
Domenico di Giacomo di Pace, dit ‘Mecarino’ ou Domenico Beccafumi (Sovicille, v. 1484 – Sienne, 1551)
La Trinità ; I Santi Cosma e Giovanni Battista ; I Santi Giovanni Evangelista e Damiano (La Trinité ; Les saints Côme et Jean Baptiste ; Les saints Jean l’Évangéliste et Damien), v. 1512-1313.
Huile sur panneau, 152 x 240 cm (avec son cadre original).
Inscriptions :
- (sur un billet feint, à la base cadre) : « QVESTA TAVOLA A FATTA FARE BATTISTA DANTONIO DA CEVA P[ER] SVA DEVOZIONE » [1]« Ce panneau, Battista d’Antonio da Ceva l’a fait faire pour sa dévotion. »
Provenance : Chapelle du Manto [2]Francesco Bossio fut, en 1575, l’unique témoin en mesure de voir l’œuvre alors qu’elle était encore sur l’autel de la Madonna del Manto : « Subinde, visitavit Capellam Virginis nuncupatam del Manto, que habet Altare […] cum imagine Crucifixi et aliarum sanctarum Virginum (sic) in tabula depictis et desuper adest imago Beatae Virginis depicta in muro».» (« Ensuite, … Poursuivre, Hôpital de Santa Maria della Scala, Sienne.
Sienne, Pinacoteca Nazionale.
Dès son retour d’un bref séjour à Rome [3]Ce séjour est mentionné par Vasari : « Dans son ardent désir d’apprendre, et se rendant compte qu’il perdait son temps à Sienne, il demanda un congé à Lorenzo Beccafumi ; considéré comme faisant partie de la famille, il prit le nom de Beccafumi et partit pour Rome. Il conclut un arrangement avec un peintre qui le prit chez lui au pair et pour qui il travaillait beaucoup, tout en … Poursuivre, que l’on peut dater entre 1510 et 1511, le peintre Domenico Beccafumi est engagé par la direction de l’hôpital de Santa Maria della Scala pour peindre des fresques représentant des épisodes de la vie de la Vierge sur les murs de chapelle de la Madonna del Manto, et en orner les voûtes de grotesques [4]La chapelle abritait déjà la Madonna del Manto, fresque votive peinte par Domenico di Bartolo en 1444. Bartolomeo di Davide y aurait également travaillé à la fresque, représentant des « paysages » dont seule une vue idéale de Rome, identifiée par Alessandro Bagnoli comme une œuvre de cet artiste, est apparue après la restauration.. Le présent retable, peint à l’origine pour l’autel de la chapelle du Manto [5]Cette chapelle se trouvait – et se trouve encore – dans l’Hôpital de Santa Maria della Scala., avait déjà été retiré de cet emplacement lors des importants travaux entrepris dans l’ancien hôpital au début du XVIIe siècle [6]Voir « Chronologie » dans Complesso Museale di Santa Maria della Scala.. Dans cette entreprise, Pandolfo Petrucci – puis son fils Borghese après lui – joua à l’époque un rôle décisif. Domenico devait sans doute avoir déjà fait preuve de son talent en travaillant dans le palais du tyran de Sienne, probablement dans la salle des Divinités et des Vertus, dont le décor est aujourd’hui disparu [7]Voir Marco FAGIANI, Girolamo Genga pittore : gli inizi e l’attività tra Firenze e Siena, Tesi di Laurea magistrale, Università degli Studi di Siena, 2017, II.d.. Ce précédent pourrait expliquer le rôle important confié dès son retour de Rome au tout jeune artiste, dans un lieu aussi prestigieux, et alors que sa renommée était encore loin de celle qu’il devait connaître dès les années suivantes. Après la disparition de Pandolfo Petrucci, survenue en 1512, Domenico continua à opérer à l’intérieur de la chapelle, réalisant le présent retable que lui avait commandé Giovanni Battista d’Antonio da Ceva, greffier de l’hôpital, œuvre qu’il acheva en 1513 [8]Le 18 février de cette même année, en effet, Beccafumi reçoit une première compensation partielle pour « une partie de l’édifice… de la voûte et du panneau » (Donato SANMINIATELLI, Domenico Beccafumi, Milan, Bramante Editrice, 1967, p. 47, n. 5 ; Daniela GALLAVOTTI CAVALLERO, 1980, p. 227). Il est donc vraisemblable que lorsque le 6 mai suivant Battista d’Antonio da … Poursuivre, le triptyque était désormais achevé [9](D. SANMINIATELLI, op. cit., p. 73) (docs. 19, 32) ; Roberto BARTALINI (dir.), Domenico Beccafumi e il suo tempo (cat. d’exp., Sienne, 1990), Milan, Electa, 1990, p. 94..
