Simone Martini (Sienne, v. 1284 – Avignon, 1344)
Madonna col Bambino tra Santi. Polittico di Pisa o di Santa Caterina (Vierge à l’Enfant entouré de saints. Polyptyque de Pise ou de Sainte Catherine), v. 1319-1320.
Tempéra et or sur panneau, 195 x 340 cm (ensemble des panneaux).
Inscriptions [1]Les inscriptions, en particulier celles placées dans les phylactères des prophètes, sont aujourd’hui en grande partie illisibles. Elles ont été transcrites au début du XXe siècle, à partir d’anciennes photographies Alinari et Anderson, dans P. Innoncenzo Taurisano et al., Per la riapertura della Chiesa monumentale di Santa Caterina in Pisa. Pise, 1927, p. 22. :
- (dans le bas de l’encadrement du compartiment où figurent la Vierge et l’Enfant) : « SYMON DE SENIS ME PINXIT … » [2]« Simon de Sienne m’a peinte ». La date n’est pas ajoutée à la signature. L’œuvre est cependant documentée en 1320 grâce à la commande effectuée par un certain fra’ Pietro (voir notes 24 et 25) en vue d’orner le maître-autel de l’église du couvent de Santa Caterina, à Pise.
- (dans le livre ouvert présenté par la figure de Dieu le Père) : « EGO / SUM / A • 7 • ω / PRIN/CIPIU[M] / [ET] FINI[S] » [3]Ego sum Alpha et Omega, principium et finis[, dicit Dominus Deus, qui est et qui erat et qui venturus est Omnipotens] (« Je suis l’Alpha et l’Oméga, le principe et la fin, dit le Seigneur Dieu, celui qui est, qui était et qui doit venir, le Tout-Puissant »). Livre de l’Apocalypse (Ap 1, 8).
- (dans le phylactère de Gabriel) : « ANGELUS DOMINI NVNTIAVIT » [4]Angelus Domini nuntiavit [Mariae Et concepit de Spiritu Sancto] (« L’ange du Seigneur apporta l’annonce à Marie. Et elle conçut de l’Esprit-Saint ». Début de la prière de l’Angelus). Le texte de l’inscription a été transcrit dans P. Innocenzo Taurisano et al., op. cit., p. 22, à partir de photographies anciennes.
- (dans le phylactère de Michel) : « MICHEAL PRINCEPS MAGNVS » [5]Le titre Michael princeps magnus donné au « prince des milices célestes » trouve peut-être son origine au chapitre 12 du Livre de Daniel : « […] in tempore autem illo consurget Michahel princeps magnus qui stat pro filiis populi tui et veniet tempus quale non fuit ab eo quo gentes esse coeperunt usque ad tempus illud et in tempore illo salvabitur populus tuus omnis qui inventus fuerit … Poursuivre
- (dans les phylactères des prophètes) :
- Jérémie
- « NOVVUM CREAVIT DOMINVS SVPER TERRAM FEMINA CIRCVMDABIT [VIRVM] » [6][…] [usquequo deliciis dissolveris filia vaga quia] creavit Dominus novum super terram femina circumdabit virum (« Jusques à quand seras-tu errante, Fille égarée? Car l`Éternel crée une chose nouvelle sur la terre : la femme recherchera l’homme ».) Livre de Jérémie (Jr 31, 22), avec des adaptations.
- Isaïe
- « ECCE VIRGO CONCIPIET ET PARIET FILIVM ET VOCABITVR N[OMEN EIVS EMMANVEL] » [7][…] propter hoc dabit Dominus ipse vobis signum ecce virgo concipiet et pariet filium et vocabitis nomen eius Emmanuhel (« C’est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe, Voici, la jeune fille deviendra enceinte, elle enfantera un fils, Et elle lui donnera le nom d’Emmanuel.) Livre d’Isaïe (Is 7, 14).
- David
- / [8]On notera que point n’est besoin de l’extrait d’un texte dont David, le roi musicien, serait l’auteur pour l’identifier, son psaltérion (instrument à corde pincées) y pourvoit avantageusement.
