieux. Le paiement relatif à l’exécution des banquettes de Barna di Turino eut lieu en octobre 1408, vraisemblablement après leur installation sur place, c’est-à-dire après que les fresques aient été achevées. Les derniers paiements versés à Spinello datent d’août 1408, ce qui vient confirmer l’hypothèse. C’est donc dans un temps extrêmement court – six mois ! – que le peintre mena à bien sa tâche. Ces circonstances expliquent essentiellement la rapidité avec laquelle les fresques ont été réalisées ainsi que, d’un point de vue stylistique, les larges touches de pinceau qui attestent d’un travail effectué à la hâte et conservent les marques visibles de cet empressement. On sait par ailleurs que Parri, fils de Spinello, a collaboré avec lui pour venir à bout d’un travail de cette ampleur en un temps aussi court mais l’identification précise de ses interventions demeure à l’état d’hypothèses.

Le décor des parois : organisation du programme iconographique

Le programme iconographique développé sur les parois de la salle se distingue de celui que l’on voit sur les voûtes – mais aussi des autres cycles peints dans le palais – en ce qu’il vise, non pas à célébrer les vertus (religieuses ou civiques) nécessaires à la bonne marche du gouvernement de l’Etat, mais une figure historique importante pour le rayonnement de la cité (Alexandre III était siennois de naissance), figure que l’on a déjà pu rencontrer dans la salle du Risorgimento où il est présent parmi les précurseurs de l’Unité Italienne.

PAROI SUD

ARC-DOUBLEAU

Façade orientée vers la salle du Risorgimento

Lunette gauche

Il concilio del Laterano

Médaillon

Busto di imperatore o di eroe

Médaillon

Busto di imperatore o di eroe

Lunette droite

Il rogo dei antipapi


Médaillon

Busto di imperatore o di eroe

Face orientée vers la salle des Cardinaux

Lunette gauche

Elezione dell’ antipapa Pasquale III

Médaillon

Busto di imperatore o di eroe

Lunette droite

Papa Alessandro III a Venezia

Médaillon

Busto di imperatore o di eroe

Médaillon

Busto di imperatore o di eroe

PAROI OUEST

Sous les lunettes

Battaglia navale di Punta San Salvatore

PAROI NORD

Lunette gauche

Ludovico VII riceve gli ambasciatori dell’imperatore


Embrasure de la fenêtre

Un re

Lunette droite

Enrico condotto come prigioniero dal doge davanti a papa Alessandro III

Embrasure de la fenêtre

Un cavaliere

Sur le flanc droit de la fenêtre

Un re ; Un cavaliere

PAROI EST

Sous les lunettes

Ritorno trionfale di papa Alessandro III a Roma

Chronologie des épisodes

La chronologie des seize épisodes représentés sur les murs et sur les lunettes de l’arc doubleau commence avec le Couronnement du pape Alexandre III. L’épisode est situé dans la lunette sud de la première travée, sur la droite lorsque l’on entre ici en venant de la salle des Cardinaux, c’est-à-dire selon l’ordre de la circulation tel qu’il était prévu à l’intérieur du palais lorsque l’on provenait de l’escalier principal qui débouchait dans la salle des Neuf et dans l’actuel vestibule. La chronologie se poursuit, selon le sens des aiguilles d’une montre, dans les six lunettes de la première travée de la salle et s’achève sur la droite de l’arc doubleau, avec la scène du Pape Alexandre III à Venise. On passe ensuite dans le registre inférieur, en reprenant à partir de la Consigne de l’épée (sous le Couronnement du pape), avant de passer à la Bataille navale qui occupe toute la largeur du mur. La suite de l’histoire se poursuit, dans la seconde travée de la salle, avec Othon prisonnier conduit devant le pape (lunette au-dessus de la fenêtre) puis, dans la première lunette du mur est, avec la Négociation de la paix. Une stricte chronologie aurait exigé que la seconde lunette représente la Soumission de Frédéric Barberousse. Cependant, la suite historique des événements a été bousculée afin de placer la Soumission en pendant de la Consigne de l’épée (mur sud, première travée). Ainsi, les quatre actions jugées les plus importantes ou les plus glorieuses (Consigne de l’épée, Bataille navale, Soumission de Barberousse et Entrée triomphale à Rome) sont-elles toutes représentées dans le registre bas, qui est aussi le plus en vue. Il faut donc revenir sur la paroi est pour suivre la chronologie de l’histoire (Entrée triomphale), puis observer la lunette droite de la même paroi pour reprendre le cours des choses avec la Lecture des miracles de Thomas Becket, pour achever, ensuite, avec les trois lunettes restantes (Fondation d’Alexandrie, Concile du Latran, et finalement, Bûcher des antipapes).

Schéma de l’ordre des « Scènes de la vie d’Alexandre III », Palazzo Pubblico, Sala di Balìa (d’après RAJAM, 1977).
  1. Spinello Aretino, Incoronazione di papa Alessandro III
  2. Spinello Aretino, Dissidio tra papa Alessandro III e l’imperatore Federico Barbarossa
  3. Spinello Aretino, Papa Alessandro III abbandona Roma vestito da monaco
  4. Spinello Aretino, Ludovico VII riceve gli ambasciatori dell’imperatore
  5. Spinello Aretino, Elezione dell’antipapa Pasquale III
  6. Spinello Aretino, Papa Alessandro III a Venezia
  7. Spinello Aretino, Papa Alessandro III consegna la spada al doge di Venezia
  8. Spinello Aretino, Battaglia navale di Punta San Salvatore
  9. Spinello Aretino, Ottone condotto come prigioniero dal doge davanti a papa Alessandro III
  10. Spinello Aretino, Ottone chiede la pace a papa Alessandro III
  11. Spinello Aretino, Federico Barbarossa si sottomette a papa Alessandro III
  12. Spinello Aretino, Ritorno trionfale di papa Alessandro III a Roma
  13. Spinello Aretino, Racconto dei miracoli di Tommaso Becket
  14. Spinello Aretino, Fondazione della città di Alessandria
  15. Spinello Aretino, Il concilio del Laterano
  16. Spinello Aretino, Il rogo dei antipapi
Arc doubleau

Un arc-doubleau détermine les deux travées de la voûte de la salle. Toutes ses surfaces sont historiées.