Longtemps considéré comme la première œuvre connue de Domenico Beccafumi [10]Voir : Domenico Beccafumi, référence à l’article d’Alessandro Angelini (2015)., ce triptyque présente une apparence sévère qui doit beaucoup à son chromatisme sombre et à un imposant encadrement, véritable architecture faite de pilastres supportant un entablement [11]« L’œuvre est […] divisée en compartiments égaux par quatre pilastres d’origine, une architrave et un socle, décorés de grotesques par Beccafumi lui-même. » (Daniela GALLAVOTTI CAVALLERO, Lo Spedale di Santa Maria della Scala in Siena. Vicenda di una committenza artistica, Pise, Monte dei Paschi di Siena, 1985, p. 285, note 39). Girolamo MACCHI (Memorie, II, … Poursuivre venue souligner avec force la division tripartite de la composition picturale : les trois compartiments qui en résultent comprennent une représentation de la Trinité, au centre et, sur les côtés, émergeant de l’obscurité ambiante et distribuées de part et d’autre de la Trinité selon une symétrie pleine de sens, quatre figures de saints : les deux Jean, le Baptiste, d’une part, protecteur du commanditaire, et l’Évangéliste, d’autre part, accompagnés des deux frères médecins Côme et Damien [12]Pour la figure de Damien, il existe aux Offices de Florence (Gabinetto Disegno e Stampe 1254F) une étude à la plume et à l’aquarelle sur papier, qui est étroitement liée, sur un plan stylistique, au carton de la Visitazione con San Rocco et Sebastiano (Uffizi, Gabinetto Disegni e Stampe 701E) conçu par Beccafumi l’année précédente pour l’un des récits mariaux qu’il … Poursuivre, dont la présence est particulièrement adaptée à un lieu dans lequel des soins étaient donnés aux malades. Les quatre saints, propulsés « en avant de la vaste zone de l’arrière-plan, restent comme compressés dans l’espace limité dont ils disposent. » Ces figures de saints aux corps extrêmement allongés s’approprient a minima la liberté des proportions ainsi que le nouveau « canon » révélés depuis peu par Michel-Ange dans son David florentin. De même, les poses « artificielles », ou très recherchées, les mains puissantes [13]Ces mains empruntent également l’aspect crispé de celles du David., les rotations et les déséquilibres subtils des personnages dans l’espace montrent que l’arrivée, en 1504, des sculptures du jeune Michel-Ange pour la chapelle Piccolomini, dans la nef de la cathédrale, ne fut pas sans conséquences sur l’artiste siennois [14]Ulrich MIDDELDORF, « Two Sienese Prints », dans The Burlington Magazine, CXVI, 1974, pp. 104-110..
« La scène centrale avec la Trinité rappelle surtout certains modèles emblématiques de Fra’ Bartolomeo et Mariotto Albertinelli, mais dans une atmosphère fougueuse et d’humeur fébrile, soulignée par les tons acides de la couleur et par les expressions envoûtantes des petits anges suspendus entre les nuages, selon une invention Raphaelesque destinée à une grand avenir » [15]Alessandro ANGELINI, Il buon secolo della pittura senese (cat. d’exp.), Pise, Pacini, 2017, p. 98..
Notes
1↑ | « Ce panneau, Battista d’Antonio da Ceva l’a fait faire pour sa dévotion. » |
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2↑ | Francesco Bossio fut, en 1575, l’unique témoin en mesure de voir l’œuvre alors qu’elle était encore sur l’autel de la Madonna del Manto : « Subinde, visitavit Capellam Virginis nuncupatam del Manto, que habet Altare […] cum imagine Crucifixi et aliarum sanctarum Virginum (sic) in tabula depictis et desuper adest imago Beatae Virginis depicta in muro».» (« Ensuite, il visita la chapelle de la Vierge appelée del Manto, qui a un autel […] avec l’image de la Crucifixion et d’autres saintes Vierges (sic) peintes sur le panneau, et au-dessus il y a une image de la Sainte Vierge peinte sur le mur. »), H. W. van OS, « Bossio’s Inventory of 1575 », dans H. W. van OS, Vecchietta and the Sacristy of the Siena Hospital Church. A Study in Renaissance Religious Symbolism, 1974, p. 84) ; après 1610, une fois la chapelle devenue vestibule de l’hôpital, le retable est déplacé sur un petit autel dans l’ancienne aile du Pellegrinaio (D. GALLAVOTTI CAVALLERO, 1985, p. 294, note 39). Il y resta jusqu’en 1818 (cf. G. A. PECCI, 1761 ; Giovacchino FALUSCHI, Breve Relazione delle cose più notabili della città di Siena, Sienne, Stamperia Mucci, 1815 ; en 1815, le retable est déposé à l’Istituto di Belle Arti, en vue de son intégration dans la « Galerie » conçue, à partir de 1812, par l’abbé Luigi De Angelis. Voir Roberto BARTALINI (dir.), Domenico Beccafumi e il suo tempo (cat. d’exp., Sienne, 1990), Milan, Electa, 1990, p. 94. |