- Moïse
- Sur les deux tablettes présentées frontalement par le prophète, se trouve une version raccourcie du Décalogue (Ex 20, 3-17)
- Daniel
- « LAPIS ABSCISSVS EST DE MONTE SINE MANIBVS » [9][…] videbas ita donec abscisus est lapis sine manibus et percussit statuam in pedibus eius ferreis et fictilibus et comminuit eos (« Tu regardais, lorsqu’une pierre se détacha sans le secours d’aucune main, frappa les pieds de fer et d’argile de la statue, et les mit en pièces ».) ; secundum quod vidisti quod de monte abscisus est lapis sine manibus et comminuit testam et ferrum et … Poursuivre
- Ézéchiel
- « VIDI PORTAM IN DOMO DOMINI CLAVSAM ET VIR [NON TRANSIVIT PER EAM] » [10][…] et dixit Dominus ad me porta haec clausa erit non aperietur et vir non transiet per eam quoniam Dominus Deus Israhel ingressus est per eam eritque clausa (« Et l`Éternel me dit : Cette porte sera fermée, elle ne s’ouvrira point, et personne n’y passera ; car l’Éternel, le Dieu d’Israël est entré par là. Elle restera fermée ».) Livre d’Ézéchiel (Ez 44, 2 avec des … Poursuivre
- Jérémie
- (sur le livre ouvert de Dominique) : « [VENITE FILII AV]DITE ME. TIMOREM DOMINI DOCEBO VOS » [11][…] venite filii audite me timorem Domini docebo vos (« Venez, mes fils, écoutez-moi : je vous enseignerai la crainte du Seigneur ».) Livre des Psaumes (Ps 33, 12).
- (sur le livre de la Vierge) : « VERITATE[M] MEDITABIT[VR] GVTTU[R] MEV[M] ET LABIA MEA DETESTABV[N]T[VR] [IMPIVM] » [12][…] veritatem meditabitur guttur meum et labia mea detestabuntur impium (« Car ma bouche proclame la vérité, Et mes lèvres ont en horreur le mensonge […] ».) Livre des proverbes (Pr 8, 7). Ces mêmes mots constituent l’introduction du traité Contra Gentiles de Thomas d’Aquin.
- (sur le livre présenté frontalement par Thomas d’Aquin) : « VERITATE[M] MEDITABIT[VR] GVTTU[R] MEV[M] ET LABIA MEA DETESTABV[N]T[VR] [IMPIVM] » [13]Livre des proverbes (8, 7). La citation figure au début du traité Contra Gentiles de Thomas d’Aquin.
- L’identification des saints par leurs attributs iconographiques est confirmée, dans le registre principal et dans le couronnement, grâce aux inscriptions qui sont encore lisibles, soit sur l’encadrement (registre principal), soit à même le fond d’or :
- Marie Madeleine : « S[AN]C[T]A MARIA MAGDALENA »
- Thadée : « S[ANCTUS] THA/DEUS«
- Simon : « S[ANCTUS] SY/[M]NOS »
- Dominique : « S[ANCTUS] DOMINICVS »
- Philippe : « S[ANCTUS] PHY/LIPPVS »
- Jacques : « S[ANCTUS] IA/COBI »
- Jean l’Évangeliste : entièrement effacée.
- André : « S[ANCTUS] AN/DREAS »
- Pierre : « S[ANCTUS] PE/TRVS »
- Jean Baptiste : « S[ANCTUS] JOH[ANN]ES BAPTISTA »
- Paul : « S[ANCTUS] PAV/LUS »
- (sur l’une des lettres) : « AD ROMANOS » [14]Ad Romanos : titre des épîtres (lettres) adressées « aux Romains »).
- Jacques : « S[ANCTUS] I/ACOB[I] » [15]La présence, entre le « S » de Sanctus et le « I » de Jacob, d’une coquille en bas-relief permet de reconnaître ici Jacques le Majeur, le pèlerin de Compostelle, et donc de le distinguer de son homonyme, également figuré dans la présente série des douze apôtres.
