
Giovanni di Paolo (Sienne, 1403 – 1482)
Crocifissione (Crucifixion), v. 1445.
Fresque.
Inscriptions :
- (dans le titulus crucis au sommet de la croix) : « I.N.R.I. » [1]« I.N.R.I. » : Iesus Nazarenus Rex Iudæorum (Jésus le Nazaréen, roi des Juifs).
Provenance : In situ.
Monteriggioni, ermitage de San Leonardo al Lago, ancien réfectoire.
La partie centrale de cette extraordinaire fresque est définitivement perdue. Cette perte est survenue à l’occasion d’une malheureuse intervention visant créer un étage intermédiaire dans la salle du réfectoire du couvent : l’emplacement du plancher de ce nouvel étage a été situé exactement à mi-hauteur de la fresque. On ne pouvait mieux faire …

Dans la partie supérieure, on peut encore voir la tête et une partie du buste des trois crucifiés. Au centre, le Christ est environné d’anges dont les attitudes caractéristiques manifestent, comme en écho à la souffrance endurée par le Crucifié, la douleur qu’ils éprouvent eux-mêmes. La plupart des silhouettes des personnages qui assistent au drame est également visible. À gauche de l’œuvre, ou, pour mieux dire, à la droite de la croix sur laquelle Jésus agonise, du côté des justes, sont visibles un grand nombre de figures féminines (fig 3-5) parmi lesquelles les saintes femmes. Un jeune enfant assiste à la scène, protégé dans les plis de leurs robes. La plupart d’entre elles sont dorénavant privées de leurs têtes. Outre le petit groupe de personnages placé à proximité du bord gauche de la scène, une seule figure est demeurée intacte : on peut y reconnaître Marie Madeleine, dont le geste plein de pathos – elle se tord les bras de douleur -, fréquent dans l’œuvre de Giovanni di Paolo, reprend à l’identique celui que l’on voit faire à la Vierge dans le compartiment de prédelle contemporain, à quelques mois près, de la fresque de San Leonardo al Lago, conservé à Berlin (Die Kreuzigung Christi. Berlin, Gemäldegalerie, fig 1.). À gauche de la pécheresse, la figure dont les jambes pliées indiquent qu’elle est en train de défaillir est sans aucun doute celle de la Mère de Jésus, déjà représentée dans cette même attitude dans l’une des premières œuvres du peintre (Kreuzigung Christi, Altenburg, Lindenau Museum, fig. 2), également réalisée pour la prédelle d’un polyptyque. Ces deux œuvres, en dépit de dimensions infiniment plus réduites, permettent de se figurer avec un peu moins d’incertitudes l’aspect de la composition de la scène dans son intégrité, avant qu’elle ne soit amputée d’un tiers de sa surface.
À droite, selon une iconographie de la Crucifixion bien établie, apparaît le bas des silhouettes (fig 6-8) de quelques personnages (les pharisiens), vêtus d’habits orientaux pour mieux les désigner, ainsi que de chevaux dont les cavaliers ne peuvent plus être identifiés mais parmi lesquels figurait à coup sûr le centurion Longin, qui est bien présent dans les compartiments de prédelle conservés à Berlin et Altenburg.
Une frise, dans laquelle alternent des médaillons en forme de losanges quadrilobés et des figures géométriques d’un bel effet décoratif, court tout autour de la scène. Si cette frise crée un encadrement destiné à mettre en valeur l’image de la grande Crucifixion d’une manière qui s’apparente à une tapisserie, elle permet également de faire figurer un certain nombre de portraits de prophètes armés de phylactères devenus pour l’essentiel illisibles, d’apôtres, ainsi que des saints les plus vénérés jadis en ces lieux : au tout premier chef Léonard, le limousin, muni de son attribut symbolique [2]Cet attribut consiste en une paire d’entraves métalliques, ancêtres des menottes modernes. et Augustin, que l’on voit à une place d’honneur [3]Comme dans le cas de Leonardo, saint titulaire du monastère, la présence d’Augustin en tant que chef d’ordre n’est pas étonnante en position visible., immédiatement après les apôtres Marc et Luc, à droite et à gauche du médaillon central de la partie basse de cette frise (dont la figure aujourd’hui est entièrement effacée). Le principe de cette frise n’est pas sans rappeler l’éblouissant précédent que constitue la structure visuelle de la Maestà du Palazzo Pubblico de Sienne, peinte par Simone Martini.
On notera l’étonnante figure du prophète (fig. 15) qui, tenant devant lui un phylactère comme on tient son journal, adopte une attitude inédite : la tête renversée en arrière et tournant le dos au spectateur, toute son attention est concentrée sur le spectacle dramatique qui se déroule au-dessus [4]Le même type de figure se retrouvera un demi-siècle plus tard dans la chapelle de San Biagio, ornée de célèbres fresques de Luca Signorelli (et Fra Angelico), à Orvieto., preuve s’il en fallait, de l’existence du lien signifiant qu’entretiennent la scène principale et son encadrement.
Notes
1↑ | « I.N.R.I. » : Iesus Nazarenus Rex Iudæorum (Jésus le Nazaréen, roi des Juifs). |
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2↑ | Cet attribut consiste en une paire d’entraves métalliques, ancêtres des menottes modernes. |
3↑ | Comme dans le cas de Leonardo, saint titulaire du monastère, la présence d’Augustin en tant que chef d’ordre n’est pas étonnante en position visible. |
4↑ | Le même type de figure se retrouvera un demi-siècle plus tard dans la chapelle de San Biagio, ornée de célèbres fresques de Luca Signorelli (et Fra Angelico), à Orvieto. |
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