Pilastres des angles de la salle
  • Sette virtù e busto di SantAgata
Les fresques de la voûte

Chacune des deux parties de la salle est couverte d’une double voûte à croisée d’ogive dont les huit voûtains sont ornés de figures allégoriques peintes par Martino di Bartolomeo. Le contrat prévoyait que le décor des voûtes soit impérativement achevé en février 1408 afin de laisser le champ libre pour l’intervention de Spinello sur les parois de la salle.

« L’intérêt du cycle de Martino di Bartolomeo, écrit Bertrand Cosnet [2], réside surtout dans sa dimension conventuelle très prononcée. Plusieurs éléments l’investissent effectivement d’un statut comparable à celui des programmes mendiants. D’abord, les vertus sont distribuées dans les voûtains selon la formule franciscaine et dominicaine. Ensuite, elles suivent un ordonnancement qui rappelle fortement les classements les plus rigoureux des docteurs. Chacune des quatre voûtes est consacrée à une vertu cardinale et à ses vertus subsidiaires, lesquelles sont identifiées par des phylactères qu’elles déroulent – les inscriptions sont encore partiellement lisibles. La Prudence est figurée avec la Circonspection, la Sagesse et l’Intelligence ; la Tempérance avec l’Humilité, la Noblesse et la Chasteté ; la Justice avec la Miséricorde, la Paix et une vertu à l’identité incertaine ; la Force avec la Persévérance (?), la Dévotion (?) et le Martyre (?). Enfin, l’iconographie qualifie précisément chaque vertu grâce au jeu des attributs. Les vertus cardinales sont par exemple clairement différenciées des vertus subsidiaires avec une couronne, alors que leurs auxiliaires ont la tête nue ou coiffée d’une guirlande de fleurs ou de laurier.

Le cycle est d’autant plus conforme à la culture des couvents franciscains et dominicains que, à la différence des personnifications de la salle des Neuf, les vertus cardinales ne sont pas figurées en trône parmi les dirigeants de la cité, mais en buste dans une nuée céleste et cernées d’un nimbe rayonnant. Elles sont ainsi pourvues d’une dimension surnaturelle qui les apparente plus à des vertus théologales qu’à des valeurs profanes. De leur côté, les vertus subsidiaires s’inscrivent dans un registre plus sacré que civique. La Persévérance (?) fait par exemple le geste du silence de l’Obéissance, la Dévotion (?) exhibe un médaillon avec l’image du Christ et le Martyre (?) tient un nid portant un pélican nourrissant ses petits. Dans certains cas, elles reprennent très précisément l’iconographie mendiante, comme l’Humilité qui serre contre elle un agneau qu’elle caresse de la main droite, exactement comme dans la chapelle Strozzi.

La figuration de telles images indique que le message délivré par la salle du Bailliage n’était pas seulement politique. À une époque où la commune recouvrait sa souveraineté, elle témoigne de l’aspiration de l’administration siennoise non seulement à renouer avec les fondements de la république, à savoir les valeurs morales, mais aussi à garantir sa cohésion par le culte des vertus ».

Cette hypothèse se trouve confirmée par le décor de la chapelle et de l’anté-chapelle du palais peints exactement à la même époque, pour la première, et cinq ans plus tard pour la seconde.

  • Martino di Bartolomeo, Allegorie ed altri personaggi, voûtes de la salle du Bailliage, fresque, 1407-1408. Sienne, Palazzo Pubblico.
    • Justice
      • Miséricorde
      • Paix (?)
      • ?
    • Force
      • Persévérance (?)
      • Dévotion (?)
      • Martyre (?)
    • Tempérance
      • Humilité
      • Noblesse
      • Chasteté
    • Prudence
      • Circonspection
      • Sagesse
      • Intelligence
    • Tempérance
      • Humilité
      • Noblesse
      • Chasteté

[1] La magistrature de la Balìa di Siena a été, à l’origine, le principal organe du gouvernement indépendant de la République. Après la formation du Grand-duché de Toscane, elle demeura celui du duché de Sienne voulu par les réformes de Cosme Ier de Medicis. À cette époque, la Balìa fut constituée de vingt citoyens qualifiés de risieduti (ayant déjà siégé dans une autre magistrature), qui assumaient cette charge pour une année. Ces vingt citoyens étaient choisis par le Grand-duc, sur une liste établie par le segretario delle leggi.

Les différentes fonctions de la Balìa étaient les suivantes :

  • élection des ambassadeurs envoyés au Prince
  • déterminer les dépenses à effectuer
  • superviser toutes les questions concernant le Monte dei Paschi
  • contrôler les monastères, les confraternites, les hôpitaux et autres institutions de bienfaisance
  • organiser les fêtes de la ville (dont le Palio)
  • plus généralement, décider sur tout les points qui pouvaient paraître utiles pour Sienne

[2] Bertrand Cosnet, « La salle du Bailliage : un cycle conventuel accompli », Sous le regard des Vertus : Italie, XIVe siècle [en ligne]. Tours : Presses universitaires François-Rabelais, 2015 (« Chapitre 3. La sécularisation des vertus ». Généré le 06 mai 2020). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/pufr/8283&gt;. ISBN : 9782869065390. DOI : https://doi.org/10.4000/books.pufr.8283.

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