- Paul : « S[ANCTUS] PAV/LUS »
- Pierre Martyr : « S[ANCTUS] PETRVS MARTIR … »
- Matthieu : « S[ANCTUS] MA/THEUS »
- (sur le livre ouvert de Matthieu) : « IN ILLO T[EM]P[ORE] DIXIT IH[ESU]S DISCIPVLIS [SUIS] » [16]Si la phrase In illo tempore dixit Iesus discipulis suis ne se rencontre nulle part dans Matthieu, elle pourrait néanmoins, selon J. Cannon, renvoyer à un autre texte de l’Évangeliste : […] tunc Iesus dixit discipulis suis si quis vult post me venire abneget semet ipsum et tollat crucem suam et sequatur me (« Alors Jésus dit à ses disciples : Si quelqu’un veut venir après moi, qu`il … Poursuivre
- Barthélémy : « S[ANCTUS] BAR/THOLO/ME[US] »
- Matthieu : « S[ANCTUS] MA/THEUS »
- Catherine : « S[AN]C[T]A MARIA MAGDALENA »
- Thomas : « S[ANCTUS] TH/OMA[SU]S »
- Mattias : « S[ANCTUS] MA[T]/HIAS »
- Marie Madeleine : « S[AN]C[T]A MARIA MAGDALENA »
Provenance : Couvent de Santa Caterina, Pise.
Pise, Museo Nazionale di San Matteo.
Peint par Simone Martini [17]Il s’agit du plus grand des polyptyques de Simone parvenu jusqu’à nous., le Polyptyque de Pise, est demeuré sur l’autel du couvent pisan de Santa Caterina jusqu’en 1680, date à laquelle il a été démonté avant d’être purement et simplement oublié pendant plus d’un siècle. La dernière restauration (2013) a révélé les innombrables « travaux, démontages et retouches [effectués] au cours du temps [18]Dario Matteoni (directeur du Museo di San Matteo et responsable de la restauration conduite en 2013), « Pisa, il polittico di Santa Caterina torna a splendere in San Matteo », Il Giornale dell’Arte, edizione online, 14 maggio 2013. » : à partir de la fin du XVIIIe s., les panneaux ont été remontés à diverses reprises et dans un ordre à chaque fois différent, altérant l’aspect originaire de l’œuvre voulu par son auteur. Le dernier en date de ces remontages, qui date de 1946, est supposé avoir redonné au polyptyque la forme que lui avait donné initialement Simone Martini. Les spécialistes ne semblent cependant pas être unanimement d’accord sur ce point. Ainsi, Andrew Martindale [19]Andrew Martindale, Simone Martini. Oxford, Phaidon, 1988, p. 199. signale que, si l’ordre des compartiments de la prédelle est effectivement déterminé par la séquence des veines du bois [20]La prédelle était initialement constituée d’un unique tasseau de bois qui a été découpé à une période plus récente. C’est pourquoi la veine du bois permet de garantir l’ordre des figures peintes., celui des panneaux du registre principal demeure matière à discussions. Irene Hueck [21]Irene Hueck, « Simone attorno al 1320 », dans Simone Martini: atti del convegno ; Siena, 27 – 29 marzo 1985. Firenze, 1988, pp. 49-54.. propose une interprétation différente (et esthétiquement plus satisfaisante), en déplaçant les deux saints dominicains aux extrémités extérieures de chacun des deux groupes.
L’inscription de la signature n’est pas accompagnée de la date d’exécution de l’œuvre. Cependant, celle-ci est connue grâce à deux sources distinctes qui décrivent les circonstances de la commande. Dans un article paru dans le Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, également fondamental pour un réexamen de l’iconographie de l’œuvre, Joanna Cannon [22]Joanna Cannon, « Simone Martini, The Dominicans and the Early Sienese Polyptych », dans Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, vol. 45, 1982, pp. 69-93. écrit : « Les Annales du couvent dominicain de Sainte Catherine nous apprennent qu’à l’époque (1320-24) où Tommaso da Prato était Prieur, une « très belle peinture » (pulcherrima […] pictura) exécutée par Simone Martini fut installée sur le maître-autel [23]« pulcherrima […] pictura, manu Symonis Senensis qui inter suave tempestatis pictores primas tenuti, de quo Franciscus Petrarca : Quando venne a Simon l’alto concetto ». F. Bonaini, “Di una tavola attribuita a Simone e Lippo Memmi”, dans Memorie inedite intorno alla vita e au dipinti di Francesco Traini, Pise, 1846, pp. 38-39, cité dans J. Cannon, « Simone Martini, The … Poursuivre. Par la suite, la chronique devient plus précise en indiquant que la peinture fut installée sur le maître-autel en 1320, à l’instigation de Fra Pietro, un frère concert, sacristain de Sainte Catherine [24]“Frater Petrus conversus in sacrario nostro cui ministrabat multas sacras vestes fieri procuravit. Ipso […] tabula quale nunc est in ara majori ibi posita fuit anno 1320 ». Bonaini, op. cit., cité dans J. Cannon, op. cit., p. 69.. Une source beaucoup plus ancienne confirme le rôle de Fra Pietro. Il s’agit d’une notice nécrologique du XIVe s. qui rappelle que Fra Pietro, ‘sacristain d’excellence’ (sacrista superexcellens) fut à l’origine du ‘précieux tableau’ (tabulam praetiosam) du maître-autel [25]“Frater Petrus, sacrista superexcellens, multa sacristiae nostrae paramenta paravit. Tabulam praetiosam procuravit fieri majoris altaris”) “Cronaca del convento di Santa Caterina”, ed. F. Bonaini, dans Archivio storico italiano, VI, 2, 1848, p. 500, cité dans J. Cannon, op. cit., p. 69.».