3↑ | Ce séjour est mentionné par Vasari : « Dans son ardent désir d’apprendre, et se rendant compte qu’il perdait son temps à Sienne, il demanda un congé à Lorenzo Beccafumi ; considéré comme faisant partie de la famille, il prit le nom de Beccafumi et partit pour Rome. Il conclut un arrangement avec un peintre qui le prit chez lui au pair et pour qui il travaillait beaucoup, tout en étudiant les chefs-d’œuvre de Michel-Ange et de Raphaël, et d’autres maîtres excellents, ainsi que les plus belles statues et les monuments antiques. Très vite, il devint un dessinateur de première force, riche d’invention et merveilleux coloriste. Durant ce laps de temps qui n’excèda pas deux ans, le seul de ses ouvrages digne d’être signalé, est une façade dans le Borgo, avec les armes en couleurs du pape Jules II. » Vasari, Vies…, traduction et édition d’André Chastel, Paris, Berger-Levrault, pp. 79-80. |
4↑ | La chapelle abritait déjà la Madonna del Manto, fresque votive peinte par Domenico di Bartolo en 1444. Bartolomeo di Davide y aurait également travaillé à la fresque, représentant des « paysages » dont seule une vue idéale de Rome, identifiée par Alessandro Bagnoli comme une œuvre de cet artiste, est apparue après la restauration. |
5↑ | Cette chapelle se trouvait – et se trouve encore – dans l’Hôpital de Santa Maria della Scala. |
6↑ | Voir « Chronologie » dans Complesso Museale di Santa Maria della Scala. |
7↑ | Voir Marco FAGIANI, Girolamo Genga pittore : gli inizi e l’attività tra Firenze e Siena, Tesi di Laurea magistrale, Università degli Studi di Siena, 2017, II.d. |
8↑ | Le 18 février de cette même année, en effet, Beccafumi reçoit une première compensation partielle pour « une partie de l’édifice… de la voûte et du panneau » (Donato SANMINIATELLI, Domenico Beccafumi, Milan, Bramante Editrice, 1967, p. 47, n. 5 ; Daniela GALLAVOTTI CAVALLERO, 1980, p. 227). Il est donc vraisemblable que lorsque le 6 mai suivant Battista d’Antonio da Ceva – le « commis » de l’Hôpital qui fut aussi le donateur du triptyque, mentionné dans l’épigraphe placée au centre de la base – débourse cent quarante lires à cet effet, refusant d’allouer davantage d’argent ((« … donò Battista d’Antonio da Ceva nostro commesso … e ordinò ne fusse fatta una tavola della Trinitade in sull’altare di decta Madonna e benché montasse di più lui non volea pagar di più » (« […] Battista d’Antonio da Ceva a fait don à notre assistant […] et a ordonné qu’un panneau de la Trinité soit fait sur l’autel de ladite Madone et bien qu’il ait monté plus [bien que son prix ait augmenté], il ne voulut pas payer plus. » |
9↑ | (D. SANMINIATELLI, op. cit., p. 73) (docs. 19, 32) ; Roberto BARTALINI (dir.), Domenico Beccafumi e il suo tempo (cat. d’exp., Sienne, 1990), Milan, Electa, 1990, p. 94. |
10↑ | Voir : Domenico Beccafumi, référence à l’article d’Alessandro Angelini (2015). |
11↑ | « L’œuvre est […] divisée en compartiments égaux par quatre pilastres d’origine, une architrave et un socle, décorés de grotesques par Beccafumi lui-même. » (Daniela GALLAVOTTI CAVALLERO, Lo Spedale di Santa Maria della Scala in Siena. Vicenda di una committenza artistica, Pise, Monte dei Paschi di Siena, 1985, p. 285, note 39). Girolamo MACCHI (Memorie, II, c. 267) rapporte que la charpenterie de bois fut exécutée par Pietro legnaiolo. Cette solution, singulière pour un retable, avec sa précieuse menuiserie carrée, toute décorée de motifs grotesques probablement similaires à ceux expérimentés par Domenico sur les voûtes de la chapelle, évoque moins une peinture sacrée qu’une solution adoptée pour une œuvre profane, comme celle dont le jeune Domenico avait dû se servir quelques années plus tôt pour encadrer ses Héroïnes (Cléopâtre, Artemise et Giuditta), aujourd’hui dans la Collection Chigi Saracini. |
12↑ | Pour la figure de Damien, il existe aux Offices de Florence (Gabinetto Disegno e Stampe 1254F) une étude à la plume et à l’aquarelle sur papier, qui est étroitement liée, sur un plan stylistique, au carton de la Visitazione con San Rocco et Sebastiano (Uffizi, Gabinetto Disegni e Stampe 701E) conçu par Beccafumi l’année précédente pour l’un des récits mariaux qu’il avait été chargé de peindre, précisément sur les parois de la chapelle du Manto (ANGELINI 1992). |
13↑ | Ces mains empruntent également l’aspect crispé de celles du David. |
14↑ | Ulrich MIDDELDORF, « Two Sienese Prints », dans The Burlington Magazine, CXVI, 1974, pp. 104-110. |
15↑ | Alessandro ANGELINI, Il buon secolo della pittura senese (cat. d’exp.), Pise, Pacini, 2017, p. 98. |
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