Le polyptyque de Pise est remarquable à plus d’un titre :
- par son format imposant : il est le plus grand réalisé par Simone, et celui qui contient le plus grand nombre de figures (quarante-quatre au total)
- par sa structure : Simone innove en imaginant un édifice élevé sur quatre niveaux de dimensions différentes :
- le registre principal est constitué de sept [26]C’est une première à Sienne où les plus grands polyptyques ne comportaient jusque-là que cinq volet au lieu des sept que l’on voit ici pour la première fois. grands panneaux, celui du centre sensiblement plus large que les autres
- quatorze niches définies par un encadrement en plein cintre (et donc autant de figures sacrées) sont répartis dans sept petits panneaux rectangulaires
- le tout est couronné de sept gâbles où apparaissent six prophètes en demi-buste répartis de part et d’autre de la figure du Christ bénissant
- enfin, dans la prédelle, quinze figures de saints viennent compléter ce véritable répertoire de figures bibliques
- par l’intelligence avec laquelle Simone peint chacun des participants à cette petite foule, usant de mille stratagèmes pour varier les attitudes et les postures des personnages, et éviter ainsi la monotonie qui aurait pu naître de la répétition
- par l’extraordinaire précision de son projet iconographique, d’une complexité rarement égalée
- enfin, par la sublime beauté d’un ensemble où tout : matériaux, couleurs, fluidité de la ligne, traitement des surfaces d’or, … concourt à créer un inestimable monument d’orfèvrerie
La Vierge et l’Enfant résident au centre de l’œuvre, entourés de prophètes, d’apôtres et de saints. Au sommet de la composition apparaît le Christ. Cet emplacement lui est souvent réservé dans les polyptyques siennois mais c’est la première fois qu’il est présenté tenant devant lui un livre ouvert où se lit le texte extrait de l’Apocalypse : “Moi je suis l’Alpha et l’Omega, le début et la fin” qui désigne la divinité trinitaire dont il est l’un des principes. Immédiatement au-dessous de lui figurent les deux archanges, Gabriel et Michel. Leur présence, à l’aplomb du Christ, répète, en les traduisant par le visible, les paroles divines adressées à l’humanité : Gabriel est le messager du début, c’est-à-dire de l’Incarnation, tandis que Michel, prince de la milice céleste, est celui de la fin et du Jugement Dernier, ce que confirment, si besoin était, les inscriptions présentes dans leurs phylactères respectifs [27]On notera que Gabriel porte la branche d’olivier symbole de l’Annonciation et que Michel, quant à lui, arbore de manière appropriée la palme du martyre..
Poursuivant selon un ordre descendant dans la hiérarchie des saints, on voit apparaître les quatre grands prophètes de l’Ancien Testament : au centre, David et Moïse sont entourés d’Isaïe et Jérémie, d’une part, et de Daniel et Ezéchiel, de l’autre. On ne pourra qu’admirer l’attention portée au traitement des rouleaux d’écriture, à la diversité de leurs formes, ainsi qu’aux attitudes variées des différents personnages (Ezéchiel, que l’on voit à droite maintenir le phylactère comme on le ferait d’un journal, semble absorbé dans sa lecture au point d’ignorer le spectateur).
Les apôtres apparaissent après les prophètes pour propager les enseignements du Nouveau Testament. Les douze figures, à une exception près, sont celles à qui la tradition attribue la rédaction des douze articles du Credo dit, précisément, « des Apôtres ». Jean l’Évangéliste ne figure pas parmi eux (il occupe une place d’honneur dans le registre principal). Il est ici remplacé par Paul, venu s’installer symétriquement en pendant avec Pierre. Ici encore, Martini dépeint une profusion d’attitudes : l’un des apôtres lit dans son livre, un autre y écrit, d’autres encore semblen en discussion avec leur voisin, …
Six saints se faisant écho deux à deux, apparaissent de chaque côté de la Vierge à l’Enfant : les deux Jean (le Baptiste, dernier prophète de l’Ancien Testament et précurseur du Christ, et l’Évangéliste auteur de la Révélation), deux Dominicains (Dominique, fondateur de l’Ordre, et Pierre de Vérone, représenté en tant que prêcheur, à l’instar de ce que furent les deux saints [28]Jean Baptiste et Catherine d’Alexandrie. dont il est flanqué), et enfin, Marie Madeleine et Catherine d’Alexandrie.
La prédelle permet de faire figurer, outre les quatre premiers docteurs de l’Église (Grégoire, Jérôme, Augustin et Ambroise), Thomas d’Aquin, troisième Dominicain à apparaître dans le polyptyque (sa canonisation était alors imminente), et lui aussi promis à être déclaré Docteur, ainsi que Marc, dernier des apôtres à apparaître mais à une place d’honneur [29]Cette place sera appelée à devenir en propre celle de Jean l’Evangéliste dans l’iconographie du Christ au sépulcre que Simone, pour la première fois dans un polyptyque siennois, installe au centre de la prédelle., à la gauche du Christ au sépulcre et faisant pendant à la Vierge Marie. Les autres saints venus peupler la prédelle sont tous également des martyrs dont l’identité est rappelée ci-dessous.
GÂBLES, COURONNEMENT ET REGISTRE PRINCIPAL
À gauche,
- gâbles : les prophètes, Jérémie, Isaïe et David
- registre principal : Marie Madeleine (au-dessus, les apôtres Jude Thaddée et Simon ; Dominique (au-dessus, les apôtres Philippe et Jacques le Mineur) ; Jean l’Évangeliste (au-dessus, les apôtres André et Pierre).
Au centre,
- gâbles : Christ bénissant [30]Bien que cette figure soit unanimement qualifiée de Dieu le Père bénissant, nous sommes tentés de voir ici un Christ dont la jeunesse ne semble guère compatible avec la figure de Dieu le Père. L’inscription, généralement associée à cette dernière, n’a rien d’incompatible avec celle du Christ.
- registre principal : La Vierge Marie et l’Enfant-Jésus (au-dessus : les archanges Gabriel et Michel)
À droite,
- gâbles : les prophètes Moïse, Daniel et Ezéchiel
- registre principal : Jean Baptiste (au-dessus, les apôtres Paul et Jacques le Majeur) ; Pierre Martyr (au-dessus, les apôtres Matthieu et Barthélémy) ; Catherine d’Alexandrie (au-dessus, les apôtres Thomas et Matthias).
PRÉDELLE
Au centre, Christ au tombeau entouré de Marie et de l’apôtre Marc [31]Le cartel du musée de Pise indique : Jean l’Évangéliste. Pourtant, la présence du lion, attribut symbolique de l’apôtre Marc, ne laisse planer aucun doute..
De part et d’autre du triptyque central, les saints Etienne, Apollonie, Jérôme [32]À propos de l’identification des quatre docteurs de l’Église – Jérôme, Grégoire, Augustin et Ambroise -, J. Cannon, op. cit., p. 71, note 14, écrit que « l’identité d’Augustin, Ambroise et Grégoire est généralement admise, mais [que] le quatrième [Jérôme] est souvent appelé Nicolas parce que c’est ainsi qu’il est identifié sur l’encadrement … Poursuivre, Lucie [33]La sainte figurée ici est souvent présentée comme Marie Madeleine, sans doute en raison du vase que la figure tient dans ses mains. Pourtant, Madeleine est déjà représentée dans le registre principal et la minutie de l’organisation des figures qui environnent la Vierge se satisferait difficilement de cette répétition. C’est bien Lucie qui est représentée ici, d’une façon … Poursuivre, Grégoire le Grand, Luc, Thomas d’Aquin [34]Dans un texte récent, Marco Collareta revient sur la date de création (1320) du polyptyque généralement admise, en argumentant à nouveau sur la figure nimbée de Thomas d’Aquin : « Comme cela a été justement observé, la date [d’exécution de l’œuvre (1320)] se heurte au fait que la prédelle [du] polyptyque contient l’effigie nimbée de saint Thomas d’Aquin, canonisé … Poursuivre, Augustin, Agnès, Ambroise, Ursule et Laurent.
Notes
1↑ | Les inscriptions, en particulier celles placées dans les phylactères des prophètes, sont aujourd’hui en grande partie illisibles. Elles ont été transcrites au début du XXe siècle, à partir d’anciennes photographies Alinari et Anderson, dans P. Innoncenzo Taurisano et al., Per la riapertura della Chiesa monumentale di Santa Caterina in Pisa. Pise, 1927, p. 22. |
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2↑ | « Simon de Sienne m’a peinte ». La date n’est pas ajoutée à la signature. L’œuvre est cependant documentée en 1320 grâce à la commande effectuée par un certain fra’ Pietro (voir notes 24 et 25) en vue d’orner le maître-autel de l’église du couvent de Santa Caterina, à Pise. |
3↑ | Ego sum Alpha et Omega, principium et finis[, dicit Dominus Deus, qui est et qui erat et qui venturus est Omnipotens] (« Je suis l’Alpha et l’Oméga, le principe et la fin, dit le Seigneur Dieu, celui qui est, qui était et qui doit venir, le Tout-Puissant »). Livre de l’Apocalypse (Ap 1, 8). |
4↑ | Angelus Domini nuntiavit [Mariae Et concepit de Spiritu Sancto] (« L’ange du Seigneur apporta l’annonce à Marie. Et elle conçut de l’Esprit-Saint ». Début de la prière de l’Angelus). Le texte de l’inscription a été transcrit dans P. Innocenzo Taurisano et al., op. cit., p. 22, à partir de photographies anciennes. |
5↑ | Le titre Michael princeps magnus donné au « prince des milices célestes » trouve peut-être son origine au chapitre 12 du Livre de Daniel : « […] in tempore autem illo consurget Michahel princeps magnus qui stat pro filiis populi tui et veniet tempus quale non fuit ab eo quo gentes esse coeperunt usque ad tempus illud et in tempore illo salvabitur populus tuus omnis qui inventus fuerit scriptus in libro » (« En ce temps-là se lèvera Micaël, le grand chef, le défenseur des enfants de ton peuple ; et ce sera une époque de détresse, telle qu’il n’y en a point eu de semblable depuis que les nations existent jusqu’à cette époque. En ce temps-là, ceux de ton peuple qui seront trouvés inscrits dans le livre seront sauvés »). Livre de Daniel (Da 12, 1). |
6↑ | […] [usquequo deliciis dissolveris filia vaga quia] creavit Dominus novum super terram femina circumdabit virum (« Jusques à quand seras-tu errante, Fille égarée? Car l`Éternel crée une chose nouvelle sur la terre : la femme recherchera l’homme ».) Livre de Jérémie (Jr 31, 22), avec des adaptations. |
7↑ | […] propter hoc dabit Dominus ipse vobis signum ecce virgo concipiet et pariet filium et vocabitis nomen eius Emmanuhel (« C’est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe, Voici, la jeune fille deviendra enceinte, elle enfantera un fils, Et elle lui donnera le nom d’Emmanuel.) Livre d’Isaïe (Is 7, 14). |
8↑ | On notera que point n’est besoin de l’extrait d’un texte dont David, le roi musicien, serait l’auteur pour l’identifier, son psaltérion (instrument à corde pincées) y pourvoit avantageusement. |
9↑ | […] videbas ita donec abscisus est lapis sine manibus et percussit statuam in pedibus eius ferreis et fictilibus et comminuit eos (« Tu regardais, lorsqu’une pierre se détacha sans le secours d’aucune main, frappa les pieds de fer et d’argile de la statue, et les mit en pièces ».) ; secundum quod vidisti quod de monte abscisus est lapis sine manibus et comminuit testam et ferrum et aes et argentum et aurum Deus magnus ostendit regi quae futura sunt postea et verum est somnium et fidelis interpretatio eius (« Tu regardais, lorsqu’une pierre se détacha sans le secours d’aucune main, frappa les pieds de fer et d’argile de la statue, et les mit en pièces ».) Livre de Daniel (Da 2, 34 et Da 2, 45) avec des adaptations. |
10↑ | […] et dixit Dominus ad me porta haec clausa erit non aperietur et vir non transiet per eam quoniam Dominus Deus Israhel ingressus est per eam eritque clausa (« Et l`Éternel me dit : Cette porte sera fermée, elle ne s’ouvrira point, et personne n’y passera ; car l’Éternel, le Dieu d’Israël est entré par là. Elle restera fermée ».) Livre d’Ézéchiel (Ez 44, 2 avec des adaptations). |
11↑ | […] venite filii audite me timorem Domini docebo vos (« Venez, mes fils, écoutez-moi : je vous enseignerai la crainte du Seigneur ».) Livre des Psaumes (Ps 33, 12). |
12↑ | […] veritatem meditabitur guttur meum et labia mea detestabuntur impium (« Car ma bouche proclame la vérité, Et mes lèvres ont en horreur le mensonge […] ».) Livre des proverbes (Pr 8, 7). Ces mêmes mots constituent l’introduction du traité Contra Gentiles de Thomas d’Aquin. |
13↑ | Livre des proverbes (8, 7). La citation figure au début du traité Contra Gentiles de Thomas d’Aquin. |
14↑ | Ad Romanos : titre des épîtres (lettres) adressées « aux Romains »). |
15↑ | La présence, entre le « S » de Sanctus et le « I » de Jacob, d’une coquille en bas-relief permet de reconnaître ici Jacques le Majeur, le pèlerin de Compostelle, et donc de le distinguer de son homonyme, également figuré dans la présente série des douze apôtres. |
16↑ | Si la phrase In illo tempore dixit Iesus discipulis suis ne se rencontre nulle part dans Matthieu, elle pourrait néanmoins, selon J. Cannon, renvoyer à un autre texte de l’Évangeliste : […] tunc Iesus dixit discipulis suis si quis vult post me venire abneget semet ipsum et tollat crucem suam et sequatur me (« Alors Jésus dit à ses disciples : Si quelqu’un veut venir après moi, qu`il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix, et qu`il me suive »). Évangile selon Matthieu (Mt 16,24). Cannon justifie cette hypothèse en écrivant que « tous les Dominicains étaient supposés suivre le Christ dans la pauvreté apostolique, et porter leur croix, même si, comme dans le cas de Pierre, leur chemin les conduisait au martyre ». |
17↑ | Il s’agit du plus grand des polyptyques de Simone parvenu jusqu’à nous. |
18↑ | Dario Matteoni (directeur du Museo di San Matteo et responsable de la restauration conduite en 2013), « Pisa, il polittico di Santa Caterina torna a splendere in San Matteo », Il Giornale dell’Arte, edizione online, 14 maggio 2013. |
19↑ | Andrew Martindale, Simone Martini. Oxford, Phaidon, 1988, p. 199. |
20↑ | La prédelle était initialement constituée d’un unique tasseau de bois qui a été découpé à une période plus récente. C’est pourquoi la veine du bois permet de garantir l’ordre des figures peintes. |
21↑ | Irene Hueck, « Simone attorno al 1320 », dans Simone Martini: atti del convegno ; Siena, 27 – 29 marzo 1985. Firenze, 1988, pp. 49-54.. |
22↑ | Joanna Cannon, « Simone Martini, The Dominicans and the Early Sienese Polyptych », dans Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, vol. 45, 1982, pp. 69-93. |
23↑ | « pulcherrima […] pictura, manu Symonis Senensis qui inter suave tempestatis pictores primas tenuti, de quo Franciscus Petrarca : Quando venne a Simon l’alto concetto ». F. Bonaini, “Di una tavola attribuita a Simone e Lippo Memmi”, dans Memorie inedite intorno alla vita e au dipinti di Francesco Traini, Pise, 1846, pp. 38-39, cité dans J. Cannon, « Simone Martini, The Dominicans and the Early Sienese Polyptych », dans Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, vol. 45, 1982, pp. 69-93. |
24↑ | “Frater Petrus conversus in sacrario nostro cui ministrabat multas sacras vestes fieri procuravit. Ipso […] tabula quale nunc est in ara majori ibi posita fuit anno 1320 ». Bonaini, op. cit., cité dans J. Cannon, op. cit., p. 69. |
25↑ | “Frater Petrus, sacrista superexcellens, multa sacristiae nostrae paramenta paravit. Tabulam praetiosam procuravit fieri majoris altaris”) “Cronaca del convento di Santa Caterina”, ed. F. Bonaini, dans Archivio storico italiano, VI, 2, 1848, p. 500, cité dans J. Cannon, op. cit., p. 69. |
26↑ | C’est une première à Sienne où les plus grands polyptyques ne comportaient jusque-là que cinq volet au lieu des sept que l’on voit ici pour la première fois. |
27↑ | On notera que Gabriel porte la branche d’olivier symbole de l’Annonciation et que Michel, quant à lui, arbore de manière appropriée la palme du martyre. |
28↑ | Jean Baptiste et Catherine d’Alexandrie. |
29↑ | Cette place sera appelée à devenir en propre celle de Jean l’Evangéliste dans l’iconographie du Christ au sépulcre que Simone, pour la première fois dans un polyptyque siennois, installe au centre de la prédelle. |
30↑ | Bien que cette figure soit unanimement qualifiée de Dieu le Père bénissant, nous sommes tentés de voir ici un Christ dont la jeunesse ne semble guère compatible avec la figure de Dieu le Père. L’inscription, généralement associée à cette dernière, n’a rien d’incompatible avec celle du Christ. |
31↑ | Le cartel du musée de Pise indique : Jean l’Évangéliste. Pourtant, la présence du lion, attribut symbolique de l’apôtre Marc, ne laisse planer aucun doute. |
32↑ | À propos de l’identification des quatre docteurs de l’Église – Jérôme, Grégoire, Augustin et Ambroise -, J. Cannon, op. cit., p. 71, note 14, écrit que « l’identité d’Augustin, Ambroise et Grégoire est généralement admise, mais [que] le quatrième [Jérôme] est souvent appelé Nicolas parce que c’est ainsi qu’il est identifié sur l’encadrement post-médiéval. Cependant, cette figure ne porte pas les attributs de saint Nicolas et son inclusion parmi les autres Docteurs de l’Église, symétriquement par rapport à Ambroise, indique qu’il s’agit bien de Jérôme, lequel, à cette époque, n’était pas encore représenté avec le large chapeau rouge adopté par les cardinaux ». |
33↑ | La sainte figurée ici est souvent présentée comme Marie Madeleine, sans doute en raison du vase que la figure tient dans ses mains. Pourtant, Madeleine est déjà représentée dans le registre principal et la minutie de l’organisation des figures qui environnent la Vierge se satisferait difficilement de cette répétition. C’est bien Lucie qui est représentée ici, d’une façon analogue à elle que l’on retrouve dans le polypptyque Virgin and Child with Saints (Boston, Isabella Steward Garner Museum). |
34↑ | Dans un texte récent, Marco Collareta revient sur la date de création (1320) du polyptyque généralement admise, en argumentant à nouveau sur la figure nimbée de Thomas d’Aquin : « Comme cela a été justement observé, la date [d’exécution de l’œuvre (1320)] se heurte au fait que la prédelle [du] polyptyque contient l’effigie nimbée de saint Thomas d’Aquin, canonisé seulement en 1323. L’hypothèse la plus économique pour résoudre la question est que l’œuvre ait été commandée en 1320, lorsque, à l’occasion du chapitre général de Rouen, commença à se diffuser la conviction d’une canonisation imminente du célèbre confrère, et qu’elle n’aurait été achevée et/ou placée sur le maître-autel de Santa Caterina qu’à la suite de la proclamation officielle de son culte par le pape Jean XXII, en 1323 ». Marco Collareta, « Il Polittico di Santa Caterina di Simone Martini, Pisa, Museo nazionale di San Matteo », dans Santa Caterina d’Alessandria a Pisa. Le tre età di una chiesa (a cura di Marco Collareta). Pise, Pacini editore, 2019, p. 100. |
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